L'atmosphère de Vénus ne cesse de nous surprendre. L'étrange structure transitoire observée en 2015 par la sonde japonaise Akatsuki serait en fait un analogue géant des ondes de gravité observées dans l'atmosphère terrestre.

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    Quand la sonde Akatsuki de la Jaxa, l'Agence spatiale japonaiseAgence spatiale japonaise, est arrivée en orbite le 7 décembre 2015, elle a pu constater l'existence d'une étrange structure dans l'atmosphèreatmosphère de la planète observée dans l'infrarouge. Celle-ci se présentait sous la forme d'un arc brillant long d'environ 10.000 kilomètres et présent à une altitude d'environ 64 kilomètres (voir article ci-dessous pour en savoir plus). Observé pendant quatre jours, cet arc est resté stable par rapport à la topographie de VénusVénus, s'étirant parallèlement au terminateur de l'étoile du Berger. Voilà qui est a priori très surprenant.

    En effet, l'atmosphère de Vénus est en état de super-rotation. L'Homme s'en est rendu compte à partir des années 1960, lorsque la vitesse de rotationvitesse de rotation de Vénus sur elle-même a été déterminée au radar depuis la Terre et que les missions spatiales ont permis de mieux mesurer les vitesses des ventsvents dans son atmosphère. Ces derniers dépassent les 300 km/h. L'atmosphère fait ainsi le tour de Vénus en environ quatre jours alors que la vitesse de rotation de la planète sur elle-même est particulièrement lente : un jour vénusien dure environ 243 jours terrestres.

    Imaginons par exemple que l'arc observé par Akatsuki soit un gigantesque panache émis par une éruption volcaniqueéruption volcanique. Clairement, il aurait dû être rapidement emporté et étalé sur toute la planète. Quel pouvait donc bien être la nature de cet arc ? Un groupe de chercheurs japonais vient de publier un article dans Nature Geoscience qui suggère une explication plausible.

    Une vue en fausses couleurs de l'atmosphère de Vénus prise en infrarouge en décembre 2015. La structure en arc blanche découverte par la sonde Akatsuki est bien visible. © Jaxa

    Une vue en fausses couleurs de l'atmosphère de Vénus prise en infrarouge en décembre 2015. La structure en arc blanche découverte par la sonde Akatsuki est bien visible. © Jaxa

    Une onde de gravité géante au-dessus d'Aphrodite Terra ?

    Selon eux, il s'agirait de la manifestation d'un phénomène que l'on connait bien sur Terre, aussi bien à la surface des océans que dans l'atmosphère : les ondes de gravité. Ces ondes, que l'on trouve également dans le plasma brûlant des étoiles, dont le SoleilSoleil, et que les spécialistes de l'astérosismologie sont capables de décrypter dans ces derniers cas, ne doivent pas être confondues avec les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, les déformations dynamiques de la courbure de l'espace qui se propagent comme des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques.

    Le terme « gravité » fait ici référence à la nature de la force de rappel qui s'exerce quand un élément matériel, qu'il soit un petit volumevolume d'airair ou d'eau à la surface de la mer, a été déplacé de sa position d'équilibre et qu'il y est ramené en effectuant des oscillations à la manière d'un poids au bout d'un ressort. Ces ondes peuvent être progressives ou stationnaires comme celles, élastiques, dans une corde vibrante. Elles peuvent apparaître quand le front d'une masse d'airmasse d'air passe brutalement au-dessus d'un relief, par exemple une barrière montagneuse.

    Motif nuageux formé par les ondes de gravité en aval de l'île Amsterdam, une île volcanique de l'océan Indien © Wikipédia, DP

    Motif nuageux formé par les ondes de gravité en aval de l'île Amsterdam, une île volcanique de l'océan Indien © Wikipédia, DP

    De fait, la sonde Venus express de l'ESAESA avait déjà découvert de petites structures dans l'atmosphère de Vénus qui faisaient penser à la génération d'ondes de gravité au-dessus de certains reliefs, se propageant ensuite vers le haut de l'atmosphère. Ces structures étaient liées justement à Aphrodite TerraTerra, l'une des deux principales hautes terres de la planète, longeant l'équateuréquateur par le sud sur une quinzaine de milliers de kilomètres avec une altitude moyenne de 3.000 m. Le phénomène découvert par Akatsuki semble d'ailleurs également être en relation avec cette région de Vénus.

    Une image d'artiste combinée à une reconstitution à l'ordinateur de la topographie de Vénus à partir des données radar de la sonde Magellan. Le passage d'un front au-dessus de la montagne semble y générer des ondes de gravité sur ce schéma explicatif. © ESA

    Une image d'artiste combinée à une reconstitution à l'ordinateur de la topographie de Vénus à partir des données radar de la sonde Magellan. Le passage d'un front au-dessus de la montagne semble y générer des ondes de gravité sur ce schéma explicatif. © ESA

    Reste que si des simulations numériquessimulations numériques soutiennent cette interprétation des observations de la sonde, on a quand même du mal à comprendre comment ces ondes naissent vraiment avec les conditions qui sont supposées exister à la surface de Vénus. Il nous reste bien des choses à apprendre sur la cousine de la Terre ; son atmosphère pourrait également contenir des formes de vie.


    Depuis Vénus, Akatsuki transmet ses premières images... étranges

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 17/04/2016

    Le 7 décembre 2015, après 5 ans d'errance malheureuse autour du Soleil, la sonde Akatsuki a finalement pu être remise en selle autour de Vénus, sur une orbite elliptique, bien différente de ce qui était prévu. Quatre mois plus tard, les premières images arrivent, et intriguent, preuve que les instruments fonctionnent et que la sonde apportera de beaux résultats lors de sa mission que l'agence spatiale japonaise espère longue de plusieurs années.

