Pour ses lecteurs, Futura-Sciences a décidé d'interroger son parrain Roger-Maurice Bonnet, directeur du programme scientifique de l'Agence Spatiale Européenne au moment où fut conçue la sonde Huygens, et qui a joué un rôle déterminant dans la réussite de cette importante mission.

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    En introduction à cette passionnante conversation, qui concerne non seulement Huygens mais aussi le programme d'exploration spatiale passé et futur, nous vous en présentons quelques courts extraits, hors-d'œuvre de l'interview complète qui paraîtra ici même début février sous forme d'un dossier.

    Le 10 février prochain dès 19 heures, vous pourrez poser vos propres questions à Roger-Maurice BonnetRoger-Maurice Bonnet, lors d'un chat organisé par Futura-Sciences, avec en premier plan la mission Huygens ainsi que tous les sujets en rapport avec l'exploration spatiale sous ses aspects scientifique, économique et politique.

    Futura-Sciences : Je crois qu'actuellement, vous devez être sur un petit nuagenuage,

    Image du site Futura Sciences
    après un succès aussi complet que celui de Huygens.

    Roger-Maurice Bonnet : Sur un nuage de méthane, oui.

    FS : Est-ce que vous vous attendiez à une telle réussite ?

    RMB : Quand les choses marchent, elles marchent complètement. Il y avait quand même beaucoup de risques pris ... une mission est risquée intrinsèquement, mais ces risques ont été pris en compte dans la définition de la mission. A vrai dire, mon plus grand souci était la séquence d'ouverture des parachutesparachutes. Il y en a trois qui s'ouvrent successivement, à différentes altitudes pour freiner la descente et amortir près du sol la chute de la sonde à une vitesse de 4 mètres par seconde seulement. Une telle séquence n'est pas banale en soi, on ne fait pas cela souvent, et en plus, à un milliard deux cent millions de kilomètres de la Terre !

    FS : Si Huygens était conçue aujourd'hui, quelles différences aurait-on pu y apporter ?

    RMB : Je pense qu'au point de vue scientifique, on n'aurait pas modifié grand-chose. On disposerait certainement d'ordinateursordinateurs de bord plus performants et donc de données en plus grand nombre, peut-être, mais la science aurait été pratiquement la même. Au départ, on ne savait que peu de choses de TitanTitan donc on a fait le minimum de base, compte tenu des capacités de transmission de la sonde, contrainte de communiquer par l'intermédiaire de Cassini, qui lui-même, a ses propres contingences.

    Il y avait donc un minimum et un maximum de capacités de télémétrie et de transmission des données qui ne permettait pas de faire mieux que ce que l'on a aujourd'hui.

    FS : Sait-on combien de temps Huygens a émis depuis le sol de Titan ?

    RMB : Oui. Cassini a reçu ses signaux de 11h38 à 12h50 soit une heure et douze minutes, et les radiotélescopes terrestres pendant au moins dix heures après la mise en route des batteries. On est encore en train d'en analyser les signaux et il faudra plusieurs semaines avant de savoir exactement combien de temps au total elles ont fonctionné.

    FS : Donc les batteries ont tenu le coup pendant tout ce temps ?

    RMB : Il y avait à bord de Huygens cinq batteries, dont trois seulement étaient requises et deux étaient là en réserve en cas de déficience. Elles ont toutes fonctionné, donc on a eu au moins dix heures de signaux. Les données sont fractionnées entre tous les radiotélescopes sur Terre, elles sont en cours de traitement.

    FS : D'après vous, quelles devraient être les prochaines cibles de l'exploration robotiquerobotique du Système solaire ?

    RMB : Tous les objets sans doute, mais clairement c'est Mars qui semble recueillir les faveurs de tous, en particulier pour s'assurer qu'il n'existe pas sur Mars d'espècesespèces bactériennes pouvant présenter un danger pour l'homme quand celui-ci aura décidé de se rendre sur la planète rouge. Il y a donc un bel avenir pour une étude robotique de Mars avant de pouvoir y envoyer des hommes.

    Je pense par ailleurs que les astéroïdes sont des endroits relativement faciles à atteindre, ainsi que les comètescomètes, bien qu'elles suivent des orbitesorbites quelquefois beaucoup plus complexes et excentriquesexcentriques que les astéroïdes. L'ESAESA va atterrir en 2014 sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, et ça, c'est une grande première que, j'espère, nous verrons tous. Après cela, ce sera sans doute Europa et certains des satellites de JupiterJupiter ou de SaturneSaturne, dont Titan. On retournera vraisemblablement sur Titan si, comme ce semble être le cas, on y découvre des choses extraordinaires, grâce à Huygens.

    FS : Où en est le programme de retour d'échantillons martiensretour d'échantillons martiens ?

    RMB : Au sein de l'ESA existe le programme Auroraprogramme Aurora, qui prévoit le retour d'échantillons martiens pour 2014 ou 2015. C'est une mission indispensable si on veut envoyer un jour des hommes sur Mars, ne serait-ce que pour acquérir les connaissances pratiques pour atterrir sur Mars et en revenir.