De violentes tempêtes, de puissantes avalanches d'air, de la neige : voilà ce que connaîtraient, à la nuit tombée, les Martiens s'il y en avait. Bien loin de ce qu'indiquaient les observations et les modèles, l'atmosphère de la Planète rouge serait plus active et complexe que prévu, selon une nouvelle analyse des observations d'orbiteurs.

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    En 2008, l'atterrisseur Phoenix, posé en région polaire nord, avait vu passer des nuagesnuages de glace d'eau et il était évident pour tout le monde que de la neige ou de la glace devait parfois tomber jusqu'au sol. De plus, les calottes polairescalottes polaires, au nord et au sud, sont composées de glace de CO2 mais aussi d'eau. Enfin, les études depuis l'orbite avaient montré l'existence d'échanges verticaux au sein de l'atmosphère. Mais rien de méchant, pensait-on. Les particules de glace ou de neige devaient gentiment grossir, jusqu'à tomber lentement du fait de la gravité, et finir, le plus souvent, par s'évaporer après un ou deux kilomètres d'une chute devant durer plusieurs heures. Nul ne les imaginait suffisamment puissants pour générer des tempêtestempêtes.

    C'est pourtant ce qui ressort d'une triple simulation effectuée par une équipe internationale, menée par le Français Aymeric Spiga et publiée dans Nature Geosciences. Selon lui, les particules d'eau gelée, minuscules, doivent tomber à grande vitesse et il ne leur faut que cinq à dix minutes pour une chute de un ou deux kilomètres.

    Des nuages observés en 2008 par l'atterrisseur Phoenix, posé en région polaire. © Nasa, JPL

    Des nuages observés en 2008 par l'atterrisseur Phoenix, posé en région polaire. © Nasa, JPL

    Les tempêtes insoupçonnées des nuits martiennes

    Le travail a revisité les observations de deux sondes en orbite, MGS (Mars Global Surveyor) et MRO (Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter). La nouveauté est que ces chercheurs ont modélisé le climat martien à trois échelles, planétaire, régionale et locale. Leurs résultats montrent des effets inattendus du refroidissement nocturnenocturne à haute altitude, vers 20 à 40 km du sol.

    Après le coucher du Soleil, leur modélisation indique que la température à l'intérieur des nuages chute de 4 °C par heure. De puissants mouvementsmouvements de convectionconvection apparaissent alors au sein des nuages et dessous, expliquent-ils, et de forts courants descendants atteignent, plus bas, un airair plus chaud. La rencontre doit avoir lieu à environ 8 km d'altitude vers 2 h du matin, en heure solaire locale bien sûr. Il en résulte que des régions de Mars doivent parfois connaître de terribles chutes de neige ou de glace, avec des ventsvents violents.

    Une vue d'artiste de Phoenix, posé sur le sol martien. L'engin a pu analyser le sol grâce à une pelle (à gauche) et a observé de la glace d'eau. © Nasa, JPL

    Une vue d'artiste de Phoenix, posé sur le sol martien. L'engin a pu analyser le sol grâce à une pelle (à gauche) et a observé de la glace d'eau. © Nasa, JPL

    La météo de Mars est plus complexe que prévu

    Les modèles globaux du climatclimat de Mars n'ont jamais montré l'existence de cette couche de mélange car ils ne prennent pas en compte ces mouvements à petite échelle. Et à l'inverse, les modèles locaux utilisés seuls, n'intégrant pas les données à grande échelle, ne prédisent pas ce phénomène.

    Cependant, cette modélisation n'explique pas tout. Elle prédit en effet que cette convection doit aussi provoquer des mouvements d'air ascendants à très haute altitude, générant un transport d'eau vers la troposphèretroposphère. Il y aurait là un mécanisme capable d'expédier l'eau martienne dans l'espace, selon les auteurs. Voilà qui expliquerait comment Mars peut perdre son eau. Mais le modèle ne donne pas de valeur chiffrée, et ne dit donc pas si le bilan global est d'envoyer l'eau vers le bas ou vers le haut.

    D'une manière générale, la découverte démontre que nous connaissons mal la météométéo martienne et en particulier les mouvements verticaux au sein de l'atmosphèreatmosphère. Elle intéresse aussi l'astronautiqueastronautique. Des tentatives d'atterrissages ou des installations de roversrovers, voire d'humains, gagneront à anticiper ces colères atmosphériques.

    Le saviez-vous ?

    Une observation récente, suite à un réexamen des mesures de la sonde Mars Odyssey (en orbite autour de Mars depuis 2001), indique que de grandes quantités d'eau gelée se trouvent dans le sol dans les régions équatoriales. Jusque-là, on pensait l'eau surtout présente dans le sol des hautes latitudes.

    La découverte a été faite grâce à une méthode astucieuse de l'analyse des données fournies par le spectromètre à neutrons, capable de détecter la présence d'hydrogène dans le sol. Au-dessus d'une certaine quantité, la présence d'eau est très probable. La nouvelle méthode a en quelque sorte presque doublé la précision de l'instrument, permettant la découverte de réservoirs d'eau jusque-là passés inaperçus.