Des centaines de trous noirs de masse intermédiaire pourraient se trouver dans le halo de la Voie lactée, selon des simulations numériques réalisées par deux astrophysiciens. Vestiges des graines de trous noirs supermassifs, ces objets pourraient être détectés en utilisant l’effet de lentille gravitationnelle qu’ils produiraient sur des quasars.

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    On ne sait pas très bien comment sont apparus et ont évolué les trous noirs supermassifs au cours des milliards d'années. On a de bonnes raisons de penser qu'ils croissent de pair avec les galaxies, puisqu'il semble y avoir une relation universelle entre la masse de ces galaxies et celle de leur trou noir central. Une explication possible repose sur le scénario de croissance des grandes galaxies par capture de galaxies naines.

    Il est ainsi possible d'imaginer une population initiale de ces galaxies avec en leur cœur des trous noirs de masse intermédiaire, c'est-à-dire comprise entre quelques dizaines et quelques centaines de milliers de masses solaires. Lors des collisions suivies de fusions entre les galaxies naines et avec de grandes galaxies, ces trous noirs fusionneraient aussi. C'est de cette façon que se seraient formés les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs, dont la masse va de quelques millions à des milliards de masses solaires.

    Certes, ce scénario laisse dans l'ombre l'origine des graines de trous noirs supermassifs, c'est-à-dire celle des intermediate-mass black holes (IMBH), comme on dit en anglais. Ces trous noirs intermédiaires sont peut-être en partie des vestiges des trous noirs primordiaux, qui ont pu apparaître pendant les premières minutes de la « naissance » du cosmoscosmos observable. Nul ne le sait vraiment, mais rien n'empêche d'étudier la formation et l'évolution des galaxies en partant d'une population d'IMBH dans des galaxies naines des centaines de millions d'années plus tard, par exemple. C'est précisément ce que viennent de faire Valery Rashkov et Piero Madau de l'University of California, comme ils l'expliquent dans un article publié sur arxiv.

    Un télescope au sol (<em>ground-based observatory</em>) observe ici le passage d'un trou noir (<em>black hole</em>) devant une étoile lointaine. Le champ de gravitation du trou noir dévie les rayons lumineux de l'étoile et agit comme une lentille augmentant temporairement la luminosité de l'étoile (<em>star</em>). On doit pouvoir détecter de la même façon des trous noirs de masse intermédiaire dans le halo de la Voie lactée en utilisant des quasars. © Nasa, Esa

    Un télescope au sol (ground-based observatory) observe ici le passage d'un trou noir (black hole) devant une étoile lointaine. Le champ de gravitation du trou noir dévie les rayons lumineux de l'étoile et agit comme une lentille augmentant temporairement la luminosité de l'étoile (star). On doit pouvoir détecter de la même façon des trous noirs de masse intermédiaire dans le halo de la Voie lactée en utilisant des quasars. © Nasa, Esa

    Trous noirs propulsés par des ondes gravitationnelles

    Les deux astrophysiciensastrophysiciens ont fait des simulations sur ordinateurordinateur pour déterminer ce qu'il advenait des IMBH lors des fusions entre galaxies. Ils ont tenu compte du fait que ces trous noirs émettent de grandes quantités d'ondes gravitationnelles lorsqu'ils entrent en interaction. Ce phénomène peut être si puissant qu'au lieu de conduire à un rapprochement accéléré de ces astres compacts lorsqu'ils sont en orbiteorbite l'un autour de l'autre, comme dans le cas bien connu des pulsars binaires, il mène à l'éjection d'un des IMBH.

    Ce processus d'éjection d'un IMBH hors des galaxies se produirait avec une fréquencefréquence inférieure à 20 % des cas. Selon les chercheurs, de 70 à 2.000 trous noirs de masse intermédiaire pourraient ainsi être en orbite autour de la Voie lactée dans son halo. Indiquons tout de suite que la masse totale de ces trous noirs est bien trop faible pour rendre compte de la matière noire supposée remplir le halo de notre Galaxie. Dans certains cas, les IMBH initialement dans une galaxie naine garderaient cependant autour d'eux une partie de la matière noirematière noire associée à cette galaxie.

    Il ne s'agit pour le moment que de simulations mais si l'on pouvait détecter et étudier cette population d'IMBH autour de la Voie lactéeVoie lactée, en supposant qu'elle existe bien, ce serait sans doute une fenêtrefenêtre intéressante sur la formation et l'évolution des galaxies et des trous noirs supermassifs. Cette détection sera difficile, mais sans doute pas irréalisable, comme l'ont montré les chercheurs dans un précédent article déposé sur arxivarxiv. Il serait en effet possible de détecter ces trous noirs par l'effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle qu'ils doivent produire lorsqu'ils transitent entre un quasar sur la voûte céleste et nous. Le signal serait le plus clair dans la bande submillimétrique des émissionsémissions dues à la poussière entourant les quasarsquasars.