De l'eau a été détectée dans la galaxie la plus massive connu de l'Univers primitif, située à près de 12,88 milliards d'années-lumière de la Voie lactée. À ce jour, c'est la détection la plus éloignée de molécules d'H20 dans une galaxie de formation d'étoiles. Bien que cette molécule soit essentielle à la vie, sa détection si tôt ne signifie pas que c'est une preuve de l'existence de la vie à cette époque.


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    L'étude du rayonnement fossile, rendue possible par les satellites WMap et Planck, nous a appris que le cosmoscosmos observable était âgé d'environ 13,7 à 13,8 milliards d'années, ce qui est du bon ordre de grandeur avec les autres estimations tirées de l'étude des amas d'étoiles et des abondances de noyaux d'uranium. Cette donnée cosmologique permet de poser des questions d'exobiologie pour tenter notamment de comprendre quelle est la place de la vie dans l'UniversUnivers, ce qui relève aussi de l'exobiologie.

    On a pu douter un temps de l'existence des exoplanètesexoplanètes car le scénario de la naissance du Système solaireSystème solaire au début du XXe siècle faisait intervenir le passage rapproché d'une étoile qui aurait arraché par ses forces de maréeforces de marée un lambeau de matièrematière qui, en se refroidissant, aurait donné les planètes du Système solaire. Or, un tel événement est rare dans le gazgaz auto-gravitant d'étoile de la Voie lactéeVoie lactée où les collisions entre étoiles isolées sont impossibles.

    Mais nous savons maintenant que les exoplanètes sont partout dans la Voie lactée et que leur formation semble quasiment aussi inévitable que celle des étoiles au moins dans notre GalaxieGalaxie, mais probablement aussi ailleurs. En ce qui concerne l'apparition de la vie, sans même poser la question de la conscience et encore moins d'une civilisation technologiquement avancée, c'est encore le flou le plus total. Une des possibilités pour tenter d'y voir plus clair en ce qui concerne au moins l'inévitabilité des formes de vie similaires à celles que nous connaissons sur Terre est de tenter de découvrir la présence d'eau dans les autres galaxies et d'estimer depuis quand il peut s'en former.

    À gauche, ces images montrent en fausses couleurs des raies moléculaires et le rayonnement continu de la poussière observés avec Alma dans la paire de galaxies massives primitives connues sous le nom de SPT0311-58. À droite : le continuum de poussières vu en rouge (en haut), les raies moléculaires pour H<sub>2</sub>O montrée en bleu (2<sup>e</sup> à partir du haut), les transitions entre raies moléculaires pour le monoxyde de carbone, CO(6-5) indiqué en violet (au milieu), CO(7-6) indiqué en magenta (2<sup>e</sup> à partir du bas) et CO(10-9) indiqué en rose et bleu foncé (en bas). La poussière absorbe le rayonnement ultraviolet des jeunes étoiles en formation et le ré-émet sous forme de photons dans l'infrarouge lointain. Ces photons excitent ensuite les molécules d'eau, provoquant l'émission que les scientifiques sont capables d'observer avec Alma dans le domaine des micro-ondes. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/S. Dagnello (NRAO)
    À gauche, ces images montrent en fausses couleurs des raies moléculaires et le rayonnement continu de la poussière observés avec Alma dans la paire de galaxies massives primitives connues sous le nom de SPT0311-58. À droite : le continuum de poussières vu en rouge (en haut), les raies moléculaires pour H2O montrée en bleu (2e à partir du haut), les transitions entre raies moléculaires pour le monoxyde de carbone, CO(6-5) indiqué en violet (au milieu), CO(7-6) indiqué en magenta (2e à partir du bas) et CO(10-9) indiqué en rose et bleu foncé (en bas). La poussière absorbe le rayonnement ultraviolet des jeunes étoiles en formation et le ré-émet sous forme de photons dans l'infrarouge lointain. Ces photons excitent ensuite les molécules d'eau, provoquant l'émission que les scientifiques sont capables d'observer avec Alma dans le domaine des micro-ondes. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/S. Dagnello (NRAO)

    Des molécules, précurseurs de la vie, tôt dans l'histoire du cosmos ?

