L'expression est connue et fameuse « Nous sommes des poussières d'étoiles ». Mais comment naissent les étoiles dans les galaxies ? L'ESO mobilise ses télescopes pour aider les astrophysiciens à répondre en profondeur à cette fascinante question.


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    La naissance des étoiles dans les galaxies est un processus complexe qui ne va pas de soi. Il est clair qu'elle doit se produire suite à l'effondrementeffondrement gravitationnel d'une masse de gaz. Au cours des milliards d'années de l'histoire du cosmoscosmos observable ce gaz s'enrichit en poussières silicatées et carbonées produites par l'évolution stellaire et la nucléosynthèse des éléments lourds qui l'accompagne à partir du mélange presque pur d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium laissé par le Big BangBig Bang.

    Mais cet effondrement n'est possible que pour des valeurs compatibles de température et de densité pour chaque nuagenuage. Un nuage trop chaud et trop peu dense ne permettra pas à sa gravitationgravitation de le conduire à former une protoétoileprotoétoile comme l’astronome et physicien britannique James Jeans l'a montré il y a plus d'un siècle avec son fameux critère. Si un nuage tourne trop vite sur lui-même, la conservation du moment cinétiquemoment cinétique peut induire des forces centrifugesforces centrifuges stoppant sa contraction et si le nuage est parcouru par des lignes de champs magnétiqueschamps magnétiques, la loi de la conservation de leurs flux va elle aussi produire une pressionpression liée à une densité d'énergieénergie magnétique n'autorisant pas un effondrement gravitationnel jusqu'au stade stellaire.

    Exemple d’un « globule de Bok » photographié par Hubble au sein de la nébuleuse NGC 281. Les globules de Bok sont des nuages denses et froids (quelques degrés K), de gaz et de poussières, contenant de 10 à 50 masses solaires et dont le diamètre est de l'ordre d'une année-lumière. Observés vers 1940 par l'astronome américano-hollandais Bart Bok, ce dernier avait alors émis l'hypothèse qu'il s'agissait de régions subissant un effondrement gravitationnel débouchant sur la formation d'étoiles. Au début des années 1990, l'observation en infrarouge proche a effectivement permis de valider cette hypothèse. © Nasa, ESA, Hubble
    Exemple d’un « globule de Bok » photographié par Hubble au sein de la nébuleuse NGC 281. Les globules de Bok sont des nuages denses et froids (quelques degrés K), de gaz et de poussières, contenant de 10 à 50 masses solaires et dont le diamètre est de l'ordre d'une année-lumière. Observés vers 1940 par l'astronome américano-hollandais Bart Bok, ce dernier avait alors émis l'hypothèse qu'il s'agissait de régions subissant un effondrement gravitationnel débouchant sur la formation d'étoiles. Au début des années 1990, l'observation en infrarouge proche a effectivement permis de valider cette hypothèse. © Nasa, ESA, Hubble

    Enfin, en se contractant, un nuage chauffe et l'énergie thermiqueénergie thermique produite, là aussi, n'aide pas à la naissance d'une protoétoile. Toutefois, l'existence de poussières chauffées dans le nuage va lui permettre de rayonner dans l'infrarougeinfrarouge, une bande de lumièrelumière où le nuage est transparenttransparent, ce qui va le refroidir et faire baisser la pression interne du gaz autogravitant.

    Les étoiles naissent dans l'environnement des galaxies

    Pour faire naître des étoiles comme le SoleilSoleil, on a donc parfois invoqué des ondes de choc comprimant suffisamment un nuage pour franchir des barrières à son effondrement, des ondes de choc produites par l’explosion de supernovae ou encore des collisions entre nuages de gaz, notamment dans les régions d'une galaxie où les ondes de densité liées à leurs structures spirales favorisent ces collisions et l'existence de zones plus denses dans la matièrematière baryonique constituant le milieu interstellaire.

    Quelques explications sur la formation des étoiles sur le site Du Big Bang au Vivant. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, Youtube

    La formation des étoiles a été mieux comprise grâce aux données collectées il y a des années par le satellite Herschel de l'ESAESA, mais il reste encore du travail pour vraiment comprendre tous les processus impliqués dans la naissance des étoiles dans les galaxies spiralesgalaxies spirales comme la Voie lactéeVoie lactée (cette formation a largement cessé dans les galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques fortement appauvries en gaz pour des raisons que là aussi on cherche à préciser, notamment en étudiant l'influence de l'activité des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs).

