Les astronautes (Anglais), spationautes (Français) et autres cosmonautes (Russes) s’entraînent aux missions spatiales depuis des décennies sous l’eau. En ce début de XXIe siècle, comme en prélude à la conquête de Mars, la Nasa et l’Esa se préparent à explorer les astéroïdes avec la mission Neemo, des simulations sous la surface de l’océan Atlantique.

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    La réalité n'a pas été à la hauteur des rêves d'Arthur Clarke décrits dans son roman 2010 : Odyssée 2. Mais il semble que toute une génération d'enfants nourris dans les années 1970 par ces rêves, et d'autres similaires, entend bien ne pas les abandonner en tentant de les réaliser elle-même. La conquête de l'espace et la colonisation du Système solaire sont donc, peut-être, en train de redémarrer grâce à certaines entreprises privées comme SpaceX. Le fondateur de GoogleGoogle s'est ainsi joint à James Cameron pour partir à la conquête des astéroïdes. Quelques scientifiques même, héritiers de Turing, se proposent de réaliser les rêves d'immortalité des romans de Clarke, basés sur les ordinateursordinateurs.

    La Nasa et l'Esa sont-elles à la traîne ? Il semble que non car elles aussi se préparent, par exemple, à exploiter les astéroïdes ou à aller sur Mars. Elles ont même une longueur d'avance étant donné que, depuis plusieurs années, elles utilisent la base sous-marine Aquarius pour effectuer diverses missions du nom de Neemo, acronyme anglais de Extreme Environement Mission Operations.


    Quelques célèbres inventions et avancées technologiques réalisées par l'équipe Cousteau : les scooters sous-marins, le navire Alcyone et ses turbovoiles, la soucoupe plongeante, les maisons sous la mer - Précontinent II et Précontinent III. Cousteau et ses équipiers ont souvent collaboré avec la Nasa, par exemple avec Sealab. © Cousteau Society 2010, YouTube

    L'histoire de l'exploration spatiale et celle des fonds marins se sont croisées à de multiples reprises. Les passionnés de la conquête des océans le sont souvent aussi par celle de l'espace et inversement. Les raisons en sont simples. Plonger sous l'eau et partir dans le cosmoscosmos c'est à chaque fois comme quitter la Terre pour aller sur un autre monde. Enfin, c'est sous la surface des océans que l'on peut expérimenter, en partie, ce qu'est la vie en impesanteur. Il ne s'agit donc pas d'un hasard si Arthur Clarke est parti vivre dès les années 1950 au Sri Lanka, en ouvrant un club de plongée. 

    Ainsi, bien des expériences pour coloniser le Plateau continentalPlateau continental, comme celles de Cousteau et son équipe, ont appris des choses aux membres de la Nasa. On sait aussi que les astronautes s'entraînent depuis longtemps, en piscine, à effectuer des missions extravéhiculaires dans l'espace.

    Des aquanautes de la mission Neemo 14 au fond de l'océan Atlantique. La base sous-marine Aquarius est visible en haut à gauche de l'image. © Nasa

    Des aquanautes de la mission Neemo 14 au fond de l'océan Atlantique. La base sous-marine Aquarius est visible en haut à gauche de l'image. © Nasa

    Neemo, une mission sur un géocroiseur à 15 millions de km 

    Il n'est donc guère surprenant que des astronautes, en l'occurrence des aquanautes, se retrouvent périodiquement à 20 m de profondeur non loin des côtes de la Floride pour simuler les conditions de l'exploration et de l'exploitation des astéroïdes.

    Plus de 80 personnes, dont des ingénieurs et des plongeurs, nécessaires aux missions Neemo, ont donc permis à des astronautes de la Nasa et de l'Esa de vivre pendant 12 jours sous la surface de l'océan comme s'ils étaient à 15 millions de km de la Terre.


    Des aquanautes en pleine simulation de travaux dans l'espace à la surface d'un astéroïde dans le cadre de la mission Neemo 16. Paradoxalement, si les objets sont moins lourds dans ces conditions, le travail est plus difficile que sur Terre. © mwidic, YouTube

    Quinze millions de kilomètres, cela correspond à 39 fois la distance de la Terre à la LuneLune, une communication radio met environ 50 secondes pour rejoindre un vaisseau spatial à cette distance. Un message de réponse de l'équipage mettrait encore 50 secondes pour atteindre la Terre. Les échanges entre les aquanautes et les membres de Neemo en surface étaient donc retardés de cet intervalle de temps afin de rendre réaliste le déroulement des missions. Le but étant de repérer les problèmes que l'on peut rencontrer avec ces délais et d'apprendre à s'y adapter.


    D'autres images d'aquanautes en train de simuler l'exploration d'un astéroïde par 20 m de fond. © COEDmagazine, YouTube

    Les aquanautes ont passé des heures à simuler des sorties dans l'espace, se comportant comme des géologuesgéologues ou des prospecteurs de mineraisminerais enquêtant sur le terrain à la recherche d'échantillons à extraire. Des tests de techniques d'extraction étaient bien sûr au programme. Dans l'espace, en effet, en impesanteur, même les tâches les plus simples doivent être pensées dans le détail. Par exemple, un astronaute arrachant un morceau d'astéroïde doit se tenir à un objet fixe, pour ne pas risquer de s'envoler en quittant le petit corps céleste du fait de sa très faible gravitégravité.

    Malgré la faible profondeur, une fois la mission effectuée, les aquanautes doivent attendre 17 heures avant de remonter en surface, afin d'éviter des accidentsaccidents de décompression. La dernière mission Neemo s'est terminée en juin 2012. Bill Todd, un ancien responsable du programme Neemo, fait aujourd'hui partie de l'équipe de Sea Orbiter d'un vaisseau d'exploration océanique sur de très longues duréesdurées.