Dernièrement, deux équipes de la Nasa ont proposé de considérer deux déséquilibres atmosphériques détectés dans l’environnement de Titan comme pouvant être d’origine biologique. Pour ces chercheurs, on a peut-être affaire à une biosignature et ils insistent eux-même sur ce « peut-être ». Roger Raynal, spécialiste de Titan, nous explique combien il faut être prudent.

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    Le sol de Titan vu par la sonde européenne Huygens lors de son atterrissage en janvier 2005. Crédits Esa / Nasa / JPL / University of Arizona

    Le sol de Titan vu par la sonde européenne Huygens lors de son atterrissage en janvier 2005. Crédits Esa / Nasa / JPL / University of Arizona

    Le dihydrogène, provenant de la haute atmosphèreatmosphère de TitanTitan, est mystérieusement absent de sa surface. Visiblement, « un ou plusieurs phénomènes chimiques de surface le consomment ». Darrell Strobel, de l'université Johns Hopkins à Baltimore, auteur de l'étude, souligne d'ailleurs que bien que le dihydrogène soit très peu réactif à la température de la surface de Titan (-180°C), une consommation de ce gaz impliquant une catalyse minérale à basse température est elle aussi possible.

    Une autre équipe met en « évidence un déficit en acétylène à la surface de Titan ». Cette molécule devant être présente dans les lacs de Titan « n'a pas encore été détectée ». Comme elle se forme à la surface de la planète, elle doit donc bien être consommée, mais par quel processus ? Chris McKay (l'astrobiologiste qui avait analysé en détail la météorite martienne ALH84004) souligne que l'acétylène constituerait une nourriture de choix pour une (très) hypothétique vie basée sur le méthane, « comme le souligne honnêtement le communiqué de presse de la Nasa ». Mark Allen, directeur de l'équipe Titan du Nasa Astrobiology Institute, explique d'ailleurs que le manque d'acétylène pourrait tout aussi bien provenir de l'action de la lumièrelumière solaire ou des rayons cosmiquesrayons cosmiques capables de le transformer en aérosolsaérosols ou en d'autres molécules plus complexes ne présentant pas la signature spectrale de cette molécule.

    Pour nous éclairer sur ces deux découvertes, nous avons une nouvelle fois interrogé Roger Raynal, professeur de biologie, de géologiegéologie et de physiquephysique, spécialiste de Titan.

    Titan, satellite de Saturne, et son atmosphère, observés par la sonde <em>Cassini</em> (composition d'images prises du 9 au 26 octobre 2006. © Nasa/JPL/<em>University of Arizona</em>

    Titan, satellite de Saturne, et son atmosphère, observés par la sonde Cassini (composition d'images prises du 9 au 26 octobre 2006. © Nasa/JPL/University of Arizona

    Les biosignatures de vie extraterrestres : indices ou preuves ?

    Ces deux découvertes sont à rapprocher de la détection de méthane sur Mars qui peut être considéré comme un indice d'une possible vie bactérienne. Dans ces trois cas, « les chercheurs n'ont évidemment aucune certitude ». Les déséquilibres chimiques constatés dans l'atmosphère de Titan comme dans celle de Mars peuvent s'expliquer biologiquement, « mais ne sauraient constituer des 'preuves' d'une activité biologique », car ils ne sont en aucune façon spécifiques de la présence ou de l'activité de formes de vies.

    Pour y parvenir, « seule l'identification directe de structures biologiques actuelles ou passées dans des échantillons prélevés in situ et strictement protégés d'éventuellement contaminationscontaminations permettra d'identifier, d'éventuelles formes de vies extraterrestres ». Autrement dit, pour avancer sur cette question, rien de vaut une mission de retour d’échantillons. La découverte de biomarqueurs n'est pas une fin en soi. « Elle indique seulement quels sont les objets du Système solaireSystème solaire prioritaires pour ce type de mission ». Si Mars et Titan figurent en tête de liste, les satellites Encelade et Europe sont également des cibles de choix. Quant à l'atmosphère jovienne, « elle pourrait également apporter son lot de bonnes surprises ».

    Pour comprendre la démarche des scientifiques qui essayent de détecter la présence d'une vie extraterrestre, il faut savoir qu'ils « se basent sur les modifications de l'environnement terrestre qui ont été induites par la vie ». On peut séparer les manifestations directes, « comme d'éventuels fossilesfossiles » et les biosignatures « constituées par des produits dont l'origine implique la présence, actuelle ou passée, d'êtres vivants ». D'emblée, il apparaît difficile de se baser sur notre connaissance limitée du phénomène vivant, celui-ci « étant limité à la seule planète où nous soyons sûrs que la vie existe » ! Toutefois, plusieurs biosignatures ont été proposées.

    Une fois éliminées les molécules organiques les plus simples, « c'est-à-dire celle à bases azotéesbases azotées et les acides aminésacides aminés les plus simples », dont la synthèse peut être abiotiqueabiotique et qui sont manifestement très répandues dans l'universunivers, il reste les molécules dont « la synthèse nécessite un équipement enzymatiqueenzymatique ». On citera les stéranes perhydrocyclopentanophénanthrènes (qui sont les restes de stéroïdesstéroïdes, composant des membranes de cellules eucaryoteseucaryotes) ou les triterpènes (précurseurs de stéroïdes comportant 30 atomesatomes de carbonecarbone) qui « constituent de vraies preuves de l'existence d'une vie, si toutefois leur présence ne résulte pas d'une contamination du milieu ». Malheureusement, ces molécules se trouvent dans le sol et ne peuvent donc pas être détectées à distance. Il en est de même « des déséquilibres isotopiques signalant des processus biologiques comme la photosynthèsephotosynthèse ».