Construit entre 1876 et 1880 alors que l'Alsace est allemande, l'observatoire de Strasbourg a traversé l'histoire mouvementée de la région. Il rassemble aujourd'hui un centre de données astronomiques et un beau patrimoine scientifique.


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    La science est parfois un enjeu de prestige entre les nations. Le plus célèbre exemple en est la conquête de la Lune qui opposa pendant plus d'une décennie Américains et Soviétiques. La naissance de l'observatoire de Strasbourg releva également d'une forte volonté politique : revenue dans le girongiron allemand après la guerre de 1870, la ville se devait d'être la vitrine de la puissance du vainqueur. C'est ainsi que fut décidée la constructionconstruction d'un ensemble scientifique comprenant une université, un jardin botaniquebotanique et un observatoire, bien qu'à l'époque les astronomesastronomes faisaient déjà remarquer que son emplacement n'était pas des plus judicieux en raison de la proximité de la ville.

    Terminé en 1880 et inauguré l'année suivante, l'observatoire se constituait de trois bâtiments. Le plus important était celui qui supportait une coupole métallique de 9 mètres de diamètre abritant un grand réfracteur. Lors de sa réalisation en 1877, cette lunette de 48 centimètres de diamètre et 7 mètres de focalefocale était la plus grande d'Europe (elle fut dépassée plus tard par les lunettes de Meudon et de Nice).

    Comme ses cousines de l'époque, la grande lunette de Strasbourg était dédiée à l'observation des étoiles variables et à l'astrométrie. L'étude des étoiles variables consistait à mesurer les variations de leur éclat en les comparant avec des étoiles voisines dont la magnitude était connue et ne changeait pas. Quant à l'astrométrie, elle avait pour objectif de mesurer la position et la distance des étoiles. Ces deux disciplines, très en vogue au XIXe siècle, mobilisèrent des générations d'astronomes qui passaient leurs nuits à faire des mesures et à les consigner dans des registres. La grande lunette fut utilisée dans ce but jusqu'aux alentours de 1970 ; en parfait état de marche elle sert encore de temps en temps pour faire observer le ciel au public.

    Datant de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, ce réfracteur de 48 centimètres de diamètre et 7 mètres de focale est la fierté de l'observatoire de Strasbourg. © J.-B. Feldmann
    Datant de la fin du XIXe siècle, ce réfracteur de 48 centimètres de diamètre et 7 mètres de focale est la fierté de l'observatoire de Strasbourg. © J.-B. Feldmann

    Au royaume des lunettes

    Un deuxième bâtiment encadré par des coupoles accueillait des lunettes méridiennes. Ces instruments destinés également à l'astronomie de position avaient la particularité de ne se déplacer que dans le plan du méridien, en pivotant sur un axe horizontal orienté est-ouest. La position des étoiles était mesurée en notant l'instant où elles passaient au méridien dans le champ de l'instrument.

    Une autre lunette était très prisée à l'observatoire de Strasbourg : il s'agissait d'un chercheur de comètes constitué d'un réfracteur de 16 centimètres de diamètre associé à un fauteuil dans lequel l'observateur prenait place. L'ensemble se déplaçait sur des rails installés tout autour de la grande coupole. La recherche des astresastres chevelus était une activité très prisée au début du XXe siècle ; on se souviendra que le passage de la comète de Halleycomète de Halley en 1910 sema la terreur en raison de la présence de cyanogène dans la chevelure que traversa la Terre, un gazgaz nocif qu'on retrouve dans toutes les comètes, à l'instar de 103P/Hartley 2.

    Étonnant instrument que ce chercheur de comètes : une lunette associée à un fauteuil d'observation. © J.-B. Feldmann
    Étonnant instrument que ce chercheur de comètes : une lunette associée à un fauteuil d'observation. © J.-B. Feldmann

    C'est à la fin des années 1960 que l'observatoire recentra ses activités. L'astronomie de position depuis les observatoires terrestresobservatoires terrestres atteignant ses limites et les grands télescopestélescopes ayant supplanté les lunettes pour l'étude du ciel, l'observatoire se transforma en un centre de données stellaires (CDS), chargé de collecter et de redistribuer des informations astronomiques dans le monde entier. L'ouverture au public se concrétisa par la création d'un planétarium qui fêtera ses 30 ans l'an prochain.

    Quant aux lunettes qui ont fait la renommée de l'observatoire pendant plusieurs décennies, elles sont parfaitement conservées et chacun peut les découvrir au cours d'une enrichissante visite. Les amoureux de beaux instruments anciens pourront d'ailleurs se rendre dans un autre site astronomique comparable, l'observatoire de Paris, qui regorge également de trésors.