La British Astronomical Association vient de publier les résultats d'une enquête particulièrement détaillée concernant les phénomènes lunaires transitoires (LTP). Ces curieuses et éphémères modifications à la surface de notre satellite naturel divisent les chercheurs depuis des décennies.

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    • Admirez la Lune en image

    Rares sont les sujets d'études concernant la Lune qui font autant débat. Bien qu'on en dénombre plus de 2.800 au cours de ces trois derniers siècles, les phénomènes lunaires transitoires sont toujours autant controversés qu'inexpliqués. C'est en 1968 que l'astronomeastronome sir Patrick Moore créa le terme de LTP (Lunar Transient Phenomena) pour englober d'étranges phénomènes rapportés par des observateurs. Brève augmentation de brillance, point lumineux, assombrissement, coloration ou effet de brouillardbrouillard sont des exemples typiques de LTP remarqués sur des zones lunaires de quelques kilomètres. La British Astronomical Association (BAA) a présenté, au mois de mars dernier, les résultats d'une minutieuse enquête sur le sujet.

    Historiquement le premier LTP fut observé le 18 juin 1178, par cinq moines de la cathédrale anglaise de Canterbury qui admirèrent à l'œilœil nu un flashflash lumineux sur le bord du croissant de Lune. Ils venaient d'assister en direct à la chute d'une météorite qui donna naissance à un jeune cratère de 22 kilomètres de diamètre, nommé Giordano BrunoGiordano Bruno.

    Depuis cette date les rapports d'observation se succèdent. Bien entendu, beaucoup de ces signalements sont sujets à caution. Très souvent rapportés par des individus isolés sur la base d'une observation visuelle limitée par les possibilités de l'instrument optique utilisé, ils sont sans aucun doute à mettre sur le compte d'effets atmosphériques ou d'optique. À ce sujet, les statistiques réalisées par la BAA sont éloquentes : seuls 2 % des rapports d'observation (53 sur 2.806) rédigés entre les années 1700 et 2010 font état de véritables LTP.

    La plupart des phénomènes lunaires transitoires (LTP) ont été observés en bordure des fausses mers lunaires, des zones sombres peu cratérisées. Il s'agit de grands bassins creusés par l'impact d'astéroïdes et comblés ensuite par des coulées de lave. Les bordures de ces mers sont des zones où la croûte lunaire est plus fragile. Des fissures pourraient laisser échapper de temps en temps des gaz à l'origine des LTP. © <a href="http://jbfeldmann.blogspot.fr/" title="Jean-Baptiste Feldmann" target="_blank">Jean-Baptiste Feldmann</a>

    La plupart des phénomènes lunaires transitoires (LTP) ont été observés en bordure des fausses mers lunaires, des zones sombres peu cratérisées. Il s'agit de grands bassins creusés par l'impact d'astéroïdes et comblés ensuite par des coulées de lave. Les bordures de ces mers sont des zones où la croûte lunaire est plus fragile. Des fissures pourraient laisser échapper de temps en temps des gaz à l'origine des LTP. © Jean-Baptiste Feldmann

    Pour ou contre les LTP ?

    53 phénomènes lunaires transitoires, c'est à la fois peu et beaucoup. Ceux qui ne croient pas aux LTP font judicieusement remarquer que le développement de l'imagerie numérique ces dernières années n'a pour le moment permis d'enregistrer aucun de ces phénomènes avec certitude. Leurs opposants rappellent l'observation de Nikolai Aleksandrovich Kozyrev en novembre 1958. Cet astronome russe, qui travaillait avec un télescope de 1,25 m de diamètre à l'observatoire d’astrophysique de Crimée, étudia pendant 30 minutes une coloration rougeâtre dans le cratère Alphonse. Le spectre photographique qu'il réalisa révéla une émission de vapeur de carbone. Même à la Nasa les avis sont encore partagés.

    En juillet 1969 on demanda à Neil Armstrong d'observer en détail le cratère Aristarque (souvent cité par les observateurs de LTP) au cours d'un des survolssurvols d'Apollo 11. L'astronaute américain signala une zone beaucoup plus lumineuse que les alentours, qui semblait avoir une légère fluorescence.

    Les LTP ne sont pas liés à l’activité solaire

    Bien qu'elle ne permette pas de trancher le long débat autour des LTP, l'étude de la BAA révèle, par contre, que la fréquencefréquence de ces phénomènes n'est pas liée à l'activité solaire. Une idée largement répandue dans la communauté astronomique, depuis la formulation de cette hypothèse en 1945 par Hugh Percy Wilkins, un astronome amateur gallois.

    Si les LTP se produisent sur la Lune, leur origine sera sans doute à rechercher du côté du dégazagedégazage de cette dernière. La distribution de ces phénomènes à la surface de la LuneLune révèle en effet une forte concentration sur le bord des fausses mers, là où la croûtecroûte lunaire est la plus fragile. La remontée ponctuelle de gazgaz par des fissures lunaires pourrait alors expliquer les effets de brouillard observés au cours de certains LTP. On peut également imaginer la formation de décharges électriques au sein de ces gaz (par effet triboélectrique) à l'origine de phénomènes lunaires lumineux.

    C'est peut-être la sonde Ladee (Lunar Atmosphere and Dust Environment Explorer) de la prochaine mission d'exploration de notre satellite naturel, qui permettra de mieux comprendre les LTP. Elle devrait être mise en orbiteorbite lunaire cette année, avec comme objectif l'étude de la fine atmosphèreatmosphère et de la poussière de la Lune. On en saura alors peut-être un peu plus sur ces étranges phénomènes lunaires transitoires...