    Partie de la Terre en mai 2010 avec pour mission d'étudier l'atmosphère très épaisse et opaque de notre voisine Vénus, la sonde japonaise Akatsuki, aussi nommée Planet-C, avait malheureusement manqué son insertion en orbite le 7 décembre 2010, suite à une défaillance de son système de propulsion. Toutefois, malgré ces déboires, les ingénieurs de la Jaxa, l'Agence spatiale japonaise, ont réussi 5 ans après, jour pour jour, à la faveur de son passage dans les parages de la planète la plus chaude du Système solaireSystème solaire, à la récupérer et à l'injecter sur une orbite elliptique, où elle est aujourd'hui le seul satellite humain.

    Certes, au lieu du périastrepériastre initial à 300 km de la surface et de l'apoastreapoastre à 80.000 km sur une orbite inclinée à 172 ° parcourue en 30 heures, la sonde en accomplit une en 10 jours et demi, inclinée à 3 °. Cette orbite très elliptique la conduit au plus près à quelque 4.000 km et au plus loin à 370.000 km, c'est-à-dire presque 5 fois plus loin que prévu pour la mission d'origine.

    Quatre mois après ce nouveau départ, le directeur de la mission, Masato Nakamura, qui s'est rendu avec plusieurs de ses collègues à la Conférence internationale sur Vénus à Oxford, Royaume-Uni, entre le 4 et le 8 avril 2016, s'est voulu rassurant quant aux six instruments, ils fonctionnent « presque parfaitement » a-t-il déclaré.

    Conséquence probable de son séjour autour du Soleil, une contaminationcontamination progressive d'un liquide de refroidissementliquide de refroidissement par de la vapeur d'eau a gêné l'utilisation de l'une de ses caméras durant un certain temps, mais le problème a été résolu en janvier. Bien sûr, plus éloignée que prévu de sa cible, la sonde délivrera des images d'une résolutionrésolution plus faible qu'attendu et cela demandera plus de temps aussi pour acquérir des vues plus détaillées des différentes couches atmosphériques et de la partie nocturnenocturne de cette planète aux dimensions presque identiques à celles de la Terre. L'équipe a déclaré qu'elle entend bien tirer profit de cette nouvelle situation pour épier le globe tout entier et suivre au fil des jours l'évolution de grandes structures nuageuses.

    Le 4 avril dernier, son orbite a été légèrement modifiée dans la perspective que sa mission dure le plus longtemps possible et d'étudier Vénus au niveau de son équateur, comme cela était prévu avant son départ. Un point de vue qui sera complémentaire de celui de feufeu Venus Express, de l'Esa, qui a espionné la planète par ses pôles jusqu'en 2014. Si une autre petite manœuvre prévue dans deux ans se passe bien, la mission devrait alors être prolongée de trois années supplémentaires.

    À gauche : l’atmosphère striée de nuages d’acide sulfurique dépeinte dans l’infrarouge par la caméra IR2 d’Akatsuki. À droite : une étrange formation en arc de cercle relie les deux pôles de Vénus et progresse au même rythme que la planète (rotation de 243 jours) et non de l’atmosphère très rapide (4 jours). Son origine est encore mystérieuse. © Jaxa

    À gauche : l’atmosphère striée de nuages d’acide sulfurique dépeinte dans l’infrarouge par la caméra IR2 d’Akatsuki. À droite : une étrange formation en arc de cercle relie les deux pôles de Vénus et progresse au même rythme que la planète (rotation de 243 jours) et non de l’atmosphère très rapide (4 jours). Son origine est encore mystérieuse. © Jaxa

    Des images qui ont autant impressionné qu’intrigué les spécialistes

    Ces succès d'Akatsuki (son nom signifie « AubeAube » en japonais) ont mis de très bonne humeur leurs collègues du monde entier réunis à Oxford pour évoquer cette sœur jumelle de la Terre qui aurait mal tourné. Un effet de serreeffet de serre impitoyable, entre autres, en a fait un enfer où la température moyenne est de 460 °C.

    À l'occasion de cette rencontre, l'équipe scientifique a présenté les premiers résultats obtenus avec leur vaisseau sauvé du naufrage. On y découvre notamment une image très détaillée des couches nuageuses d'acide sulfuriqueacide sulfurique. Takeshi Imamura a indiqué que cela traduit des processus de formation plus complexes qu'imaginés. L'assemblée a accueilli cette image prise dans l'infrarouge à quelque 100.000 km de distance par des applaudissements. Takehiko Satoh, en charge de la caméra infrarouge IR2, qui a réalisé ce cliché, promet d'« obtenir une meilleure résolution spatiale. Nous nous engageons à donner un fantastique ensemble de données à la communauté scientifique pour plusieurs années [leurs collègues devront toutefois patienter la levée d'un embargo d'une année pour y avoir accès, NDLRNDLR]. »

    L'autre image qui a fait sensation, capturée dans l'infrarouge thermique, montre une curieuse formation en arc de cercle joignant les deux pôles. À la différence de l'atmosphère qui se déplace très vite - 60 fois plus vite que Vénus, dont la rotation est de 243 jours -, cette onde longitudinale semble avancer au même rythme que la planète. Makoto Taguchi, responsable de l'instrument qui a obtenu cette image, estime que le front pourrait être lié à des structures en surface. Pour l'instant, c'est encore bien mystérieux.

    Deux projets de sonde d'explorationsonde d'exploration de Vénus ont été présélectionnés par la NasaNasa. Nul doute que si Akatsuki fait des découvertes intéressantes, cela influencera le choix qui doit être fait d'ici la fin de cette année, pour un lancement prévu au début de la prochaine décennie.