D’une longévité exceptionnelle, les rovers jumeaux Spirit et Opportunity bouclent leur dixième année de présence sur Mars. Bien que le premier soit immobilisé depuis 2010, la mission n’en finit pas de se prolonger avec un Opportunity en pleine forme. Ayant parcouru plus de 38 kilomètres, celui-ci enquête actuellement sur des affleurements d’argiles situés sur les bords d’un cratère. Comme l’évoquent les membres des équipes scientifiques, la mission a déjà suscité de nombreuses vocations, toutes bienvenues dans l’exploration de ce monde voisin.

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    Peut-être vous souvenez-vous, il y a tout juste dix ans -- dans un intervalle de trois semaines --, de l'arrivée insolite sur la surface de Mars des rovers Spirit et OpportunityOpportunity. Enveloppés chacun dans un curieux coconcocon d'airbagsairbags, ils rebondirent d'abord plusieurs fois sur le sol martien avant de rouler et de se stabiliser dans un creux ou contre un petit rocher. Après dégonflement de leur membrane protectrice, les deux robotsrobots de la mission Mars Exploration Rover (MER) furent libérés afin d'entamer leurs explorations.

    Au moment de leur atterrissage, les rovers étaient enveloppés d'airbags afin de rebondir en douceur sur le sol martien. © Nasa, JPL-Caltech

    Au moment de leur atterrissage, les rovers étaient enveloppés d'airbags afin de rebondir en douceur sur le sol martien. © Nasa, JPL-Caltech

    Aujourd'hui membre de l'équipe chargée d'Opportunity, Bekah Sosland n'a pas oublié ce moment, qu'elle avait suivi « du coin de l'œilœil à la télévision ». Âgée alors de 14 ans, elle confie qu'elle n'était « pas particulièrement intéressée par l'espace ». Mais « découvrir cette chose rebondir et rouler sur une surface rouge [...] puis s'arrêter et s'ouvrir avec un rover à l'intérieur », cela a radicalement changé ses orientations pour l'avenir. Si bien que la voici aujourd'hui qui participe de plain-pied à la mission. Cela était d'autant plus inimaginable pour elle que la Nasa et le JPLJPL tablaient à l'époque sur une durée de mission de seulement trois mois (environ 90 sols martiens). Des pronosticspronostics pessimistes, car une dizaine d'années plus tard, l'un d'eux, Opportunity (parfois surnommé « Oppy »), poursuit vaillamment son exploration.

    Magnifique coucher de Soleil photographié sur Mars par Spirit le 19 mai 2005 (489<sup>e</sup> sol). On distingue, à l'horizon, les « remparts » du cratère Gusev, distant de 80 kilomètres du rover. Sur Mars, le Soleil apparaît un tiers plus petit que depuis la Terre. © Nasa, JPL-Caltech, <em>Texas A &amp; M</em>, université Cornell

    Magnifique coucher de Soleil photographié sur Mars par Spirit le 19 mai 2005 (489e sol). On distingue, à l'horizon, les « remparts » du cratère Gusev, distant de 80 kilomètres du rover. Sur Mars, le Soleil apparaît un tiers plus petit que depuis la Terre. © Nasa, JPL-Caltech, Texas A & M, université Cornell

    Exploration martienne des « terres du milieu »

    Débarqué le premier, le 4 janvier 2004, Spirit est malheureusement immobilisé depuis 2010 en raison des dysfonctionnements de deux de ses six roues motrices. Enlisé dans le sablesable, son périple a pris fin après six années d'enquêtes et 7,7 kilomètres parcourus à travers la plaine du grand cratère Gusev (environ 166 km de diamètre). Soit une vie tout de même 20 fois supérieure aux prévisions de départ.

    Couches sédimentaires sur le site nommé Home Plate, témoignant d'épisodes géologiques successifs : explosions volcaniques, impacts, dépôts éoliens, etc. L’image a été prise le 8 mars 2006 par Spirit. © Nasa, JPL-Caltech, université Cornell

    Couches sédimentaires sur le site nommé Home Plate, témoignant d'épisodes géologiques successifs : explosions volcaniques, impacts, dépôts éoliens, etc. L’image a été prise le 8 mars 2006 par Spirit. © Nasa, JPL-Caltech, université Cornell

    Perçu dans un premier temps comme un ancien lac alimenté par des fleuves et des rivières ainsi que le suggéraient les études menées par les sondes spatiales en orbite, le cratère Gusev raconte aux scientifiques une histoire différente et non moins passionnante du passé de Mars. « Nous avons découvert des preuves irréfutables d'une ancienne Mars qui était un milieu chaud, humide et violent ponctué d'explosions volcaniques, d'activités hydrothermales et autres jets de vapeur », se souvient Steve Squyres, de l'université Cornell et principal chercheur de la mission. Rien à voir donc avec la planète froide et asséchée d'aujourd'hui.

