Pendant plus de 12 ans les instruments de Chandra ont collecté à maintes reprises les photons X en provenance d’Andromède et ses amas globulaires. Ce fut le temps nécessaire aux astrophysiciens pour annoncer aujourd’hui qu’ils ont très probablement découvert 35 trous noirs stellaires dans cette grande galaxie, la plus proche de la Voie lactée.

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    La galaxie d'Andromède photographiée dans le visible ne laisse pas deviner qu'elle contient des trous noirs stellaires. Mais avec les instruments de Chandra, il est possible de voir ceux qui émettent des rayons X en accrétant de la matière arrachée à une étoile voisine. Sur cette image, un zoom a été réalisé et il montre (dans l'encadré en haut à droite) les sources de rayons X dans son bulbe, dont certaines sont des trous noirs stellaires. © Nasa

    La galaxie d'Andromède photographiée dans le visible ne laisse pas deviner qu'elle contient des trous noirs stellaires. Mais avec les instruments de Chandra, il est possible de voir ceux qui émettent des rayons X en accrétant de la matière arrachée à une étoile voisine. Sur cette image, un zoom a été réalisé et il montre (dans l'encadré en haut à droite) les sources de rayons X dans son bulbe, dont certaines sont des trous noirs stellaires. © Nasa

    Les étoiles à neutrons accrétant de la matière dans un système binairesystème binaire ne rayonnent pas dans le domaine des rayons X de la même façon que des trous noirs stellaires dans une situation similaire. Or, pendant longtemps, il était difficile de faire la différence. De même, un trou noir supermassif peu actif dans une galaxie proche était difficilement distinguable d'un trou noir stellaire accrétant voracement de la matière dans un système binaire.

    Pourtant, avec la mise en orbiteorbite du télescope Chandra en 1999 par la navette spatiale Columbia, les astrophysiciensastrophysiciens avaient à leur disposition un instrument leur permettant de détecter des trous noirs stellaires en dehors de la Voie lactéeVoie lactée. Notamment dans sa grande voisine, Andromède, qui entrera en collision avec nous dans quelques milliards d'années.


    Les trous noirs comptent parmi les objets les plus opaques de l'univers. Heureusement, ils détiennent un pouvoir d'attraction démesuré qui nous permet de les détecter. Les trous noirs géants sont les ogres les plus monstrueux du « zoo cosmique », sans être pour autant des armes de destruction massive. Les jets de matière qu'ils produisent auraient contribué à allumer les premières étoiles et à former les premières galaxies. Hubert Reeves et Jean-Pierre Luminet, spécialistes en cosmologie contemporaine, répondent à ces interrogations sur www.dubigbangauvivant.com. © Groupe ECP, YouTube

    Une méthode pour différencier trou noir et étoile à neutrons

    Pour cela, il leur a fallu s'armer de patience et observer M31 à l'occasion de 152 campagnes d'observation réparties sur plus de 12 ans. Pour distinguer les candidats trous noirs stellaires, dans Andromède et ses amas globulairesamas globulaires, des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs dans des AGN (noyau actif de galaxienoyau actif de galaxie) plus lointains, ils ont mesuré leur luminositéluminosité et surtout leurs fluctuations dans le temps. Ces objets, qui contiennent tout au plus quelques dizaines de massesmasses solaires, voient leur activité changer bien plus rapidement dans le temps que celle des trous noirs supermassifs, tapis au cœur des galaxies et qui contiennent de quelques millions à plusieurs milliards de masses solaires.

    Après avoir identifié les sources de rayons X liées à des objets compacts accrétant de la matière dans un système binaire, différents de ces trous noirs supermassifs, il a fallu séparer les sources étant de véritables étoiles à neutrons des authentiques trous noirs stellaires. Heureusement, la longue observation photographique, réalisée au fil de ces 12 années par Chandra, a permis de connaître avec suffisamment de précision les spectresspectres en rayons X des candidats au titre de trou noir stellaire. Un tri a donc été possible.

    Cette image montre les sources X observées par Chandra lorsqu'il scrute M31. Le bulbe de la galaxie d'Andromède se trouve dans le cercle en pointillés bleus. Les trous noirs stellaires, dont certains sont dans des amas globulaires, sont indiqués par de petits cercles. © Nasa

    Cette image montre les sources X observées par Chandra lorsqu'il scrute M31. Le bulbe de la galaxie d'Andromède se trouve dans le cercle en pointillés bleus. Les trous noirs stellaires, dont certains sont dans des amas globulaires, sont indiqués par de petits cercles. © Nasa

    Andromède et ses amas sont riches en trous noirs

    Au total, ce sont 35 trous noirs de ce type qui ont vraisemblablement été découverts dans M31 et ses amas globulaires. C'est un résultat remarquable car, dans notre galaxie, on ne connaît qu'une vingtaine de ces trous noirs rayonnant dans le domaine des rayons X. De plus, huit d'entre eux ont été détectés dans les amas globulaires d'Andromède, alors qu'on en cherche toujours dans ceux de la Voie lactée. Enfin, sept de ces candidats trous noirs sont à moins de 1.000 années-lumièreannées-lumière du centre de la galaxie de M31. C'est plus que le nombre de candidats trous noirs ayant des propriétés similaires et étant proches du centre de notre propre galaxie. Ce n'est cependant pas une surprise pour les astrophysiciens, puisque le bulbe d'Andromède est plus grand que celui de la Voie lactée.

    Robin Barnard, l'un des astrophysiciens coauteur de la découverte et de l'article déposé sur arxiv, a donné toute la mesure de ces observations en déclarant : « Alors que nous sommes ravis de trouver autant de trous noirs dans Andromède, nous pensons qu'il s'agit juste de la pointe de l'iceberg. La plupart des trous noirs n'ont pas de compagnons et ils sont donc invisibles pour nous ».