L'Agence spatiale européenne vient de donner le coup d'envoi à Neosat. Ce programme doit permettre à Airbus Espace et Thales Alenia Space de développer à bon compte leur plateforme satellitaire future, destinée aux satellites de télécommunications, pour les années 2020-2030.

au sommaire


    L'avenir du marché des satellites de télécommunications, en pleine croissance, est très incertain. Les experts se demandent si la part des satellites de plus de six tonnes continuera à être aussi importante, ou si les satellites à propulsion électrique (de trois à quatre tonnes) vont les remplacer et donc modifier le marché des lancements. À cette interrogation s'ajoute une autre incertitude : les satellites électriques ne sont peut-être pas la solution la mieux adaptée au secteur des télécommunications spatiales. Certes, ils ont leurs avantages, dont celui d'être moins lourds à charge utile équivalente qu'un satellite à propulsion chimique, mais ils nécessitent une mise à poste plus longue. Or, l'adage « le temps, c'est de l'argent » trouve tout son sens dans l'espace. D'où l'intérêt grandissant pour des satellites hybrideshybrides, qui réduisent le poids du satellite par des moteurs électriques, mais conservent une propulsion chimique pour réduire le temps pour arriver à l'orbite géostationnaire.

    En Europe, les réponses à ces questions sont au centre des préoccupations de l'Esa, mais également des industriels du secteur. Car elles vont influer sur les caractéristiques d’Ariane 6, mais également sur le marché européen des télécommunications par satellite et les solutions. En outre, parier sur l'état futur d'un marché nécessite une certaine dose d'anticipation sur ce que seront les évolutions technologiques des satellites d'ici là. Les plateformes satellitaires, autour desquelles sont construits les satellites, n'échappent pas à ces règles.

    Afin de préparer cet avenir, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne prend les devants et donne le coup d'envoi à Neosat, un programme de plateformes de nouvelle génération destinée aux satellites de télécommunications qui doit permettre à Airbus Espace et Thales Alenia Space (TAS) de développer leur propre famille de plateforme en remplacement des actuelles Spacebus de TAS (41 en activité pour 76 commandées depuis 30 ans) et Eurostar 3000 d'Airbus Espace. Dans le détail, Airbus Espace a 47 satellites de télécommunications en orbite (48 si l'on compte Astra 5B, lancé le 22 mars). Sur ces 47, 45 sont en orbite géostationnaire, dont 41 Eurostar, 3 Skynet (plateforme ECS), et un Alphasat (plateforme Alphabus). Enfin, sur ces 41 Eurostar en service, 31 sont des Eurostar 3000 de la dernière génération.

    Modules de communication (en haut) et de service (en bas) d'un satellite de télécommunications construit autour d'une plateforme Eurostar 3000 d'Airbus Espace. Le constructeur entame le développement de Neosat, une nouvelle plateforme pour l’Esa. © Astrium Espace

    Modules de communication (en haut) et de service (en bas) d'un satellite de télécommunications construit autour d'une plateforme Eurostar 3000 d'Airbus Espace. Le constructeur entame le développement de Neosat, une nouvelle plateforme pour l’Esa. © Astrium Espace

    La plateforme Neosat pour muscler l’industrie européenne des satellites

    Bien évidemment, les deux industriels ne vont pas développer une plateforme commune. Il s'agit d'un projet financé par l'Esa autour duquel nos deux champions européens vont collaborer au maximum, principalement au niveau des sous-ensembles systémiques. Les deux sociétés gardant la maîtrise d'œuvre de l'architecture et de leurs choix et solutions techniques des plateformes résultant de ce travail en commun.

    Le but recherché est de récupérer des parts de marché perdues depuis le retour de Boeing sur ce segment et l'arrivée de nouveaux entrants. Pour y parvenir, cette plateforme du futur sera développée avec un objectif de 30 % de réduction du coût global du satellite, et le coût de son utilisation en orbite devrait également baisser dans des proportions similaires. Par rapport aux satcoms actuels, sa durée de vie sera rallongée de trois ans et portée au moins à 18 ans.

    Le cahier des charges de cette plateforme devra tenir compte de l'évolution prévisible du marché et suivre la tendance de croissance des charges utiles, notamment en matière de puissance, de produits de missions et du nombre d'antennes embarqués. Enfin, elle devra être optimisée sur la plupart des lanceurs disponibles à l'horizon de son entrée en service. Compte tenu de la nécessité d'être compatible pour au moins deux lanceurs, à cet horizon, on s'attend à ce que le Falcon 9 de SpaceXSpaceX soit le moins distant avec une capacité d'emport de 5,1 tonnes, à comparer aux 7 tonnes d'Ariane 6Ariane 6. Autre nécessité, il faut que cette plateforme permette d'embarquer deux satellites sur un même lanceur. Résultat, que ce soit pour Airbus Espace ou pour Thales Alenia Space, il sera nécessaire de développer une famille de plateforme chimique, tout électrique et partiellement électrique dans une enveloppe de massemasse d'environ cinq tonnes.