    L’une des nombreuses tornades de poussières photographiées par Spirit au cours du printemps martien dans la plaine du cratère Gusev, le 13 juillet 2005. © Nasa, JPL, <em>Texas A &amp; M</em>

    L’une des nombreuses tornades de poussières photographiées par Spirit au cours du printemps martien dans la plaine du cratère Gusev, le 13 juillet 2005. © Nasa, JPL, Texas A & M

    Déposé le 25 janvier 2004 de l'autre côté de la Planète rouge, non loin de l'équateuréquateur martien, le rover Opportunity est quant à lui toujours en activité. Il se montre d'ailleurs « en excellente santé pour un véhicule de son âge », comme le précise John Callas, chef de projet de la mission MER depuis plus de 13 ans. Arpentant Meridiani PlanumPlanum depuis plus de 3.500 sols (jours martiens), le rover a déjà envoyé vers la Terre plus de 187.755 images au format Raw des roches et paysages qui l'entourent.

    Depuis ses débuts, 38,7 kilomètres ont été parcourus... et que de découvertes ! Comme le suggéraient les relevés géologiques des orbiteurs au début des années 2000, la région possède de nombreux affleurementsaffleurements rocheux riches en minérauxminéraux hydratés, vraisemblablement excavés par un impact météoritique. Prospectant depuis plusieurs semaines sur les bords du cratère EndeavourEndeavour (22 km de diamètre), Opportunity y a découvert entre autres d'étranges sphérules, des veines de gypsegypse et de fortes concentrations d'argile. Ces dernières, rappelle Steve Squyres, indiquent que « l'eau était neutre plutôt qu'acideacide, et donc plus favorable à la vie microbienne, si tant est qu'elle ait existé un jour sur Mars ». Soit des conditions très différentes de celles observées sur les sites visités par Spirit à quelques milliers de kilomètres de là.

    Affleurement rocheux à Murray Ridge en bordure du cratère Endeavour, où travaillait Opportunity entre le 21 et le 23 novembre 2013 (3.494 à 3.496 sols). © Nasa, JPL-Caltech, université Cornell, université d’État de l’Arizona

    Affleurement rocheux à Murray Ridge en bordure du cratère Endeavour, où travaillait Opportunity entre le 21 et le 23 novembre 2013 (3.494 à 3.496 sols). © Nasa, JPL-Caltech, université Cornell, université d’État de l’Arizona

    Opportunity toujours fidèle au poste

    Même si le puissant rover Curiosity occupe aujourd'hui le devant de la scène, son petit collègue de la précédente génération, Opportunity, continue de mener des enquêtes scientifiques de premier ordre. Une phase importante de sa mission qui n'en finit pas de se prolonger, et fait dire à l'un de ses concepteurs que « grâce à la longévité des rovers, nous avons eu en fait l'équivalent de quatre sites d'atterrissage différents pour le prix de deux ».

    Pour expliquer cette durabilitédurabilité exceptionnelle et inespérée, les ingénieurs estiment que les deux rovers ont notamment bénéficié des alizésalizés propices à dépoussiérer leurs panneaux solaires, puis d'une très bonne gestion de leurs réserves d'énergieénergie. Par exemple, au plus fort de l'hiverhiver martien (une saisonsaison martienne dure six mois), Spirit et Opportunity furent souvent stationnés sur de faibles pentes en direction du SoleilSoleil.

    Périple d'Opportunity dans Meridiani Planum depuis son arrivée le 25 janvier 2004 jusqu'au 13 novembre 2013. Le rover avait alors parcouru 38,6 kilomètres. Actuellement, il étudie les argiles qui affleurent sur les pentes du cratère Endeavour. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS, NMMNHS

    Périple d'Opportunity dans Meridiani Planum depuis son arrivée le 25 janvier 2004 jusqu'au 13 novembre 2013. Le rover avait alors parcouru 38,6 kilomètres. Actuellement, il étudie les argiles qui affleurent sur les pentes du cratère Endeavour. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS, NMMNHS

    En avant Mars !

    Pour Steve Squyres, l'un des traits essentiels de cette mission (toujours en cours) est l'impact sur le grand public et les vocations qu'elle a suscitées. « Je suis incroyablement fier de la science que nous avons accomplie [...], mais peut-être qu'au final, notre héritage le plus important se révélera être les jeunes gens qui ont vu ce que nous avons fait et qui ont fait des choix de carrière en fonction. Si l'un des résultats de notre mission est d'inciter une nouvelle génération d'explorateurs à vouloir faire encore mieux que ce que nous avons fait, alors c'est la meilleure chose que nous ayons pu accomplir. »

    Mars fait rêver ! D'ailleurs, les nombreuses candidatures pour l'hypothétique mission habitée sans retour Mars One témoignent du grand intérêt que manifeste le public pour la Planète rouge. En attentant les premiers pas sur Mars (envisagés à l'horizon 2030), CuriosityCuriosity poursuit ses investigations et les nouveaux orbiteurs Maven se préparent à lui rendre visite à l'automneautomne 2014. De nouvelles étapes dans notre marche vers Mars.