    Un nouveau record vient d'être atteint à ce sujet par une équipe internationale d'astrophysiciensastrophysiciens travaillant avec le réseau de radiotélescoperadiotélescope Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) comme on peut s'en convaincre en lisant un article publié dans The Astrophysical Journal et en accès libre sur arXiv.

    Il expose des observations faites avec Alma concernant une paire de galaxies en interaction appelée SPT0311-58 dont le décalage spectral vers le rouge indique qu'elle est vue alors que le cosmos observable était âgé d'environ 780 millions d'années, et plus précisément il y a 12,88 milliards d'années. Elles ont été commentées en ces termes par un des auteurs de la découverte, Sreevani Jarugula :

    « Nous avons détecté à la fois des moléculesmolécules d'eau et de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone dans la plus grande des deux galaxies. L'oxygèneoxygène et le carbone, en particulier, sont des éléments de première génération et, sous les formes moléculaires du monoxyde de carbone et de l'eau, ils sont essentiels à la vie telle que nous la connaissons. Cette galaxie est la galaxie la plus massive actuellement connue à haut décalage spectral vers le rouge, c'est-à-dire à l'époque où l'Univers était encore très jeune. Elle contient plus de gaz et de poussière que les autres galaxies de l'Univers primitif, ce qui nous offre de nombreuses opportunités d'observer des molécules abondantes et de mieux comprendre comment ces éléments créateurs de vie ont eu un impact sur le développement de l'Univers primitif ».

    L'astrophysicienne poursuit ses commentaires dans un communiqué du National Radio Astronomy Observatory (en français Observatoire national de radioastronomie, un centre de recherche situé aux États-Unis) en expliquant que « cette étude fournit non seulement des réponses sur les lieux et les distances où de l'eau peut exister dans l'Univers, mais a également donné lieu à une grande question : comment tant de gaz et de poussière se sont-ils assemblés pour former des étoiles et des galaxies si tôt dans l'Univers ? La réponse nécessite une étude plus approfondie de ces galaxies formatrices d'étoiles et d'autres similaires pour mieux comprendre la formation et l'évolution des structures dans l'Univers primitif ».


    Des explications plus techniques sont données par Sreevani Jarugula dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Sazerac Conference

    Il y avait déjà de l'eau dans l'Univers il y a 11 milliards d'années

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 28/12/2008

    La détection de molécules d'eau dans les galaxies est difficile mais un groupe d'astrophysiciens vient pourtant d'en détecter en relation avec un quasarquasar lointain vieux de 11,1 milliards d'années. Deux effets physiquesphysiques ont été mis à contribution pour cela, l'effet masermaser et l'effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle.

    L'eau est l'une des substances les plus étranges de l'Univers et l'on est encore loin de tout savoir sur elle. Elle est banale pour nous mais sa détection partout dans l'Univers est cependant d'une grande importance, ne serait-ce que pour évaluer les chances d'apparition de la vie dans le cosmos. C'est pourquoi les astrophysiciens traquent sa présence à l'aide de nombreux outils.

    L'un d'entre eux est le radiotélescope de 100 m du Max PlanckMax Planck Institute for Radio Astronomy à Effelsberg en Allemagne. Il vient d'être utilisé pour détecter un maser à eau émettant dans le domaine des micro-ondes de façon comparable à ce que ferait un laser dans le domaine optique. Ce maser est associé à un quasar du nom de MG J0414+0534 et les astrophysiciens l'observent tel qu'il était il y a 11,1 milliards d'années, c'est-à-dire presque 2,5 milliards d'années seulement après la naissance du cosmos observable. 

