Tous les onze ans en moyenne, le champ magnétique du Soleil s’inverse. Grâce à de nouvelles simulations numériques, des chercheurs expliquent pourquoi et comment cela se produit. La découverte d’une loi d’échelle pour la période du cycle magnétique d’une étoile est une première mondiale. Elle permet de mieux appréhender les phénomènes violents de météorologie spatiale.

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    Le champ magnétique des étoiles est engendré par les mouvements convectifsmouvements convectifs turbulents du fluide conducteur présent dans leur cœur (par effet dynamo). Celui du Soleil se renverse tous les onze ans en moyenne, phénomène qui s'accompagne d'éruptions très énergétiques pouvant dégrader des systèmes électriques et de communications sur Terre ou à bord de satellites. D'autres étoiles présentent aussi des cycles magnétiques, d'une année à plusieurs dizaines d'années.

    Une collaboration internationale incluant le CEA, le CNRS et l'université Paris-Diderot a simulé en 3D l'intérieur d'étoiles semblables au Soleil afin d'expliquer l'origine des cycles de leur champ magnétique. Les scientifiques ont mis en évidence l'existence d'une rétroactionrétroaction forte entre le champ magnétique de l'étoile et les écoulements qui l'animent, dont un important « profil de rotation interne ». Les modulationsmodulations temporelles de cette rotation interne déterminent en définitive la période du cycle. La découverte de cette loi d'échelle sur la période du cycle magnétique d'une étoile à partir de simulations 3D turbulentes auto-cohérentes est une première mondiale. Ces résultats, obtenus grâce aux grands calculateurs Genci, Prace et ComputeCanada, ont été publiés le 14 juillet dans la revue Science.

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    Pourquoi le Soleil brille-t-il ?

    Les simulations du magnétisme des étoiles de type solaire vont permettre de préparer l'exploitation scientifique des missions Cosmic Vision de l'ESAESA, Solar Orbiter et Plato, dont les lancements sont respectivement prévus en 2018 et 2024. Elles renouvellent l'interprétation théorique des cycles magnétiques stellaires et replacent l'étude du Soleil au cœur de notre compréhension de la dynamique des étoiles.

    Observation du champ magnétique azimutal, en fonction de la latitude et du temps. On observe que le champ magnétique se renverse régulièrement et oscille entre des phases symétriques (même signe de part et d’autre de l’équateur par exemple entre 100 et 140 ans) et antisymétriques (signe opposé par exemple entre 240 et 320 ans) par rapport à l’équateur. © DAp, CEA, AIM, université de Montréal

    Observation du champ magnétique azimutal, en fonction de la latitude et du temps. On observe que le champ magnétique se renverse régulièrement et oscille entre des phases symétriques (même signe de part et d’autre de l’équateur par exemple entre 100 et 140 ans) et antisymétriques (signe opposé par exemple entre 240 et 320 ans) par rapport à l’équateur. © DAp, CEA, AIM, université de Montréal

    Comment le champ magnétique se restructure

    Si on zoome sur le cœur du Soleil, on observe aussi, au sein du fluide conducteur, en plus de mouvements à grande échelle, un écoulement turbulent multiéchelle, issu de l'instabilité de la convection. Celui-ci est localisé dans la coquille sphérique externe de notre étoile, de 0,7 rayon solaire (environ 487.000 km) jusqu'à la surface. L'ensemble de ces deux types d'écoulements, à grande échelle et multiéchelle, joue un rôle essentiel dans la restructuration périodique du champ magnétique via ses composantes poloïdales (le long des méridiensméridiens) et toroïdales (le long des parallèles). Un mécanisme complexe, aujourd'hui bien compris, permet ainsi « d'auto-entretenir » un champ magnétique global de grande échelle. Dans certains cas, comme pour le Soleil, celui-ci oscille sur une période décennale.

    Le saviez-vous ?

    En physique, une simulation auto-cohérente, ou modèle ab initio, garantit un modèle basé sur les principes premiers de la physique ne faisant intervenir aucun paramétrage ad hoc. En particulier, les champs magnétiques et les écoulements à l’intérieur de l’étoile évoluent ici de façon conjointe et sont interdépendants, ce qui a permis aux chercheurs de mettre en lumière ce mécanisme nouveau à l’origine des cycles magnétiques stellaires.

    Grâce à leurs simulations, les chercheurs ont pu montrer que la rotation de l'étoile influence l'efficacité du transfert d'énergieénergie (non linéaire) entre certains écoulements à grande échelle et le champ magnétique. Ce phénomène détermine ultimement la période du cycle, qui décroit avec le nombre de Rossby -- le nombre de Rossby mesure le rapport entre les forces d'inertieinertie et la force de Coriolisforce de Coriolis qui s'applique à un fluide dans un repère tournant ; un faible nombre de Rossby correspond à une situation où l'effet de la rotation (Coriolis) domine l'advectionadvection du fluide, comme dans le cas par exemple de la circulation océanique globale sur Terre --, un nombre sans dimension très utilisé en dynamique des fluides géophysiques.

    Grâce à différents programmes d'observation, les chercheurs disposent aujourd'hui d'informations sur la duréedurée des cycles magnétiques d'étoiles de type solaire, dont ils connaissent souvent la luminositéluminosité avec une bonne précision, en plus de leur rotation et de leur cycle magnétique. En observant de plus en plus d'étoiles, les astrophysiciensastrophysiciens espèrent affiner ce nouveau scénario de l'origine du cycle magnétique des étoiles.


    Taches solaires : le Soleil est en retard sur son cycle

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 13 juin 2008

    Du 1er au 6 juin 2008 s'est tenue à l'université du Montana une conférence internationale sur la variabilité de l'activité solaire, le climatclimat de la Terre et son environnement spatial. Les chercheurs y ont discuté, entre autres, d'une légère anomalieanomalie de l'activité du Soleil. Celui-ci est en retard sur son cycle habituel de 11 ans.

    Depuis la découverte par GaliléeGalilée de taches à la surface du Soleil, ces dernières sont surveillées depuis des siècles par les astronomesastronomes et c'est ainsi que l'on a découvert deux cycles d'activité solaire de 11,2 et 24 ans en moyenne pour, respectivement, les taches et le champ magnétique.

    En 2001, le maximum de l'activité solaire a été atteint et un nouveau cycle aurait donc dû démarrer vers 2006. Or, comme le montre en particulier clairement les observations du satellite solaire Hinode, le Soleil est anormalement calme depuis cette époque.

    La surface du Soleil vue par Hinode. © Nasa

    La surface du Soleil vue par Hinode. © Nasa

    Cette anomalie n'est pas forcément étonnante ni inquiétante. Depuis sa découverte par l'astronome amateur allemand Heinrich Schwabe vers 1843, on sait que ce cycle oscille en fait entre 8 et 15 ans. De plus, de 1650 à 1700 environ, pendant ce qu'on appelle le minimum de Maunder, du nom de son découvreur, l'astronome anglais Walter Maunder, très peu de taches solairestaches solaires ont été observées.

    Il y a peut-être une explication à ce calme anormal. En 2006, trois physiciensphysiciens solaires du NCAR, Mausumi Dikpati, Peter Gilman et Giuliana Toma, ont utilisé un modèle informatique de l'activité du Soleil pour reproduire assez correctement les observations, comme on peut le constater sur le schéma ci-dessous. Or, extrapolée à l'avenir, la simulation a effectivement prévu un retard d'au moins un an sur le cycle normal du Soleil avec un pic en 2012.

    Quoiqu'il en soit, ce retard implique lui-même une météorologie spatiale calme, qui maintient de bonnes conditions pour le fonctionnement des satellites en orbiteorbite.