Phénomènes parmi les plus violents de l’Univers, les sursauts gamma peuvent être utilisés comme des sondes cosmologiques. Grâce à eux, une équipe d’astrophysiciens vient d’étudier les conditions de formation des étoiles dans les galaxies il y a 10 milliards d’années.

au sommaire


    Le spectre de GRB 080607. En rouge, les zones correspondant aux molécules de CO, le monoxyde de carbone, et à l’hydrogène moléculaire (H2). Crédit : University of California/Santa Cruz

    Le spectre de GRB 080607. En rouge, les zones correspondant aux molécules de CO, le monoxyde de carbone, et à l’hydrogène moléculaire (H2). Crédit : University of California/Santa Cruz

    GRB 080607 est un sursaut gamma long (GRB pour Gamma Ray Burst) détecté le 7 juin 2008 par les instruments du satellite SwiftSwift. Très rapidement une batterie d'instruments au sol a pris le relais, notamment le Katzman Automatic Imaging Telescope du Lick Observatory et le télescope Keck I à Hawaï dont le Low Resolution Imaging Spectrograph (LRIS) a commencé l'analyse spectroscopique 15 minutes seulement après la détection du sursaut. Ces observations ont fourni une évaluation du décalage vers le rouge de GRB 080607 et donc de sa distance. On sait ainsi que ce sursaut gamma s'est produit au sein d'une galaxie environ 3 milliards d'années après la naissance de l'Univers observable.

    Schémas montrant à gauche le mécanisme probable des sursauts gamma longs et à droite le mécanisme probable des sursauts gamma courts. Crédit : David Darling

    Schémas montrant à gauche le mécanisme probable des sursauts gamma longs et à droite le mécanisme probable des sursauts gamma courts. Crédit : David Darling

    Les sursauts gamma sont les explosions les plus violentes de l'Univers. Actuellement, on pense qu'il s'agit soit d'hypernovae résultant de l'explosion d'étoilesétoiles très massives causée par la formation d'un trou noirtrou noir dans leur cœur (cas des sursauts longs), soit de la collision de deux astresastres compacts, principalement des étoiles à neutronsétoiles à neutrons (sursauts courts). Très lumineux, ces phénomènes sont visibles à des distances cosmologiques et ils permettent donc de tirer des conclusions sur la structure générale de l'Univers et d'observer ce qui se passait pendant ses premiers milliards d'années. Après une bouffée de rayons gammarayons gamma, puissante mais brève, une émissionémission transitoire de lumièrelumière persiste pendant une temps plus long. C'est l'afterglow, visible dans le domaine optique.

    Analyse moléculaire de pouponnière

    Jason X. Prochaska est professeur d'astronomie et d'astrophysiqueastrophysique à l'Université de Californie de Santa Cruz. Avec ses collègues, il vient de publier un article dans Astrophysical Journal Letters montrant comment il a été possible pour la première fois, grâce à GRB 080607, de détecter des moléculesmolécules présentes dans les pouponnières d'étoiles à l'intérieur de la galaxie hôte de ce sursaut. On savait déjà réaliser ce genre d'analyse de la composition en atomesatomes à l'aide des GRB dans des galaxies d'une époque aussi reculée, c'est-à-dire il y a 10 milliards d'années. Mais ici, il s'agit de molécules de CO, le monoxyde de carbonemonoxyde de carbone, et d'hydrogènehydrogène moléculaire (H2).

    Vue d'artiste d'un sursaut gamma cosmologique observé par un satellite. Crédit: A.J. Kamajian

    Vue d'artiste d'un sursaut gamma cosmologique observé par un satellite. Crédit: A.J. Kamajian

    Il s'est aussi avéré que GRB 080607 était le plus brillant sursaut gamma après GRB 080319B. C'est la présence d'une grande quantité de poussières dans le nuagenuage moléculaire où a eu lieu l'explosion qui a dérobé aux yeuxyeux des observateurs amateurs terrestres ce sursaut gamma. En tenant compte de ce facteur d'extinctionextinction dans le spectrespectre du GRB, les chercheurs ont pu montrer que la formation des étoiles dans la galaxie à cette époque devait être assez similaire à celle que l'on observe dans la Voie lactéeVoie lactée. En particulier, les abondances d'éléments autres que l'hydrogène et l'héliumhélium, c'est-à-dire la métallicitémétallicité dans le jargon des astrophysiciensastrophysiciens, sont assez similaires à celles du SoleilSoleil.

    Néanmoins, le spectre révèle aussi de nombreuses lignes d'absorptionabsorption - presque la moitié d'entre elles - qui ne ressemblent pour le moment à rien de connu. Selon Prochaska, il se pourrait qu'elles ne correspondent à aucun processus radiatif atomique et moléculaire observé en laboratoire ou dans une galaxie jusqu'à aujourd'hui, ce qui en fait le spectre le plus fascinant qu'il ait observé dans sa vie. Ces astronomesastronomes cherchent actuellement à obtenir des images plus précises de la galaxie où le sursaut gamma s'est produit et à connecter leurs observations sur la région où se formaient des étoiles avec des propriétés globales de la galaxie.