    Le radiotélescope d'Effelsberg. © Max-Planck-Institut für Radioastronomie
    Le radiotélescope d'Effelsberg. © Max-Planck-Institut für Radioastronomie

    Cela peut sembler étrange mais l'émissionémission de micro-ondes par effet maser est assez fréquente dans le cosmos, au sein d'immenses nuagesnuages moléculaires où naissent les étoiles par exemple, mais aussi dans les disques d'accrétiondisques d'accrétion des trous noirstrous noirs géants au cœur des galaxies. On parle de masers cosmiques.

    Dans le cas de MG J0414+0534 on est même en présence d'un mégamaser 10.000 fois plus lumineux que notre SoleilSoleil. Du fait de sa distance, la raie d'émission caractéristique de la molécule d'eau est décalée vers le rouge et passe d'une fréquencefréquence de 22 GHz à 6 GHz. De tels masers sont connus dans les galaxies proches de la Voie lactée mais, dans une sphère dont le rayon est de 500 millions d'années-lumièreannées-lumière. Seules une centaine de galaxies exhibent cet effet. Sa détection est difficile et pour s'assurer de celle effectuée avec le radiotélescope d'Effelsberg, les chercheurs ont dû utiliser un autre radiotélescope, celui du célèbre Expanded Very Large Array la version modernisée du VLA, capable d'observations très fines grâce à la technique d'interférométrie.

    Une vue des radiotélescopes équipant le VLA. © NRAO
    Une vue des radiotélescopes équipant le VLA. © NRAO

     

    En fait, l'observation de la raie d'émission de la molécule d'eau n'a été possible que grâce à un effet de lentille gravitationnelle. On sait depuis EinsteinEinstein et les observations de l'astrophysicien Eddington que la gravitationgravitation courbe la trajectoire des rayons lumineux de sorte qu'une massemasse de matière donnée peut agir sur la lumière des astresastres comme le ferait une loupe grossissante. C'est précisément le cas avec une galaxie interposée entre MG J0414+0534 et nous. On observe alors quatre images du quasar avec une luminositéluminosité accrue, même dans le domaine des ondes radios. Grâce à cela, l'astrophysicienne Violette Impellizzeri et ses collègues n'ont mis que 14 heures d'observations continues au lieu de 580 jours pour mettre en évidence la présence de molécule d'eau (H2O) dans le passé reculé de l'Univers.

    MG J0414+0534 est un quasar au centre d'une galaxie similaire à M87 (image en bas à droite). Quatre images de ce quasar sont observées par le télescope Hubble. Il s'agit d'un effet de lentille gravitationnelle. La raie de l'émission de la molécule d'eau vient d'y être observée par les astrophysiciens. © Graphique: Milde Science Communication, Image de fond : HST Archive data, Image en bas à droite : CFHT, J.-C. Cuillandre, Coelum
    MG J0414+0534 est un quasar au centre d'une galaxie similaire à M87 (image en bas à droite). Quatre images de ce quasar sont observées par le télescope Hubble. Il s'agit d'un effet de lentille gravitationnelle. La raie de l'émission de la molécule d'eau vient d'y être observée par les astrophysiciens. © Graphique: Milde Science Communication, Image de fond : HST Archive data, Image en bas à droite : CFHT, J.-C. Cuillandre, Coelum

    Les chercheurs ont publié dans Nature les résultats de leurs observations du quasar MG J0414+0534. Il en ressort que de l'eau devait déjà être présente en quantité importante assez tôt dans l'histoire du cosmos mais surtout que sa raie d'émission sous forme d'effet maser peut être utilisée pour étudier les propriétés des galaxies et des trous noirs géants dans les premiers milliards d'années de l'histoire de l'Univers. Dans le cas de MG J0414+0534, il semble que l'effet maser détecté se produise non pas dans le disque d'accrétion du trou noir géant responsable du quasar, mais plutôt dans l'un des jets de matière éjecté par le trou noir.

     

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