Les pulsars sont des étoiles à neutrons qui peuvent servir de laboratoire à presque toute la physique connue, que l'on cherche à mieux comprendre ou à dépasser. On vient de découvrir les premières éclipses dans le domaine gamma avec ces astres compacts lorsqu'ils font partie d'une espèce rare d'étoile double et qui conduit à les surnommer des « veuves noires ».


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    « Nous avons trouvé sept systèmes binairessystèmes binaires dans lesquels un pulsar gamma est éclipsé par son étoile compagne. Cela nous permet de mesurer avec précision les masses de cinq de ces pulsars. Ce n'est devenu possible que maintenant en analysant soigneusement les données du télescope spatialtélescope spatial à rayons gamma Fermi de la Nasa. Chaque mesure de masse est une donnée importante pour la physiquephysique fondamentale. » Voilà ce qu'explique dans un communiqué de l'Institut Max PlanckMax Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert EinsteinEinstein), à Hanovre, l'astrophysicienastrophysicien Colin Clark, auteur principal d'un article publié dans Nature Astronomy.

    Il s'agit en fait pour être précis de la détection et de l'étude des premières éclipseséclipses de rayons gamma produits par des pulsars dans des systèmes binaires particuliers qui fait de ces astresastres compacts d'un diamètre d'environ 20 kilomètres, et contenant de l'ordre d'une masse solaire, ce que les astronomesastronomes appellent des « veuves noires » en référence à des araignéesaraignées dont les femelles sont connues pour tuer leurs compagnons plus légers.


    Extrait du documentaire Du Big Bang au vivant, associé au site du même nom, un projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine. Jean-Pierre Luminet parle de la mort des étoiles massives, leur explosion en supernova et la formation de pulsars. © ECP Productions, YouTube

    Des E.T à l'équation d'état de la matière nucléaire

    Lorsque Jocelyn Bell a fait la découverte des pulsars en 1967, les astronomes ont tout d'abord été perplexe car il s'agissait d'impulsions radio périodiques très stables, si stables que certains ont pensé qu'il ne s'agissait pas de phénomènes naturels mais de manifestations d'une civilisation E.T. Mais les astrophysiciens Franco Pacini et Thomas Gold, respectivement italien et britannique, comprirent et montrèrent rapidement que des étoiles à neutronsétoiles à neutrons pouvaient se comporter comme les pulsars de Jocelyn Bell. Depuis des décennies, c'est un fait acquis et plus personne ne parle de petits hommes verts à leur sujet.

    Les pulsars possèdent un puissant champ magnétiquechamp magnétique qui se comporte comme une barre aimantée mais dont l'axe de rotation ne lui serait pas parallèle, il en résulte un effet relativiste qui produit de puissants champs électriqueschamps électriques arrachant des particules chargées de la surface de l'étoile à neutrons et, en fin de compte, elle se comporte comme un phare émetteur de particules, d'ondes radios et de rayons gamma comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous.

    Les étoiles à neutrons sont le résidu de l'effondrementeffondrement gravitationnel d'une partie de la matièrematière d'une étoile massive explosant en supernovasupernova. Il faut pour cela que sa masse dépasse les 8 à 10 masses solaires. Mais on est loin de tout comprendre du processus et on pense qu'il conduit à la formation d'un trou noirtrou noir pour des étoiles de quelques dizaines de masses solaires au moins. Il existe donc plusieurs raisons, d'un simple point de vue astrophysiqueastrophysique, pour étudier les étoiles à neutrons.

    On peut aussi espérer mieux comprendre les forces nucléaires avec ces objets insolites qui peuvent contenir peut-être jusqu'à plusieurs fois la masse du SoleilSoleil dans une sphère de quelques dizaines de kilomètres de diamètre seulement. En effet, même si l'on comprend assez bien les forces entre les quarksquarks constituant des protonsprotons et neutrons à très haute énergieénergie, les équationséquations de la chromodynamique quantiquechromodynamique quantique (QCD) décrivant ces forces nucléaires fortes deviennent très difficiles à résoudre à plus basse énergie.

    Paradoxalement, il est plus facile de déterminer, à partir des équations de la QCD, les détails d'une collision de deux protons au LHC que d'en dériver les forces entre ces protons et les neutrons au sein d'un noyau. Pire, le simple calcul ab initio de la masse du proton ne peut être fait de façon précise sans l'aide de puissants ordinateursordinateurs.

    On peut contourner le problème en étudiant expérimentalement des fluides de nucléonsnucléons à haute densité ou température. Les étoiles à neutrons représentent un bon laboratoire pour cette étude. Leurs caractéristiques, comme leurs rayons et leurs masses, vont en effet dépendre de l'état de ce fluide dans leur intérieur.

