La corrélation entre la masse d’une galaxie et celle du trou noir géant qu’elle abrite est connue depuis longtemps. Juste pour s’amuser, sans aucune motivation théorique, deux astrophysiciens ont cherché à savoir s’il en existait une entre le nombre d’amas globulaires et la masse du trou noir central galactique. La réponse est oui et cette corrélation est encore plus forte...

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    L'immense majorité des galaxies de l'univers observable possèdent en leur cœur un trou noir supermassif dont la masse va de quelques millions à quelques milliards de masses solaires. Si ces trous noirs géants permettent de résoudre l'énigme de la nature des quasars, c'est pour en poser une nouvelle : celle de leur origine.

    Dans les grandes lignes, on comprend comment les trous noirs de quelques masses solaires peuvent se former. Ils résultent de l'effondrementeffondrement du cœur des étoiles géantes dépassant quelques dizaines de fois la masse du SoleilSoleil et qui explosent en supernovaesupernovae. Mais par quels processus astrophysiquesastrophysiques des trous des millions de fois plus lourds peuvent-ils apparaître puisqu'il n'existe pas d'étoile dépassant les 200 masses solaires ?

    On sait cependant que dans les premiers instants de l'existence de l'univers observable, des fluctuations de densité pouvaient donner naissance à des trous noirs de toutes les tailles, des mini-trous noirs à des trous noirs géants. Mais il ne semble pas possible de rendre compte de cette façon du nombre et de la taille des trous noirs galactiques.

    Un indice exploitable quant à l'origine de ces derniers est certainement le fait qu'il existe une bonne corrélation entre la masse MT d'un trou noir galactique et la masse MG de la galaxie qui l'héberge. Le rapport MG/MT est d'environ 1.000. Cela suggère que les deux croissent de pair et l'une des hypothèses les plus naturelles pour expliquer cette croissaance repose sur le fait que les collisions entre galaxies n'étaient pas rares dans les premiers milliards d'années de l'histoire du cosmoscosmos. On pense en effet que c'est par accrétionaccrétion de galaxies nainesgalaxies naines que se forment les grandes galaxies. On devrait donc avoir une série de fusionsfusions des trous noirs des galaxies accrétées, ce qui rend compte en partie de la corrélation observée.

    Remarquablement, on la trouve aussi avec le bon rapport dans la célèbre Simulation du millénaire. Malgré tout, les détails théoriques de la croissance des trous noirs ne sont pas très bien compris et, surtout, on doit déjà avoir des trous noirs de grandes tailles qui ne peuvent être d'origine stellaire dans les galaxies naines.

    Il ne semble pas exister de trous noirs non stellaires dans les amas globulairesamas globulaires (certains candidats sont en lice mais restent controversés). On ne doit donc pas s'attendre a priori à une corrélation entre le nombre d'amas globulaires en orbiteorbite autour d'une galaxie et la masse de son trou noir central. Traversant probablement une phase de désœuvrement et surtout pour s'amuser comme ils le disent eux-mêmes, deux astrophysiciensastrophysiciens, Andreas Burkert et Scott Tremaine, ont pourtant cherché à savoir s'il en existait une.

    La galaxie elliptique M87, très massive, possède environ 15.000 amas globulaires, ce qui est énorme en comparaison des quelque 160 environ connus dans la Voie lactée. Crédit : <em>Canada-France-Hawaii Telescope</em>, J.-C. Cuillandre (CFHT), Coelum

    La galaxie elliptique M87, très massive, possède environ 15.000 amas globulaires, ce qui est énorme en comparaison des quelque 160 environ connus dans la Voie lactée. Crédit : Canada-France-Hawaii Telescope, J.-C. Cuillandre (CFHT), Coelum

    Les amas globulaires frottent-ils sur la matière noire ?

    Ils ont examiné les données concernant 11 galaxies dont 9 elliptiques (comme la célèbre M87 dans l'amas de la Vierge), une galaxie spiralegalaxie spirale et deux galaxies lenticulairesgalaxies lenticulaires (S0) qui sont des cas plus ou moins intermédiaires. A leur grande surprise, est apparue une corrélation encore plus nette que la précédente !

    Une des hypothèses avancées pour expliquer cette surprenante découverte a été proposée par le célèbre Jeremiah P. Ostriker. Elle fait intervenir un effet décrit théoriquement dans les années 1940 par le grand astrophysicien théoricien Subramanyan Chandrasekhar : la friction dynamique.

    Chandrasekhar s'intéressait alors à l'effet des champs gravitationnels combinés d'une population d'étoiles dans une galaxie ou un amas globulaire sur une étoile en mouvementmouvement dans cette population. La formule qu'il a obtenue montrait que l'étoile pouvait perdre de l'énergie cinétiqueénergie cinétique et de la quantité de mouvementquantité de mouvement à la façon d'une balle se déplaçant dans l'airair et soumise aux frottements. Plus tard, cette formule fut utilisée pour comprendre les interactions entre les galaxies.

    Selon Ostriker, les amas globulaires seraient ralentis par la frictionfriction dynamique exercée par le halo de matière noirematière noire entourant les galaxies. Ce faisant, certains d'entre eux finiraient par tomber vers le trou noir central l'alimentant en masse. Ainsi, plus une galaxie possède d'amas globulaires, plus elle est susceptible de voir sa masse croître en les avalant un à un.

    En tout état de cause, il semble raisonnable d'augmenter le nombre de galaxies étudiées pour asseoir sur des bases solidessolides la découverte des deux chercheurs. Si elle se confirme, elle donne probablement un indice de plus pour comprendre comment se forment et évoluent les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs.