Au printemps dernier, un radar météorologique a suivi la course d’un gros objet de 40 t à travers l’atmosphère, qui a violemment explosé. Ses fragments, qui ne totalisent que 1 kg, ont été retrouvés près de Sutter’s Mill, en Californie, et sont actuellement analysés avec soin. La première publication scientifique vient de sortir...

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    Quelques fragments de la météorite de Sutter's Mill, en cours d'analyse. © Peter Jenniskens et al., Science

    Quelques fragments de la météorite de Sutter's Mill, en cours d'analyse. © Peter Jenniskens et al.Science

    Le 22 avril 2012, en Sierra Nevada (Californie), à 8 h 00 heure locale, les habitants ont assisté à une énorme explosion dans le ciel : un bolide, entré dans l'atmosphèreatmosphère à 28,6 km/s, venait de se désintégrer. Il s'agissait d'une météorite carbonée. Elle a été récupérée deux jours après sa chute grâce à l'observation de sa fin de parcours par un radar météorologique, alors que la trajectoire du bolide, visible jusqu'à 30 km d'altitude, indiquait un autre point de chute, du fait du ventvent.

    Une équipe internationale, principalement américaine, vient de publier un article dans Science présentant les caractéristiques extraordinaires de cette chute. D'un objet de 40 t arrivant de l'extérieur de la ceinture d'astéroïdes (à proximité de JupiterJupiter) à près de 30 km/s, il est resté moins de 1 kgkg récupéré au sol en une centaine de fragments de 1 à 200 g, près du site historique de la ruée vers l'or en Californie, Sutter's Mill, qui a donné son nom à la météorite.

    Les derniers instants de la trajectoire (en orange) suivie par l'astéroïde, devenu la météorite de Sutter's Mill, au-dessus de la Californie. Le contact radar a été perdu à 30 km d'altitude. L'objet de 40 t a alors violemment explosé, secouant les vitres et les murs alentours, avec une puissance estimée au quart de celle de la bombe d'Hiroshima. Les multiples débris, de petite taille, ont ensuite été fortement déviés par le vent et sont tombés dans les secteurs indiqués en bleu. Les points rouges montrent les lieux où des fragments ont été retrouvés. © Peter Jenniskens <em>et al</em>., <em>Science</em>

    Les derniers instants de la trajectoire (en orange) suivie par l'astéroïde, devenu la météorite de Sutter's Mill, au-dessus de la Californie. Le contact radar a été perdu à 30 km d'altitude. L'objet de 40 t a alors violemment explosé, secouant les vitres et les murs alentours, avec une puissance estimée au quart de celle de la bombe d'Hiroshima. Les multiples débris, de petite taille, ont ensuite été fortement déviés par le vent et sont tombés dans les secteurs indiqués en bleu. Les points rouges montrent les lieux où des fragments ont été retrouvés. © Peter Jenniskens et al., Science

    La météorite de Sutter's Mill, entre astéroïde et comète ?

    La caractérisation de cet objet révèle un matériel hydraté et oxydé, ayant subi une histoire très complexe à la surface d'un corps parent, peut-être intermédiaire entre astéroïde et comète. Les impacts multiples à la surface de cet objet ont produit un mélange de matériaux en provenance de différents corps parents et ayant subi un chauffage très variable. La lithologielithologie principale, poreuse, hydratée et riche en carbonates, a pu être fortement déshydratée par ce chauffage.

    L'étude magnétique de la météorite de Sutter's Mill, réalisée au Cerege (CNRS, université Aix-Marseille) à Aix-en-Provence, révèle cette importante hétérogénéité, et un champ magnétique très faible régnant lors de sa formation. Malgré la teneur relativement faible en matière organique, de nombreuses molécules complexes ont été détectées avec la participation de l'ENSCMu (université de Mulhouse). La recherche sur cet objet ne fait que commencer, en particulier sur l'effet thermique de l'entrée atmosphérique.

    Peter Jenniskens, coauteur de l'article publié dans <em>Science</em>, tout à sa joie après sa découverte sur un parking d'un fragment du bolide californien du 22 avril. © Franck Marchis, <em>Cosmic Diary</em>

    Peter Jenniskens, coauteur de l'article publié dans Science, tout à sa joie après sa découverte sur un parking d'un fragment du bolide californien du 22 avril. © Franck Marchis, Cosmic Diary

    Bientôt un réseau de détection en France

    Cette étude nous procure un avant-goût des découvertes attendues des trois missions vers des astéroïdesastéroïdes primitifs prévues par les agences spatiales américaine, européenne et japonaise, avec retour d'échantillons dans les années 2020. Elle démontre aussi l'intérêt de moyens nouveaux et proactifs de détection des chutes de météorite.

    Un réseau de détection dédié aux météorites commence d'ailleurs à être installé en France sous la responsabilité de l'Observatoire de Paris dans le cadre du projet Fripon (Fireball Recovery and Inter Planetary Observation Network, soit Réseau d'observation de matière interplanétaire et de recherche de bolides).