    Justement, l'ESOESO vient de mettre en ligne un communiqué faisant état des travaux d'astronomesastronomes qui se sont penchés sur la naissance des étoiles en utilisant les données fournies par le Very Large TelescopeVery Large Telescope de l'Observatoire européen austral (VLT de l'ESO), combinées à certaines fournies par l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma).

    Eric Emsellem, astronome à l'ESO en Allemagne et responsable des observations basées sur le VLT menées dans le cadre du projet Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS (Phangs) y déclare : « Pour la première fois, nous résolvons des groupes d'étoiles qui se forment sur une grande variété de lieux et d'environnements avec un échantillon qui représente bien les différents types de galaxie... Nous pouvons observer directement le gaz donnant naissance aux étoiles, nous voyons les jeunes étoiles elles-mêmes, et nous assistons à leur évolution sur différentes phases. »


    Une équipe d'astronomes a publié de nouvelles observations hautes en couleur de galaxies proches obtenues avec le Very Large Telescope de l'Observatoire européen austral (VLT de l'ESO) dans le cadre du projet Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS (Phangs). En combinant ces nouvelles observations avec les données de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), dont l'ESO est partenaire, l'équipe contribue à jeter un nouvel éclairage sur ce qui déclenche la formation des étoiles. Cet ESOcast Light résume ces travaux. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO

    90 galaxies pour comprendre la cosmogonie stellaire

    Dans le cas du VLT, c'est l'instrument Muse (Multi-Unit Spectroscopic Explorer) qui a permis de collecter et d'étudier les photonsphotons émis par le gaz chauffé autour des étoiles en formation alors qu'Alma donnait des renseignements sur la distribution des nuages froids où peuvent naître ces étoiles dans les galaxies.

    Ce faisant, on peut se servir de ces données pour répondre aux interrogations des astrophysiciensastrophysiciens étudiant la cosmogonie stellaire. Kathryn Kreckel de l'Université de Heidelberg en Allemagne et membre de l'équipe Phangs, explique ainsi qu'en ce qui la concerne avec ses collègues : « Il y a de nombreux mystères que nous voulons élucider. Les étoiles naissent-elles plus souvent dans des régions spécifiques de leurs galaxies hôtes - et, si oui, pourquoi ? Et après la naissance des étoiles, comment leur évolution influence-t-elle la formation de nouvelles générations d'étoiles ? ».

    C'est en combinant donc des informations disponibles dans le rayonnement électromagnétique dans différentes bandes de fréquencefréquence (du visible à la bande radio en passant par le proche infrarouge) qu'il est possible de révéler des parties distinctes dans l'espace et dans le temps de la formation stellaire.

    Ainsi, Muse a observé 30.000 nébuleusesnébuleuses contenant du gaz chaud et recueilli environ 15 millions de spectresspectres de différentes régions galactiques alors qu'Alma cartographiait environ 100.000 régions dominées par du gaz froid dans 90 galaxies proches. Même le télescopetélescope HubbleHubble a été mis à contribution, permettant d'aider à la constitution d'un atlas d'une précision sans précédent des pouponnières stellaires de l'UniversUnivers proche selon les mots du communiqué de l'ESO.


    Multiples images de la galaxie NGC 4303 vues avec le VLT et Alma (avec annotations). Cette vidéo montre des images de NGC 4303, une galaxie spirale avec une barre d'étoiles et de gaz en son centre, située à environ 55 millions d'années-lumière de la Terre dans la constellation de la Vierge, prises à différentes longueurs d'onde de la lumière. Les observations ont été réalisées avec l'instrument Muse sur le VLT et Alma. Les deux premières images sont issues des données Muse. On voit d'abord l'émission verte, rouge et infrarouge (v, r, i), qui permet de révéler la distribution des jeunes étoiles. Elle s'estompe pour laisser place à une combinaison de l'émission v, r, i avec le rayonnement des nuages de gaz chauds d'hydrogène (Hα), d'oxygène doublement ionisé - [OIII] - et de soufre ionisé - [SII] -, éléments qui signalent la présence d'étoiles nouvellement nées. L'image suivante montre simplement les données Alma. Alma a été utilisé pour cartographier les nuages froids de gaz moléculaire, qui constituent la matière première à partir de laquelle les étoiles se forment. Des milliers d'étoiles peuvent se former dans un seul de ces nuages moléculaires, mais ces pouponnières d'étoiles sont invisibles pour l'œil humain – elles ne peuvent être observées que par les ondes radio émises par le monoxyde de carbone (CO). L'image suivante est une combinaison de toutes les données Muse et Alma, formant un feu d'artifice cosmique haut en couleur, qui aide les astronomes à percer les secrets de la formation stellaire. © ESO/Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/Phangs