Découverte il y a longtemps, l’érosion spatiale des astéroïdes divisait les scientifiques. En particulier, son échelle de temps restait incertaine. Un groupe de chercheurs vient de publier dans Nature des résultats concernant deux jeunes familles d’astéroïdes. Selon eux, il faut moins d’un million d’années pour que la surface d’un astéroïde vieillisse.

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    Depuis longtemps, un fait avait frappé bon nombre de spécialistes des météorites et des astéroïdes travaillant de concert à décrypter l'histoire et la structure du système solaire. En comparant les spectres de réflexion des météorites trouvées sur Terre avec ceux provenant d'astéroïdes du milieu interplanétaire, des désaccords intrigants apparaissaient. Pourquoi la plupart des astéroïdes présentent-ils un aspect plus rouge et plus sombre que les météorites, alors que les secondes sont censées provenir des premiers pour la grande majorité ?

    Pour étonnante qu'elle soit, la réponse avancée était que les astéroïdes circulant dans le vide poussé des espaces interplanétaires subissent une érosion spatiale. En effet, un important flux de micro-météorites et surtout de particules du vent solaire voyagent au sein du système solaire. Des particules chargées hautement énergétiques du vent solaire s'y déplacent à des vitessesvitesses comprises entre 400 et 700 km/s. ProtonsProtons et électronsélectrons composent environ 95% du vent solaire et, juste derrière en abondance, on trouve des ionsions tels que ceux de certains isotopesisotopes comme l'helium-3 et l'helium-4, les néonnéon-20, 21, 22, et l'argonargon-36. Ces particules sont capables de détruire partiellement les arrangements cristallins et moléculaires à la surface des astéroïdes et provoquent l'apparition de nouvelles combinaisons d'atomesatomes.

    On peut de cette façon expliquer les désaccords trouvés en laboratoire mais un débat existait entre les chercheurs. Le processus d'érosion était-il rapide ou lent ? Pour le savoir, un groupe de chercheurs international, dont certains du célèbre Lesia de Paris, a entrepris d'étudier d'un peu plus près deux familles d'astéroïdes découvertes récemment, Datura et Lucascavin.

    Comme dans le cas de la famille des Baptistina, les spécialistes de la mécanique céleste sont capables de prouesses étonnantes. En étudiant les paramètres orbitaux des astéroïdes d'une même famille, ils peuvent en attribuer la naissance à une collision entre deux petits corps célestes à une époque donnée dans le passé. Dans le cas des familles DaturaDatura et Lucascavin, les collisions ayant conduit aux fragments observés aujourd'hui se sont produites il y a moins d'un million d'années.

    Evolution de la couleur des astéroïdes en fonction de leur âge en supposant que ces objets ont la même composition. La couleur initiale d’un astéroïde lorsqu’il vient de subir une collision catastrophique (qui le décompose en divers fragments) devrait être semblable à la couleur des météorites mesurées en laboratoire. L’observation de jeunes astéroïdes (âge &lt; 1 million d’année) révèle que leur couleur a été fortement modifiée en ce temps très court leur donnant l’apparence de surfaces âgées. Seul le vent solaire (flèche rouge) peut agir aussi rapidement sur la couleur de ces objets, comme l’ont démontré des expériences en laboratoire. Dans un deuxième temps, les impacts de micrométéorites pourraient vieillir les surfaces avec une échelle de temps plus longue. Crédit : <em>Nature</em>-Lesia

    Evolution de la couleur des astéroïdes en fonction de leur âge en supposant que ces objets ont la même composition. La couleur initiale d’un astéroïde lorsqu’il vient de subir une collision catastrophique (qui le décompose en divers fragments) devrait être semblable à la couleur des météorites mesurées en laboratoire. L’observation de jeunes astéroïdes (âge < 1 million d’année) révèle que leur couleur a été fortement modifiée en ce temps très court leur donnant l’apparence de surfaces âgées. Seul le vent solaire (flèche rouge) peut agir aussi rapidement sur la couleur de ces objets, comme l’ont démontré des expériences en laboratoire. Dans un deuxième temps, les impacts de micrométéorites pourraient vieillir les surfaces avec une échelle de temps plus longue. Crédit : Nature-Lesia

    Les astéroïdes inégaux face au vieillissement

    En utilisant les télescopestélescopes de l'ESOESO à La Silla, au Paranal et d'autres à Hawaï et en Espagne, Pierre Vernazza (ESAESA), Richard Binzel (MIT, Cambridge, Etats-Unis), Alessandro Rossi (ISTI-CNR, Pise, Italie), Marcello Fulchignoni (Observatoire de Paris) et Mirel Birlan (Observatoire de Paris) ont bel et bien montré, comme ils l'expliquent dans un article de Nature, que l'érosion spatiale faisait son œuvre en moins d'un million d'années.

    En effet, lors des collisions les parties internes des corps parents des familles d'astéroïdes se retrouvent exposées à l'action d'abord très rapide du vent solaire et ensuite du flux de micrométéorites. En considérant des familles jeunes il devient donc possible de déterminer en combien de temps une surface fraîche rougit et s'assombrit.

    Les chercheurs ont pu constater que la composition minéralogique jouait un rôle dans le processus de vieillissement. Les astéroïdes riches en olivineolivine vieillissent plus vite par exemple. En outre, certains géocroiseursgéocroiseurs exhibent une surface anormalement jeune, or ces derniers doivent résulter de collisions s'étant produite il y a au moins cent millions d'années. Selon les chercheurs, très probablement, l'influence des forces de maréeforces de marée lors de passages rapprochés d'une planète ont dû ramener en surface des matériaux frais. Mais il reste à  vérifier cette hypothèse en observant la couleur spectralecouleur spectrale des astéroïdes du même type présents dans la ceinture principale, se situant entre Mars et JupiterJupiter, qui devraient alors être plus rouge.