Le vaisseau Shenzhou est revenu sur Terre après un périple de cinq jours, débarquant deux Taïkonautes dont la pleine forme proclamait la réussite d'un empire de 1200 millions d'habitants en pleine explosion technologique. Et d'aucuns se félicitant déjà du comportement des responsables tant scientifiques que politiques du programme, dont le souci de transparence contraste étonnamment avec la conduite de l'ex-URSS, dont les informations n'étaient diffusées qu'au goutte-à-goutte avec un retard soigneusement calculé.

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    Depuis plusieurs mois, les agences de presse chinoises annonçaient ce deuxième vol habité avec tous les détails souhaitables : deux occupants, module orbital habitable, vol de cinq jours. L'endroit précis de la récupération, et même celui d'une zone d'atterrissage d'urgence, avaient été révélés ainsi que la date probable du lancement, un mois à l'avance. Nous en avions d'ailleurs fait état. La Chine ne nous cache rien. En est-on bien sûr ?

    Quelques détails semblent avoir échappé à l'ensemble des observateurs

    Le lendemain de son envol, ShenzhouShenzhou 6 déviait légèrement de sa trajectoire et l'agence spatiale chinoise annonçait que l'équipage avait été contrait d'effectuer une manœuvre de correction. Cette annonce sibylline paraîtrait anodine si elle n'entrait pas fondamentalement en contradiction avec les lois de la physique les plus élémentaires. En orbite, un satellite, habité ou non, ne peut pas dévier s'il n'est pas soumis à une force extérieure. La traînée atmosphérique peut en être une, mais l'altitude du vaisseau - 343 km - l'y soustrait. Reste une utilisation de ses propres moteurs, mais alors il ne s'agit plus d'une "déviation" mais d'une manœuvre.

    Interrogés à ce sujet, les responsables n'ont pas désiré s'exprimer officiellement à ce sujet. Première intrigue.

    Plusieurs semaines avant la mission, celle-ci avait été annoncée pour une durée de 119 heures, soit cinq jours moins une heure. Ce qui - soit dit en passant - permettait de déduire exactement les paramètres orbitaux du vaisseau, autre indice de transparencetransparence. Or, on constate que non seulement ces paramètres ont été modifiés après la "déviation", mais que la nouvelle orbite, plus basse, amène Shenzhou 6 à rentrer tout naturellement dans les couches denses de l'atmosphèreatmosphère le 17 octobre à 01h21 TU (temps universel) au-dessus de la Chine, exactement 119 heures après le lancement.

    Finalement, Shenzhou a amorcé sa rentrée sur commande de l'équipage le 16 octobre à 23h48 TU au terme de 116 heures de mission, soit deux orbites d'avance sur l'horaire annoncé.

    Que déduire de cela ?

    Prenons une hypothèse. Après le lancement, les techniciens constatent une défaillance possible dans le système de rentrée. Scénario plausible, puisqu'il s'était produit lors du premier vol orbital américain lorsqu'en 1962, la Nasa avait nourri les plus vives inquiétudes au sujet de la capsule Mercury de John GlennJohn Glenn dont le bouclier semblait défectueux. Mais si Mercury ne pouvait pas manœuvrer en orbite, Shenzhou le peut. Il est donc parfaitement logique que la trajectoire soit modifiée, de façon à provoquer une rentrée atmosphérique "naturelle" lors de son passage au périgée, situé au-dessus de la Chine. Et il est tout aussi logique qu'une manœuvre de rentrée volontaire soit tentée comme prévu une ou deux orbites à l'avance, surtout si la défaillance n'est pas formellement démontrée (la plupart des alertes proviennent de mesures erronées ou de capteurscapteurs défectueux).

    D'autres solutions restent possibles, comme un problème météorologique qui aurait contraint la direction du vol à raccourcir la mission. Mais l'agence aurait-elle refusé de communiquer dans ce cas ?

    Bien entendu, il ne s'agit que d'une hypothèse. Mais cela amène deux constatations :

    1) La "transparence" n'est pas si transparente que cela.
    2) Dans le domaine scientifique, la presse spécialisée supplantera toujours la presse généraliste.