On sait depuis des années que l'astéroïde Apophis passera à environ 31.000 kilomètres de la Terre en avril 2029. Mais dès 2004, la Nasa avait exclu un impact avec ce géocroiseur de plus de 300 mètres de diamètre. Visible à l'œil nu en 2029, son étude au radar ou même avec une sonde sera intéressante.


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    Difficile d'échapper à des marronniers en été, surtout lorsqu'ils proviennent de tabloïds britanniques où l'information est déjà douteuse. On voit un bon exemple de ce type d'article, sans véritable intérêt, et montant en mayonnaise un sujet connu et épuisé depuis longtemps avec le buzz issu d'un article publié initialement par le Daily Express.

    L'information concerne Apophis (le nom grec désignant le dieu égyptien Apep, le Destructeur), un astéroïde dont la taille est aujourd'hui estimée à 370 mètres et qui avait été découvert le 19 juin 2004 par Roy Tucker, David Tholen et Fabrizio Bernardi participant à l'University of Hawaii Asteroid Survey (UHAS), financée par la Nasa, et utilisant l'observatoire basé à Kitt Peak, en Arizona. Initialement catalogué sous le nom de 2004 MN4, les premières estimations de ses paramètres orbitaux avaient conduit les astronomesastronomes à s'inquiéter car un impact avec la Terre devenait possible le 13 avril 2029 (les premiers calculs indiquaient une probabilité de 2,7 % pour que l'astéroïde de 27 millions de tonnes percute notre Planète).

    Certaines estimations concernant sa composition - on a pensé un temps qu'il s'agissait de l'équivalent des météorites appelées sidérites, donc métalliques et denses, mais on pense aujourd'hui qu'il est plutôt apparenté aux chondrites rocheuses - et son angle d'impact avec la Terre laissaient penser qu'il provoquerait alors une explosion équivalant à des dizaines de milliers de fois la bombe qui a rayé de la carte la ville d'Hiroshima en 1945 (2004 MN4 entrerait dans l'atmosphèreatmosphère avec 1.200 mégatonnes d'énergie cinétique, or les énergies des impacts ayant créé le Meteor CraterMeteor Crater ou l'évènement de Tounguska sont estimées être comprises entre 3 et 10 mégatonnes). Sa chute dans l'océan ne serait guère plus réjouissante car elle produirait un tsunamitsunami avec des vaguesvagues hautes de 170 mètres se déplaçant à 100 km/h.

    Il semblerait que parmi les astronomes à l'origine de la découverte il y avait des fans de la série Stargate ; s'imposa alors l'idée de rebaptiser 2004 MN4 en Apophis.


    En 2010, le Cnes était déjà rassurant sur Apophis. © Cnes, agence spatiale française

    99942 Apophis sera visible à l'œil nu en avril 2029

    Heureusement, au cours des derniers jours du mois de décembre 2004, une photographiephotographie prise quelques mois avant le mois de juin et montrant déjà 2004 MN4 avait été retrouvée dans les archives, conduisant à une évaluation plus précise de la trajectoire de l'astéroïde pour 2029. Il était déjà devenu clair, en 2004, qu'un impact était en fait très improbable en 2029. Les années passant, avec l'accumulation de nouvelles données, le risque n'a cessé de décroître encore. Les chercheurs ont bien eu quelques inquiétudes pour 2036, et 2068 par la suite, mais là aussi les évaluations des risques n'ont fait que donner des probabilités de rencontres décroissantes. On estime même à présent que 99942 Apophis (son nom officiel) n'a plus qu'une chance sur 110.000 d'entrer en collision avec la Terre entre 2060 et 2105. L'orbiteorbite du géocroiseurgéocroiseur a en effet pu être affinée grâce au radar d’Arecibo, à Puerto Rico, en janvier et août 2005, puis en mai 2006.

    Bref, contrairement à ce qui est dit ou seulement suggéré depuis quelques jours, la Nasa n'a aucune inquiétude pour 2029 depuis déjà 2004, et très peu pour 2036 depuis au moins l'année 2013. Par contre d'ici 10 ans, les astronomes amateurs et même le grand public devraient être à la fête car 99942 Apophis devrait passer à environ 31.000 kilomètres de la Terre, c'est-à-dire à l'intérieur des orbites de Clarke des satellites géostationnairessatellites géostationnaires. Étant donné sa taille, il devrait être visible à l'œilœil nu au-dessus de l'hémisphère Sudhémisphère Sud. Survolant la Terre de la côte est à la côte ouest de l'Australie, il traversera ensuite l'océan Indien puis l'est des États-Unis.

