Les amas de galaxies et leurs collisions sont des laboratoires pour la cosmologie et la physique, par exemple pour tenter de comprendre la matière et l'énergie noire. La Nasa s'est penchée récemment sur une triple collision d'amas galactiques ayant conduit à la formation de l'amas Abell 2256.


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    Les amas de galaxies sont parmi les plus gros objets de l'Univers contenant des centaines, voire des milliers de galaxies individuelles. Le modèle cosmologique actuel prédit, et c'est bien ce que l'on semble observer, que ces amas baignent dans de la matière noirematière noire -- également dans d'énormes réservoirs de gaz de matière baryonique ordinaire -- surchauffée au point de devenir un plasma à des températures de plusieurs millions de degrés, ce qui les rend très brillants en rayons X.

    Toutes ces découvertes sont récentes et largement dues aux moyens d'observation du XXe siècle permettant d'aller au-delà de la matière visible. Toutefois, cela fait presque 250 ans que l'on connaît l’existence des amas de galaxies.

    Ainsi, dès les années 1780, le célèbre astronomeastronome français Charles MessierCharles Messier avait déjà constaté une concentration exceptionnelle de nébuleuses dans la constellation de la Viergeconstellation de la Vierge. Son contemporain, l'astronome germano-britannique William HerschelWilliam Herschel (né Friedrich Wilhelm Herschel), bien connu pour sa découverte de la planète UranusUranus mais aussi du rayonnement infrarougeinfrarouge, avait lui aussi remarqué l'existence des amas et notamment celui de l'amas de la Chevelure de Bérénice ou amas de ComaComa (Abell 1656).

    Rappelons qu'en ce qui concerne la matière noire, c'est l'astrophysicienastrophysicien Fritz Zwicky qui a commencé à apporter des preuves de son existence en observant le comportement des galaxies dans des amas dès 1933. Elles se déplaçaient trop vite pour rester liées dans ces amas et auraient donc dû se disperser, à moins qu'une composante supplémentaire, dominante par sa force de gravitégravité mais n'émettant pas de lumièrelumière, soit présente.

    Les amas trahissent donc peut-être, si la matière noire existe vraiment, une nouvelle physiquephysique. De facto, les astrophysiciens ont déjà entrepris de tester certaines des prédictions de la théorie de supercordes avec les émissions X des amas de galaxies et d'autres ont tenté avec plus ou moins de succès de se servir des collisions de galaxies pour départager la théorie de la matière noire de son alternative, la théorie Mond qui modifie les équations classiques de la mécanique céleste au lieu d’introduire de nouvelles particules encore jamais vues dans les laboratoires terrestres.

    On ne sera donc pas surpris que les astrophysiciens se penchent sur tous les aspects des amas de galaxies, ce que prouve récemment un communiqué de la NasaNasa faisant état de l'étude d'une collision spectaculaire et continue entre au moins trois amas de galaxies conduisant à la formation en cours, observée telle qu'elle se produisait il y a 780 millions d'années de l'amas Abell 2256.

    Sur cette image, en fausses couleurs, on voit clairement au moins deux amas de galaxies (<em>cluster</em> en anglais) en cours de fusion. L'amas résultant, Abelll 2256, contient un nombre inhabituellement élevé de radiogalaxies, peut-être parce que la collision et la fusion déclenchent la croissance de trous noirs supermassifs et les éruptions qui en résultent. © Rayons X : Chandra : Nasa/CXC/Univ. de Bolonga/K. Rajpurohit et <em>al.</em>; XMM-Newton : ESA/XMM-Newton/Univ. de Bolonga/K. Rajpurohit et <em>al.,</em> Radio : Lofar : Lofar/Astron ; GMRT : NCRA/TIFR/GMRT ; VLA : NSF/NRAO/VLA ; Visible/Infrarouge : Pan-Starrs
    Sur cette image, en fausses couleurs, on voit clairement au moins deux amas de galaxies (cluster en anglais) en cours de fusion. L'amas résultant, Abelll 2256, contient un nombre inhabituellement élevé de radiogalaxies, peut-être parce que la collision et la fusion déclenchent la croissance de trous noirs supermassifs et les éruptions qui en résultent. © Rayons X : Chandra : Nasa/CXC/Univ. de Bolonga/K. Rajpurohit et al.; XMM-Newton : ESA/XMM-Newton/Univ. de Bolonga/K. Rajpurohit et al., Radio : Lofar : Lofar/Astron ; GMRT : NCRA/TIFR/GMRT ; VLA : NSF/NRAO/VLA ; Visible/Infrarouge : Pan-Starrs

    Une collision d'amas au visage multiforme, des rayons X aux ondes radios

    Il en a résulté l'image composite d'Abell 2256 ci-dessus qui combine les données en rayons X du satellite ChandraChandra de la Nasa, du XMM-NewtonXMM-Newton de l'Esa en bleu avec des données radio recueillies par le radiotélescoperadiotélescope géant Metrewave (GMRT), le Low Frequency Array (LOFAR) et le Karl G. Jansky Very Large Array (VLA) toutes en rouge, plus les données dans le visible et l'infrarouge des Pan-STARR en blanc et jaune pâle.

