Des chercheurs du Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR) ont effectué la première mesure de l’intensité de la lumière extragalactique diffuse dans l'univers proche, véritable brouillard de photons dans lequel baigne l'univers depuis sa formation. Elle permet d’envisager notamment l'étude de signatures de mécanismes liés aux champs magnétiques intergalactiques.

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    La première mesure de l'intensité de la lumière extragalactique diffuse a été réalisée par des chercheurs du Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR). Utilisant des sources gamma parmi les plus brillantes de l'hémisphère sudhémisphère sud, cette évaluation a été conduite à partir de mesures effectuées par le réseau de télescopes Hess, installé en Namibie, auquel contribuent le CNRS et le CEA. Elle est complémentaire de celle réalisée récemment par l'observatoire spatial Fermi-Lat.

    Ces résultats apportent des éléments nouveaux pour appréhender la taille de l'univers observable en rayons gamma, et pour mieux comprendre la formation des étoiles et l'évolution des galaxiesgalaxies dans l'univers. Ils ont été publiés le 16 janvier 2013 sur le site de la revue Astronomy & Astrophysics, dont ils font la couverture.

    Un océan de photons extragalactique

    La lumière émise par tous les objets de l'univers (étoiles, galaxies, etc.) depuis sa naissance emplit l'espace intergalactique d'un océan de photonsphotons appelé « lumière extragalactique diffuse ». La luminositéluminosité ambiante de notre Galaxie empêche de mesurer directement cette trace fossilefossile de l'activité lumineuse de l'univers. Pour contourner ce problème, les astrophysiciensastrophysiciens s'appuient sur le rayonnement gamma (d'une énergieénergie plus de 500 milliards de fois plus importante que celle de la lumière visible), qui offre une méthode alternative et indirecte pour sonder cette lumière.

    En effet, un faisceau de rayons gamma issu d'une galaxie lointaine, à plusieurs centaines de millions d'années-lumièreannées-lumière, est atténuéatténué lors de son voyage vers la Terre, du fait d'interactions avec la lumière diffuse. Plus précisément, au « contact » d'un photon diffusdiffus, un photon gamma peut « disparaître » en donnant naissance à un électronélectron et à son antiparticule, un positronpositron, ce qui a pour effet d'atténuer l'intensité du faisceau. Plus le brouillardbrouillard de photons diffus est épais, plus l'atténuation est importante, réduisant la taille de l'univers observable en rayons gamma.

    Finalement, l'absorptionabsorption par l'atmosphèreatmosphère de la Terre des rayons restants engendre une cascade de particules subatomiques, qui génère un éclairéclair lumineux détectable depuis le sol par Hess, un réseau de télescopes majoritairement franco-allemand. Il repère les rayons gamma de très haute énergie (de l'ordre de 1.000 milliards d'eV), tandis que ceux de plus basse énergie sont détectés directement par le Large Area Telescope (Lat) de l'observatoire spatial Fermi Gamma-ray Space Telescope.

    Histoire cosmique et mesure de l’opacité aux rayons gamma à différentes époques par Hess et Fermi-Lat. Au sein du consortium Hess, le groupe d’astronomie gamma du LLR a mesuré pour la première fois l’intensité de la lumière extragalactique diffuse en utilisant des rayons gamma au TeV. Cette lumière émise par l’ensemble des étoiles et des galaxies depuis la fin des âges sombres se comporte comme une sorte de brouillard cosmique, en absorbant les rayons gamma émis par des sources lointaines. Des phares perçant ce brouillard, les blazars, ont été utilisés pour mesurer l’absorption et en déduire avec une précision de l’ordre de 20 % l’intensité du fond diffus cosmologique. Cette première mesure fine dans l’univers proche (zone rouge dans la figure du haut) est complémentaire de la mesure réalisée par Fermi-Lat. L’axe vertical du graphique montre l’opacité normalisée à un modèle de référence (Franceschini <em>et al.</em>, 2008) et l’axe horizontal indique les distances, en années-lumière, auxquelles sont situés les blazars utilisés pour les mesures. Le point bleu à gauche indique la gamme dans laquelle la mesure de Fermi est statistiquement significative, et le point rouge à droite montre la mesure réalisée par Hess dans l’univers proche. © <em>LLR-Hess Collaboration</em>

    Histoire cosmique et mesure de l’opacité aux rayons gamma à différentes époques par Hess et Fermi-Lat. Au sein du consortium Hess, le groupe d’astronomie gamma du LLR a mesuré pour la première fois l’intensité de la lumière extragalactique diffuse en utilisant des rayons gamma au TeV. Cette lumière émise par l’ensemble des étoiles et des galaxies depuis la fin des âges sombres se comporte comme une sorte de brouillard cosmique, en absorbant les rayons gamma émis par des sources lointaines. Des phares perçant ce brouillard, les blazars, ont été utilisés pour mesurer l’absorption et en déduire avec une précision de l’ordre de 20 % l’intensité du fond diffus cosmologique. Cette première mesure fine dans l’univers proche (zone rouge dans la figure du haut) est complémentaire de la mesure réalisée par Fermi-Lat. L’axe vertical du graphique montre l’opacité normalisée à un modèle de référence (Franceschini et al., 2008) et l’axe horizontal indique les distances, en années-lumière, auxquelles sont situés les blazars utilisés pour les mesures. Le point bleu à gauche indique la gamme dans laquelle la mesure de Fermi est statistiquement significative, et le point rouge à droite montre la mesure réalisée par Hess dans l’univers proche. © LLR-Hess Collaboration

    Les blazars, des sources gamma intenses

    Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés à des galaxies particulières appelées blazars, distantes de plusieurs milliards d'années-lumière. En mesurant avec Hess les spectresspectres en rayons gamma émis par des blazarsblazars relativement proches, ils ont évalué l'effet de l'interaction des rayons gamma très énergétiques avec la lumière extragalactique diffuse dans une sphère d'un rayon de 3 milliards d'années-lumière. La collaboration Fermi-Lat a fait de même dans l'univers plus lointain, entre 5 et 10 milliards d'années-lumière. Ces mesures ont permis de déduire, pour la première fois avec une précision de l'ordre de 20 %, l'intensité de la lumière stellaire contenue dans l'univers, dans la gamme des longueurs d'ondelongueurs d'onde allant du proche infrarougeinfrarouge à l'ultravioletultraviolet, en passant par le visible.

    Une meilleure connaissance de cette lumière diffuse, véritable mémoire de l'univers lumineux, nous révèle des informations sur les premières étoiles. Elle permet ainsi de mieux comprendre leur formation ainsi que l'évolution des galaxies. Cette nouvelle donnée pourrait être intégrée dans certains modèles cosmologiques pour mieux décrire la vitessevitesse et les processus de formation des étoiles depuis la naissance de l'univers. Ces résultats permettent également de définir la taille de l'univers observable en rayons gamma et d'envisager l'étude de signatures de mécanismes plus fondamentaux, liés aux champs magnétiques intergalactiques ou bien de phénomènes de physiquephysique exotiqueexotique.