Nous connaissions les collisions d'étoiles, de galaxies. Mais il est un type d'évènements encore bien plus étendu, cataclysmique, devant lequel même notre imagination démissionne, tant leur ampleur dépasse les pauvres créatures que nous sommes. Et ce sont les collisions d'amas de galaxies.

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    Bullet Cluster observé par le Télescope Spatial Hubble. Crédit NASA.

    Bullet Cluster observé par le Télescope Spatial Hubble. Crédit NASA.

    Leur mise en évidence et leur identification n'est toutefois pas facile. Lorsque deux galaxies entrent en collision, et éventuellement développent l'une autour de l'autre leurs bras spiralés, elles laissent derrière elles des nuées de gaz chauds qui se répandent à travers l'espace, et qui forment autant d'indices de leurs mutilations respectives. Mais rien de tel concernant les amas de galaxies, dont l'étendue se situe sur une toute autre échelle, avec les milliards de milliards d'étoiles qui les composent et entrent ainsi en jeu.

    Soupçonnant pareil phénomène, Renato Dupke et sa collègue de l'Université du Michigan, Ann Arbor, ont mis à contribution les télescopes spatiaux à rayons Xrayons X XMM-NewtonXMM-Newton de l'ESAESA et ChandraChandra de la NASANASA afin de scruter Abell 576, un amas de galaxies présentant certains caractères atypiques.

    En effet, de précédentes observations avaient révélé que les gaz ne se déplaçaient pas uniformément à travers cet amas. Grâce à l'extrême sensibilité et la haute résolutionrésolution spectrale des deux instruments, Dupke a effectué des relevés de vitessevitesse en deux endroits de l'objet et obtenu des résultats très différents, paraissant de prime abord incompatibles, mais pourtant bien réels. Une partie d'Abell 576 semblait s'éloigner beaucoup plus rapidement de nous que l'autre.

    Image du site Futura Sciences

    Image Chandra d'Abell 576. L'amas en collision est vu de face, les contours indiquent la zone où des différences de vitesse importantes ont été mesurées. Crédit NASA.

    Autre étrangeté, le gaz en déplacement rapide était anormalement froid du point de vue astronomique. Si ce gaz se déplaçait réellement à une telle vitesse, sa température devrait avoisiner le double des 50 millions de degrés Celsiusdegrés Celsius mesurés pour une simple raison de glissement de fréquencefréquence due à la vitesse de récession.

    La solution est venue de "Bullet ClusterBullet Cluster", ou 1E0657-56, une paire d'amas de galaxies en collision qui se sont heurtés de front et dont les trajectoires se présentent perpendiculairement par rapport à notre propre position. L'une est passée à travers l'autre, exactement comme une balle de fusil traverse une pomme en l'explosant. Dans le cas de Bullet Cluster, nous pouvons distinguer très nettement les deux acteurs de l'évènement.

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    Image de Bullet Cluster obtenue en rayons X par Chandra. Le repère situé à droite représente le point à partir duquel nous observerions l'amas en collision s'il s'agissait d'Abell 576, qui est vu lui de face. Crédit NASA.

    En transposant ces caractéristiques, Dupke s'est alors rendu compte qu'Abell 576 est aussi une collision d'amas de galaxies, mais vue de front, de sorte que les deux amas se trouvent l'un derrière l'autre et rendent plus difficile une identification visuelle. Les nuagesnuages de gaz "froids" qui avaient intrigué les chercheurs sont les cœurs de chaque amas ayant survécu à la collision, momentanément éjectés et refroidis par effet de dilatationdilatation, mais qui retomberont plus tard en fusionnant.

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    Vue simulée d'Abell 576 se présentant de profil, montrant les gaz à haute vitesse mis en évidence. Crédit NASA.

    Les données recueillies par les deux satellites indiquent que la collision s'est produite à 3300 km/seconde. Résultat particulièrement intéressant, car plusieurs simulations par ordinateurordinateur tendent à démontrer qu'une vitesse aussi élevée est impossible à atteindre dans une collision d'amas de galaxies. On estime néanmoins que cette vitesse est présente aussi bien dans Bullet Cluster que dans Abell 576, ce qui laisse à penser qu'elle n'est pas du tout exceptionnelle. La balle est maintenant dans le camp des cosmologues pour tenter de trouver une explication à cette nouvelle intrigue...


    Simulation vidéo de la collision d'amas de galaxies Bullet Cluster. Crédit ESA.

    Les collisions d'amas de galaxies sont extrêmement rares, et concernent semble-t-il entre une sur cent et une sur mille. Cependant leur étude est extrêmement importante pour la compréhension de la structure et de la massemasse totale de l'universunivers, car au cours de ces évènements particulièrement violents, une partie de leur gaz interne est projetée vers l'extérieur et échappe définitivement aux forces de gravitationforces de gravitation de l'ensemble, entraînant une sous-estimation de la masse de ces objets de 5 à 20 %.

    Renato Dupke et sa collègue Ann Arbor étudient déjà d'autres amas qui semblent aussi être en interaction. Une nouvelle branche de l'astronomie vient-elle de naître ?