    Une étoile peu massive en orbite autour d'un reste stellaire super dense en rotation rapide appelé pulsar sont montrés dans cette illustration. Le pulsar émet des faisceaux de lumière à plusieurs longueurs d'onde qui tournent dans et hors de vue et qui chauffent le côté opposé à l'étoile, soufflant de la matière et érodant son partenaire. © Nasa, <em>Sonoma State University</em>, Aurore Simonnet
    Une étoile peu massive en orbite autour d'un reste stellaire super dense en rotation rapide appelé pulsar sont montrés dans cette illustration. Le pulsar émet des faisceaux de lumière à plusieurs longueurs d'onde qui tournent dans et hors de vue et qui chauffent le côté opposé à l'étoile, soufflant de la matière et érodant son partenaire. © Nasa, Sonoma State University, Aurore Simonnet

    Des transit de pulsars gamma

    Mais, revenons aux veuves noires. Ces « pulsars araignées » (Spyder en anglais) sont rares avec moins de 100 connus sur les près de 3 200 pulsars découverts depuis 1967. Ils existent lorsque l'étoile compagne est de faible masse (celles-ci sont souvent divisées en deux classes principales : les veuves noires avec des étoiles compagnes dont les masses sont inférieures à Mc ≲ 0,05 masse solaire (M⊙) ; et les redbacks avec des masses compagnes 0,1 M⊙ ≲ Mc ≲ 0,5 M⊙), pas assez proches pour que les forces de maréeforces de marée des pulsars leur arrachent de la matière mais suffisamment pour que le rayonnement propre des pulsars, avec des particules très énergétiques comme le sont notamment les photonsphotons gamma, entrainent une évaporation de cette étoile, en particulier en chauffant et érodant la partie de l'étoile qui fait face au pulsar qui, d'une certaine façon, la dévore donc.

    On peut mettre en pratique l'équivalent de la méthode des vitesses radialesméthode des vitesses radiales utilisée pour déterminer la masse d'une exoplanèteexoplanète en effectuant des mesures de ces vitesses dans le visible pour l'étoile compagne et dans le domaine radio pour le pulsar. Les estimations de masses sont là aussi ambigües à cause du fait que l'on ne sait pas sous quelle inclinaison on voit le plan orbital de l'étoile binaire.

    L'ambigüité est levée lorsque l'on observe un transittransit et tout comme dans le cas des exoplanètes, en combinant les deux méthodes de détection, on peut finalement obtenir une évaluation de la masse du pulsar et donc de l'étoile à neutrons.

    Avec une population suffisante d'étoiles avec une masse bien déterminée, on peut donc en tirer une masse maximale limite laquelle pose de sérieuses contraintes sur l'équation d'état de la matièreétat de la matière nucléaire constituant le pulsar.

    Un pulsar gamma dans un système binaire observé presque par la tranche est éclipsé par son compagnon. Ses pulsations gamma (affichées sur la durée d'une orbite en magenta en bas) s'évanouissent pendant l'éclipse tandis que le pulsar est invisible derrière le compagnon (2). Lorsque le pulsar est à droite (1), à gauche (3) ou devant (4) son compagnon, ses pulsations gamma sont observées. Le compagnon est déformé par la forte force de marée du pulsar. © Knispel, Institut Max Planck de physique gravitationnelle, Nasa GSFC
    Un pulsar gamma dans un système binaire observé presque par la tranche est éclipsé par son compagnon. Ses pulsations gamma (affichées sur la durée d'une orbite en magenta en bas) s'évanouissent pendant l'éclipse tandis que le pulsar est invisible derrière le compagnon (2). Lorsque le pulsar est à droite (1), à gauche (3) ou devant (4) son compagnon, ses pulsations gamma sont observées. Le compagnon est déformé par la forte force de marée du pulsar. © Knispel, Institut Max Planck de physique gravitationnelle, Nasa GSFC

    Avant les observations dans le domaine gamma rendues possible par Fermi, on pouvait tout de même faire des estimations de la masse du pulsar en mesurant indirectement l'angle d'inclinaison du plan orbital en tenant compte du fait que le pulsar déforme et chauffe l'étoile de sorte qu'un côté apparait plus brillant et plus bleuté. Un modèle astrophysique et des calculs fournissaient alors les résultats cherchés mais peu précis.

    C'est en train de changer grâce aux analyses des archives de plus de 11 ans d'observations de Fermi qui ont donc permis de trouver 7 veuves noires avec transit dans le domaine gamma, ce qui conduit donc à des éclipses périodiques.

    Un cas en particulier s'est révélé intéressant, celui du pulsar PSR B1957+20 qui, historiquement, était le premier de type veuve noire découvert. On estimait sa masse à 2,4 masses solaires alors qu'elle semble n'être seulement maintenant que de 1,8 masse solaire.


    Les méthodes de détection des exoplanètes se sont largement diversifiées depuis les années 1990. Elles peuvent se classer en deux grandes catégories, les méthodes directes et les méthodes indirectes. Les trois méthodes principales sont la méthode directe d’imagerie, la méthode indirecte du transit et la méthode indirecte de la vitesse radiale. © CEA Recherche

    Pour la petite histoire, c'est en 1939 que Robert Oppenheimer a posé le socle sur lequel les théories des étoiles à neutrons et celle de l'effondrement gravitationnel conduisant à la formation d'un trou noir seront construites à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Il s'agit des articles écrits en collaboration avec ses étudiants de l'époque : « On Massive Neutron Cores », avec Georges Volkoff, et « On Continued Gravitational Contraction », avec Hartland Snyder.

