Les propriétés des galaxies, et leur formation même, sont généralement présentées comme des preuves de l’existence de la matière noire. Selon une équipe d’astronomes américains et britanniques, il en irait tout autrement... D’après l’article qu’ils viennent de publier, les caractéristiques des galaxies seraient au contraire incompatibles avec le modèle de la matière noire froide.

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    Un échantillon de la diversité des galaxies révélée par le SDSS. Crédit : Andrew West

    Un échantillon de la diversité des galaxies révélée par le SDSS. Crédit : Andrew West

    La formation des galaxies et leur rassemblement pour former des structures à très grandes échelles sous formes d'amas et de super amas est l'un des sujets les plus importants de la cosmologie. Il a très tôt conduit les cosmologistes vers de nombreuses énigmes.

    Depuis les travaux de James Jeans, il demeure clair que les galaxies sont nées de légères surdensités de matière effondrées sur elles-mêmes sous leur propre poids (un peu comme naissent les étoiles dans un nuagesnuages d'hydrogène et de poussières). Mais les détails du processus se sont singulièrement compliqués par la suite. Les théoriciens ont dû faire intervenir les modèles de cosmologie relativiste basés sur l'expansion de l'espace, et surtout la théorie du Big BangBig Bang, impliquant que toute la matière de l'UniversUnivers observable était autrefois rassemblée dans un volumevolume plus petit qu'un atomeatome, dominé à un moment donné par une formidable densité d'énergieénergie sous forme de photonsphotons.

    Dans les premières secondes de l'Univers, la pressionpression de la lumièrelumière, dont on connaît bien les effets sur les poussières des comètescomètes, était tellement élevée que toute tentative de la matière pour se rassembler en grumeaux à l'origine des futures galaxies était contrecarrée jusqu'à un certain point. Il devenait alors impossible de comprendre comment les galaxies avaient pu commencer à se former très tôt dans l'histoire de l'Univers... sauf si une composante de matière insensible aux interactions électromagnétiques, et donc à la lumière, était déjà présente dans l'Univers observable primitif.

    Cette matière, noire donc, avait pu amorcer sa condensationcondensation sous forme de grumeaux avant la matière ordinaire sans que les surdensités les moins importantes ne soient lissées par le flux de photons qui, plus tard, sera devenu le rayonnement fossilerayonnement fossile de l'Univers refroidi. Ces germesgermes de galaxies donneront alors rapidement naissance aux structures que nous observons actuellement en attirant la matière normale composant les étoiles de l'Univers.

    Sir James Jeans. Crédit : <em>The University of St Andrews</em>

    Sir James Jeans. Crédit : The University of St Andrews

    La matière noire est-elle chaude ou froide, ou bien n'est-elle pas ?

    Selon que les massesmasses des particules de matière noirematière noire sont faibles ou grandes la température du gazgaz qu'elles forment chutera plus ou moins rapidement et avec elle leurs vitessesvitesses. Ainsi des particules lourdes seront les composantes lentes d'un gaz froid à l'origine de l'apparition de galaxies nainesgalaxies naines qui, par collisions, fusionneront pour donner les grandes galaxies comme la Voie LactéeVoie Lactée, lesquelles s'associeront ensuite pour former les superamassuperamas de galaxies avec leurs bulles et leur structure filamenteuse.

    Dans le cas de particules peu massives, elles sont rapides et forment un gaz chaud à l'origine initialement de condensations de matière à grande échelle et ce sont alors les galaxies qui apparaissent en dernier. C'est le modèle de la matière noire chaude.

    Jusqu'à présent les observations favorisent toutes le modèle de la matière noire froide, dit encore le Cold Dark Matter model ou CDM (une petite composante de matière chaude n'est pas exclue cependant). Le problème est que dans ce scénario de croissance hiérarchique, les galaxies évoluant au cours de l'histoire de l'Univers par collisions et fusions en série, une très grande variété devrait en résulter sans aucune corrélation entre les caractéristiques des galaxies comme leur taille, leur luminositéluminosité, leur couleurcouleur et leur masse.

    Or, un groupe d'astronomesastronomes avec à leur tête Mike Disney de l'Université de Cardiff, l'un des découvreurs de la contrepartie optique du pulsar du Crabe en 1969, vient de publier le résultat de statistiques portant sur les caractéristiques de près de 200 galaxies découvertes initialement dans le domaine radio, à l'aide du radiotélescope de Parkes, et examinées ensuite dans le domaine optique avec le Sloan Digital Sky Survey (SDSS).

    A première vue, ce qu'ils ont découvert est en contradiction avec le modèle CDM car des corrélations importantes ont été découvertes entre 6 paramètres décrivant des galaxies aussi diverses que les elliptiques, les spirales etc. Parmi ces 6 paramètres, on trouve la masse d'hydrogène neutre, la masse totale qui tient compte d'une hypothétique composante sous forme de matière noire, la luminosité, etc. Selon les chercheurs, il suffirait d'un seul paramètre pour fixer tous les autres même s'ils ignorent encore sa nature. Comme dans le cas des étoiles avec leurs rayons et leur température, il s'agit probablement de la masse de la galaxie.

    Normalement, on l'a dit, la croissance chaotique des galaxies dans le modèle CDM ne devrait pas permettre ce genre de corrélations mais les tenants du modèle de la matière noire froide affirment qu'il est encore trop tôt pour en arriver à des conclusions aussi extrêmes. En effet, les preuves indirectes de l'existence de la matière noire obtenues dans le cas des collisions d'amas de galaxiesamas de galaxies ne se balaient pas d'un revers de la main. De plus, bien des choses ne sont pas encore comprises dans la théorie de la croissance des galaxies car il s'agit d'un domaine où les équationséquations sont éminemment non-linéaires. Des surprises sont donc possibles, comme le cas des vagues scélérates nous l'a rappelé récemment...

    Faudra-t-il malgré tout abandonner les modèle de matière noire pour adopter des théories comme celle de John Moffat ? L'avenir ne devrait pas tarder à le dire, en particulier si l'on crée sur Terre des particules de matière noire avec le LHC.