    Les astronomes réfléchissent déjà à ce qu'ils pourront faire à ce moment-là. Ils se sont réunis à ce sujet il y a quelques mois. Ainsi pour Marina Brozović, une spécialiste des observations radar en astronomie au Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory de la Nasa à Pasadena, en Californie : « La rencontre rapprochée entre la Terre et Apophis en 2029 sera une opportunité incroyable pour la science. Nous observerons l'astéroïde avec des télescopestélescopes dans le visible mais aussi avec des radars. Grâce aux observations radar, nous pourrons peut-être voir des détails de la surface de quelques mètres à peine. »

    En 2013, le Cnes envisageait même une mission à destination d'Apophis. Nous pourrions apprendre bien des choses qui seraient précieuses pour déterminer au mieux la stratégie à adopter pour dévier un astéroïde qui serait vraiment dangereux, par exemple celles concernant la structure interne de 99942 Apophis.


    Le vendredi 13 avril 2029, Apophis s'approchera des satellites géostationnaires autour de la Terre que l'on voit en vert sur cette simulation numérique. Selon sa nature mécanique, le géocroiseur pourrait subir une altération de sa forme ou de l’état de sa rotation en raison des forces de marée causées par le champ de gravité de la Terre. © Nasa Video

     


    Apophis le destructeur : un astéroïde menace la Terre

    Article de Jean EtienneJean Etienne publié le 21/02/2007

    Vendredi 13 avril 2029. Massés en divers endroits propices d'Europe de l'ouest et d'Afrique du nord, des milliers d'astronomes, autant amateurs que professionnels observent un petit point de troisième magnitudemagnitude qui parcourt rapidement (42 degrés par heure) le ciel étoilé. Apophis, un astéroïde récemment découvert, vient de croiser la Terre.

    L'alerte a été donnée pour la première fois durant les vacances de Noël 2004. Des équipes de scientifiques du Jet Propulsion Laboratory (JPL) et de l'université de Pise, spécialisées dans la prédiction des impacts d'astéroïdes, ont constaté en même temps qu'un de ces petits corps risquait, avec une chance sur 200, d'entrer en collision avec la Terre le 13 avril 2029. Un vendredi 13, ce qui ne s'invente pas !

    2004 NM4, de son appellation officielle, avait été découvert en juin de la même année par Roy Tucker, de l'observatoire privé Goodricke-Pigott (Tucson, Arizona), en utilisant un nouveau dispositif de surveillance. Ensuite perdu de vue, l'objet avait été retrouvé le 18 décembre suivant, ce qui avait permis de déterminer sa trajectoire.

    Apophis sur un cliché pris à l'Osservatorio Astronomico Sormano
    Apophis sur un cliché pris à l'Osservatorio Astronomico Sormano

    Considérant le taux de probabilités de collision avec la Terre, deux priorités s'imposaient alors: affiner les connaissances de l'orbite, et estimer la massemasse de l'astéroïde. La traque commença donc aussitôt et les observatoires du monde entier s'attelèrent à la tâche.

    La traque

    Généralement, le taux de risque de collision diminue au fur et à mesure que les caractéristiques orbitalesorbitales d'un objet sont mieux connues. Mais ici, l'inverse se produisit. La probabilité d'impact passa à 1 sur 170 le 23 décembre, et à 1 sur 60 le lendemain à la suite de nouvelles mesures. Elle augmenta encore à 1 sur 40 à Noël, puis à 1 sur 37 le 27 décembre. Paradoxalement, les journaux, qui n'hésitent pourtant pas à claironner l'imminence de la fin du monde chaque fois qu'un caillou de moindre importance croise notre planète à bien plus grande distance, ne soufflèrent mot: beaucoup de journalistes étaient à ce moment en vacances...

    La probabilité grimpa encore à 1 chance sur 20 le 27 décembre, mais au même moment, 2004 NM4 fut repérée sur d'anciennes photos, prises le 15 mars depuis le télescope du projet Spacewatch en Arizona. Ces nouvelles données permirent de déterminer que l'astéroïde passerait en réalité à une distance équivalant à environ cinq fois le diamètre de la Terre. Et le mois suivant, des spectresspectres infrarougeinfrarouge en révélaient qu'il s'agissait d'une chondritechondrite. Son albédoalbédo alors connu permit enfin d'en évaluer le diamètre moyen à 320 mètres.