    Mélangeant relativité généralerelativité générale, thermodynamiquethermodynamique et physique nucléaire, le plus important ouvrage traitant de ces questions à la fin des années 1960 est probablement celui de Harrison, Thorne, Wakano, et Wheeler : Gravitation Theory and Gravitational Collapse, publié en 1965. Il traite par exemple du problème de l'équation d'état de la matière nucléaire à des densités extrêmes.

    Il existe depuis des ouvrages bien plus modernes sur ces questions.


    Au tableau de chasse du télescope Fermi  : le premier pulsar gamma !

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 29/10/2008

    Il se nomme CTA1 et il est situé à environ 4.600 années-lumièreannées-lumière dans la constellationconstellation de Céphée. C'est un nouveau type de pulsar découvert par le télescope spatial Fermi. Alors que les pulsars signalent généralement leur présence par un faisceau d'ondes radio, CTA1 a été découvert grâce à ses émissionsémissions de rayons gamma.

    Il y a peu de temps, le télescope spatial Glast, observant l'UniversUnivers dans le domaine des photons gamma, a été lancé. Une fois en orbiteorbite il fut, comme il est souvent d'usage, rebaptisé du nom de Fermi, en hommage à l'un des plus grands théoriciens et expérimentateurs du siècle dernier, le physicienphysicien italien Enrico Fermi.

    Ce satellite de la Nasa est le fruit de la collaboration internationnale de plusieurs organismes dont des laboratoires français de l'IN2P3, du Cea et de l'INSU. Equipé du télescope LAT (Large Area Telescope) il balaie la sphère céleste toute les trois heures mais cela a suffi pour détecter, avec une moyenne d'un photon gamma par seconde, un pulsar rayonnant mille fois plus d'énergie que le Soleil et dénommé CTA1.

    Rappelons qu'un pulsar est un reste de l'explosion en supernova d'une étoile au moins 8 fois plus massive que notre Soleil et dont l'effondrement du cœur laisse un objet extrêmement dense. Sa masse est d'environ 1,4 fois celle de notre étoile, mais contenue dans une sphère de quelques dizaines de kilomètres seulement. C'est une étoile à neutrons.

    Tournant sur lui-même très rapidement et possédant un intense champ magnétique, cet astre émet des faisceaux de particules et d'ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques qui balaient le cosmoscosmos comme le ferait un phare. Lorsque qu'un faisceau intercepte la Terre, il se manifeste dans les instruments de détection comme une série de pulsations périodiques. Celles du pulsar détecté par Fermi présentent une période de 316,86 millisecondes.

     
    Le télescope Fermi a découvert le premier pulsar grâce à son émission gamma. Le pulsar (ici en médaillon) se trouve dans le vestige de supernova CTA 1 dans la constellation de Céphée. Crédit : Nasa-CNRS
    Le télescope Fermi a découvert le premier pulsar grâce à son émission gamma. Le pulsar (ici en médaillon) se trouve dans le vestige de supernova CTA 1 dans la constellation de Céphée. Crédit : Nasa-CNRS

    Une découverte prometteuse

    C'est surtout dans le domaine des ondes radios qu'un tel « bip » a été observé pour les quelque 1.800 pulsars connus dans notre seule Voie LactéeVoie Lactée. CTA1 n'échappe probablement pas à la règle mais l'orbite de la Terre ne doit pas croiser son faisceau radio.

    Sa détection dans le domaine gamma est intéressante à plus d'un titre. En premier lieu, bien sûr, chaque nouvelle fenêtrefenêtre d'observation pour un objet astrophysique nous permet d'en apprendre davantage sur lui. Mais, de plus, cette observation en laisse augurer d'autres. En effet, selon les estimations des astrophysiciens, au moins 20.000 pulsars âgés de moins d'un million d'années devraient se trouver dans notre GalaxieGalaxie. S'ils restent invisibles pour nous, c'est que leurs faisceaux ne croisent pas l'orbite de la Terre. La possibilité de les détecter dans le domaine gamma devrait nous permettre d'en observer de nouveaux et, peut-être, de vérifier que notre estimation du taux de formation des pulsar dans la Voie Lactée est bien fondée.

    CTA1 n'est pas associé au centre du reste de la supernovareste de la supernova observée. Ce n'est pas si étonnant car on pense que l'explosion de l'étoile progénitrice en supernova peut être asymétriqueasymétrique, ce qui éjecterait plus de matière dans une certaine direction, provoquant une poussée, comme le moteur d'une fuséefusée. Il se peut aussi que CTA1 ait fait partie partie d'un système binaire et la perte de masse causée par l'explosion, même sphérique, a pu propulser CTA1, qui s'éloigne aujourd'hui du centre du reste de la supernova à une vitesse de quelques millions de kilomètres par heure.

    En remontant dans le passé et en tenant compte de sa distance actuelle par rapport au centre du reste de la supernova, les chercheurs ont conclu que le pulsar devait être âgé de 10.000 ans environ. Les astrophysiciens ont exposé les détails de leur découverte dans un article récent de Science.