    Avant d'y chasser éventuellement de la nouvelle physique, les astronomes qui étudient cet amas tentent de découvrir ce qui a conduit à cette structure d'apparence inhabituelle. Chaque télescopetélescope raconte alors une partie différente de l'histoire d'Abell 2256. Le communiqué de la Nasa décrit cette image composite de la manière suivante.

    Sur cette image, près de son coin inférieur gauche, se trouve un nuagenuage bleu ciel de forme ovale pixélisé avec des points blancs. C'est le centre de l'amas de galaxies en cours de formation. Le nuage bleu montre d'énormes réservoirs de gaz surchauffé, avec des températures de plusieurs millions de degrés observées en X.

    Sortant de l'amas géant, se trouve une ligne rouge droite et fine étiquetée C, c'est un jet de particules s'échappant d'un trou noir supermassiftrou noir supermassif. Un deuxième jet beaucoup plus court, étiqueté I, croise la pointe du premier jet près du côté droit de l'image et lui aussi provient d'un trou noir supermassif au cœur de l'une des galaxies de l'amas.

    Dans l'amas géant, sur son côté droit, se trouvent plusieurs formes irrégulières. L'une, étiquetée A, ressemble à un haricot blanc brillant avec un contour rouge. À côté, étiqueté B, se trouve un enchevêtrement de formes rouges qui se chevauchent et qui pendent au bas du nuage. Ce sont des filaments, résultat de jets en interaction avec du gaz. Trois autres filaments rouges irréguliers se trouvent à gauche, juste à l'extérieur de l'amas géant.

    Sur le bord supérieur droit de l'amas géant de forme ovale se trouvent de larges feuilles rouges, qui ressemblent à des flammes. Ces reliques sont le résultat d'ondes de choc, probablement générées par la collision des gaz des différents amas.


     

    Vu à la longueur d'onde de 60 MHz, l'amas Abell 2256 révèle de multiples collisions entre petits groupes de galaxies. © Lofar/Observatoire de Paris
    Vu à la longueur d'onde de 60 MHz, l'amas Abell 2256 révèle de multiples collisions entre petits groupes de galaxies. © Lofar/Observatoire de Paris

    L'interféromètre radio Lofar scrute des galaxies en collision

    Article de Jean-Baptiste Feldmann, publié le 28/05/2012

    Lofar (LOw Frequency ARray), un radiotélescope européen géant qui cartographie l'univers en basse fréquencefréquence, vient de découvrir une collision de sous-amas de galaxies dans Abell 2256.

    Pour observer le ciel en basse fréquence (entre 10 et 240 MHz), l'Europe a choisi de développer Lofar, un réseau de 50.000 antennes réparties sur 48 sites aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suède, au Royaume-Uni et en France (dans la station de radioastronomie de Nancay, département du Cher). Les mesures fournies par ces différents récepteurs sont combinées par interférométrie, permettant d'obtenir l'équivalent d'un radiotélescope géant. L'an passé Lofar avait par exemple permis d'étudier les deux extrémités du jet issu du trou noir supermassif au centre du quasar 3C 196.

    De nombreux champs d'études s'ouvriront aux chercheurs lorsque la totalité du réseau Lofar sera opérationnelle : Soleil, planètes, pulsars, trous noirs, galaxies sont autant de sources d'émissionsémissions basses fréquences... sans parler des E.T. qui utilisent peut-être ces longueurs d'ondelongueurs d'onde comme nous le faisons pour des applicationsapplications militaires et civiles ! Les chercheurs ont utilisé Lofar pour étudier l'amas de galaxies Abell 2256. Une équipe internationale (dont fait partie un membre de l'Observatoire de Paris) vient de publier ses résultats dans la revue scientifique Astronomy & Astrophysics.

    En France, les antennes de Lofar (en bas à droite sur l'image) sont installées dans la station de radioastronomie de Nançay. © Observatoire de Paris/Lofar/Ivan Thomas
    En France, les antennes de Lofar (en bas à droite sur l'image) sont installées dans la station de radioastronomie de Nançay. © Observatoire de Paris/Lofar/Ivan Thomas

    Choc de sous-amas

    L'amas Abell 2256 compte plusieurs centaines de galaxies dans un volumevolume de 10 millions d'années-lumièreannées-lumière. Observable dans la constellation de la Petite Ourse, il est situé à 800 millions d'années-lumière de la Terre. Son observation est réservée aux grands télescopes puisque sa magnitudemagnitude est d'environ 15, la galaxie la plus brillante de cet amas étant NGCNGC 6331. L'image de l'amas Abell 2256 réalisée à partir des données fournies par les antennes de Lofar s'avère plus lumineuse et plus complexe que ce qu'on peut observer dans le domaine visible. Selon les scientifiques à l'origine de cette étude (des membres de 26 universités et instituts de recherche différents), il faut imaginer l'amas comme un endroit où se produisent de nombreuses collisions et fusionsfusions entre de petits regroupements de galaxies, ce qui explique les multiples sources radio détectées.

    Lofar va poursuivre sa cartographie du ciel radio dans le cadre du Lofar Key Survey, un programme qui pourrait permettre de découvrir 100 millions d'objets dans l'univers lointain.