    Sans doute pour conjurer le sort, 2004 NM4 fut officiellement baptisé Apophis, du nom du dieu égyptien Apep, le Destructeur. Et de nouvelles données radar permirent encore d'affiner sa trajectoire, révélant qu'il croiserait notre planète à 29970 km, pénétrant ainsi à l'intérieur de l'orbite des satellitesorbite des satellites géostationnaires.

    Caprices orbitaux

    Mais pour rassurantes qu'elles soient, ces précisions ne font que reporter le risque de collision. Car ce passage à une aussi faible distance aura aussi pour effet d'infléchir la trajectoire d'Apophis d'une vingtaine de degrés, provoquant une modification de son orbite qui pourrait très bien l'amener à rejouer du rase-mottes le 13 avril 2036. Le risque de collision est soumis à l'ampleur de la modification de trajectoire que subira Apophis le 13 avril 2029, qui dépend elle-même de sa distance précise à la Terre à son point le plus rapproché. En fait, la marge d'erreur est représentée par un couloir virtuel de 610 mètres de large, un véritable chas d'aiguille à l'échelle planétaire, que devra traverser l'astéroïde si son destin lui commande de venir percuter notre planète sept années plus tard.

    Trajectoire prévue d'Apophis le 13 avril 2029. Crédit NASA
    Trajectoire prévue d'Apophis le 13 avril 2029. Crédit NASA

    L'orbite d'Apophis est-elle prédictible avec une telle précision ? La réponse est oui, mais pas tout de suite... En effet, l'astéroïde sera très difficile à repérer entre 2007 et 2011, en raison de sa proximité avec le SoleilSoleil. Les astronomes estiment cependant le risque à 1 sur 48000, ce qui rassure tout de même...

    Si le risque subsiste après cette date, la NASA envisage d'envoyer une sonde automatique en 2013, chargée de déposer un transpondeur radio à la surface de l'astéroïde, qui permettra une localisation beaucoup plus précise qu'au moyen des observations optiques et radar depuis la Terre.

    Si le risque persiste…

    Si le danger de collision avec la Terre persiste, diverses solutions seront alors envisagées. L'utilisation de charges explosives pour désintégrer l'astéroïde fait actuellement l'unanimité... des producteurs de cinéma, qui oublient tous en chœur que la multiplication des fragments en augmenterait encore considérablement le risque.

    L'idée salvatrice viendra peut-être d'une étude d'Edward Lu et Stanley Love, deux astronautesastronautes de la NASA, qui proposent de positionner et maintenir un vaisseau spatial de la taille d'une simple cabine ApolloApollo à proximité immédiate d'Apophis au moyen de moteurs ioniquesmoteurs ioniques fonctionnant à l'énergie solaire. Selon leurs calculs, la seule force d'attraction entre les deux objets suffirait à dévier l'astéroïde des quelques centaines de mètres nécessaires afin qu'il manque le couloir de 620 mètres de diamètre qui l'amènerait, en 2029, à percuter la Terre sept années plus tard.

    Orbite d'Apophis, parcourue en 323 jours. Crédit NASA
    Orbite d'Apophis, parcourue en 323 jours. Crédit NASA

    D'autres solutions sont envisagées, notamment par une commission présidée par l'ancien astronaute d'Apollo 9 Rusty Schweickart. MiroirsMiroirs gonflables afin de diriger le flux solaire vers l'astéroïde, échauffement de sa surface par rayons laserlaser pour vaporiser ses roches et engendrer une poussée sont autant de possibilités, mais qui exigent une connaissance parfaite de la composition de l'astreastre et, surtout, une période de rotationpériode de rotation très réduite voire nulle, alors que ce paramètre est sans importance avec la solution de Lu et Love.

    En cas de collision…

    Les effets de la collision d'un corps de 320 mètres de diamètre avec la Terre sont aisés à déterminer. L'énergie cinétique dégagée par cet objet de 20 millions de tonnes équivaudrait au minimum à 875 mégatonnes, soit 58.000 bombes d'Hiroshima.

    Deux cas de figure peuvent se présenter : Apophis peut tomber sur la terre ferme, ou dans l'océan. Dans la première hypothèse, la déflagration pourrait anéantir un pays grand comme l'Espagne ou la France. Dans le second, le tsunami provoqué ne se montrerait pas moins ravageur et serait capable de provoquer autant de victimes, sinon plus, qu'un impact au sol. Heureusement, nous n'en sommes pas encore là...