Après la privatisation des satellites de télécommunications, du transport de fret et en attendant les vols habités à destination de la Station spatiale internationale, voici le projet Twinkle. Porté par l'Union européenne, il invite le secteur privé à s'intéresser à la commercialisation de données scientifiques qui concerneront l'étude des exoplanètes.

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    Il y a une dizaine d'années, la privatisation de l'espace était vue comme improbable. Seuls les États et la puissance publique apparaissaient capables de financer le coût élevé de son accès et de son utilisation. Aujourd'hui, la situation a considérablement évolué. Aux États-Unis, la privatisation de l’accès à l’espace est une réalité (SpaceXSpaceX, Orbital ATK) et de nombreux satellites de télécommunications sont opérés par des sociétés privées (SES, Eutelsat...).

    À présent, une nouvelle étape est franchie par le projet de satellite Twinkle. Financé par l'Union européenne, il sollicite des fonds privés pour réaliser un nouveau télescope spatialtélescope spatial chargé d'étudier les exoplanètes. Il est réalisé dans le cadre d'Exodata, un programme finançant jusqu'à la moitié du coût d'une nouvelle mission spatiale en vendant à l'international des données et du temps d'un satellite. Il pourrait ainsi devenir la première mission spatiale semi-commerciale.

    L'idée est de vendre du temps d'observation à des tiers. Le concept peut paraître quelque peu saugrenu mais des « instituts de recherche et des universités qui n'ont pas accès aux technologies spatiales, par exemple en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est, sont très intéressées par notre projet », souligne Jonathan Tennyson, coordinateur d'Exodata.

    Vue d'artiste du satellite d'astronomie Twinkle, dont le coût est estimé à environ 65 millions d'euros, lancement compris. © SSLT

    Vue d'artiste du satellite d'astronomie Twinkle, dont le coût est estimé à environ 65 millions d'euros, lancement compris. © SSLT

    Twinkle est dédié à l'exobiologie

    En effet, les études de marché conduites par le projet ont montré un intérêt particulier pour l'utilisation momentanée d'un satellite. Il s'agirait donc de vendre une tranche de temps « couvrant par exemple quelques orbites du satellite autour de la Terre, chacune durant environ 90 minutes ». L'acheteur pourra alors définir les données qui l'intéressent parmi celles que génère le satellite. Pour que le projet avance, « nous cherchons maintenant à ce que les acheteurs potentiels s'engagent par écrit à acquérir des données et du temps de Twinkle. Nous avons pour cela engagé deux directeurs du développement commercial, qui parcourront le monde afin de convaincre nos clients potentiels », poursuit M. Tennyson.

    Malgré cette initiative commerciale, Twinkle est avant tout un projet scientifique d'étude de la composition chimique et de l'habitabilité d'exoplanètes. Le satellite embarque un télescope doté d'un miroir primaire de 50 centimètres de diamètre et de deux spectromètres. Pour les scientifiques qui portent le projet, Twinkle devrait fournir des spectres de 100 à 150 Jupiters chaudesJupiters chaudes. Actuellement, « nous ne savons presque rien de ces planètes au-delà de leur massemasse, de leur taille et de la distance de leur étoileétoile. Donc, Twinkle nous renseignera sur leur composition et sur la façon dont elles ont évolué dans le temps », déclare Enzo Pascale, de l'université de Cardiff, responsable scientifique des instruments de la mission.

    Des instruments dérivés d’Exomars 2016 et du futur télescope spatial JWST

    Pour réduire les coûts sans restreindre le retour scientifique, le satellite n'utilisera que des technologies éprouvées. « Le coût de Twinkle sera bien inférieur à celui d'une mission financée par le secteur public. » Le satellite sera construit par la société SSTL (Surrey Satellite Technology Ltd) à partir d'une plateforme utilisée pour des satellites d'observation de la Terreobservation de la Terre. D'une duréedurée de vie d'au moins trois ans, il embarquera une charge utile d'une centaine de kilogrammeskilogrammes composée de deux spectromètres. Son télescope sera dérivé du Ralcam4 dédié à l'observation de la Terre et la conception du spectromètre infrarougeinfrarouge s'inspirera du MiriMiri installé dans le futur JWST (James Webb Space TelescopeJames Webb Space Telescope). Le spectromètre Elvis, qui fonctionnera dans le visible et le proche infrarouge, sera une version modifiée d'Uvis, présent à bord de l'orbiteur TGO de la mission ExoMars 2016ExoMars 2016.

    Twinkle sera dimensionné pour observer les superterres ou des géantes gazeusesgéantes gazeuses orbitant près de leur étoile. Ses instruments pourront détecter de nombreux composés dans l'atmosphère de Jupiter chaudes : vapeur d'eau, dioxyde de carbonedioxyde de carbone, méthane, ammoniacammoniac, cyanure d'hydrogènecyanure d'hydrogène, hydrogène sulfuréhydrogène sulfuré, ainsi que des composés métalliques exotiquesexotiques tels que le dioxyde de titanedioxyde de titane, le dioxyde de siliciumsilicium et le vanadiumvanadium. Quant au spectromètre Elvis, il surveillera la variabilité lumineuse des étoiles et détectera des signes d'une couverture nuageuse dans l'atmosphèreatmosphère des planètes.

    Enfin, même si Twinkle ne pourra pas spectrographier des petites planètespetites planètes dans les zones habitables, donc loin de leur étoile, il pourrait néanmoins signaler des cibles potentiellement intéressantes pour une étude plus approfondie. Si le financement privé suit, le satellite sera lancé dans trois ans.