Une des personnalités les plus marquantes du programme Apollo, Joseph P. Gavin, qui avait conduit le développement du module lunaire par Grumman et la NASA, s'oppose au programme de l'administration Bush qui prévoit l'établissement d'une base lunaire habitée en prélude à l'exploration martienne.

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    Plan de la nouvelle vision d'exploration spatiale de la NASA. Crédit NASA.

    Plan de la nouvelle vision d'exploration spatiale de la NASA. Crédit NASA.

    Dans une lettre envoyée à la revue Aviation Week & Space Technology, Gavin affirme que ce plan est une erreur flagrante et qu'il devrait être abandonné en faveur de l'exploration martienne, en premier lieu en multipliant les missions robotisées.

    "Je suis réellement surpris de constater l'absence d'une véritable critique au sujet du projet 'Vision for Space Exploration', qui soulève presque exclusivement la question du 'comment' en éludant celle du 'pourquoi'", déclare-t-il.

    La conception du module lunaire (LM ou Lunar Module) réalisée dans les années 1960 par Grumman sert actuellement de point de départ aux ingénieurs de la NASA pour concevoir le Lunar Surface Access Module (LSAMLSAM) qui devrait permettre à des astronautes de retourner sur notre satellite naturel à l'horizon 2020, selon la nouvelle vision d'exploration spatiale admise par l'agence.

    Le LM, ou Lunar Module de la NASA. Crédit NASA.

    Le LM, ou Lunar Module de la NASA. Crédit NASA.

    "L'argument selon lequel une base lunaire serait nécessaire pour permettre à des équipages humains de s'élancer ensuite vers Mars est catégoriquement faux", exprime Gavin, fort de son expérience acquise en concevant le seul type de vaisseau spatial ayant jamais transporté des hommes vers un autre astre. Six modules lunaires ApolloApollo ont en effet déposé 12 hommes sur la Lune entre 1969 et 1972, et un a servi de chaloupe de sauvetage pour l'équipage d'Apollo 13 ayant subi de sérieuses avaries à l'aller, démontrant sa fiabilité.

    Après avoir développé le "train lunaire" pour le compte de la NASA chez Grumman, Gavin est devenu président et CEO (Chief Executive Officer) de la compagnie. Aujourd'hui retraité et largement octogénaire, il reste très actif aussi bien dans les forums de discussion que lors des réunions du MIT (Massachusetts Institute of Technology).

    "Puisque nous sommes déjà allés sur la Lune, et je revis encore les jours excitants de l'époque Apollo, je ne vois pas pour quelle raison nous devrions nous empresser d'y retourner", déclare-t-il, "alors que des études ont démontré la complexité et le coût énorme de la constructionconstruction d'une base lunaire".

    Lancement d'un CEV (Crew Exploration Vehicle), lui aussi élaboré sur le modèle d'Apollo (vue d'artiste). Crédit NASA.

    Lancement d'un CEV (Crew Exploration Vehicle), lui aussi élaboré sur le modèle d'Apollo (vue d'artiste). Crédit NASA.

    "L'acharnement à vouloir utiliser la vieille technologie d'Apollo afin de la substituer au programme de la navette ressemble plutôt à un effort désespéré pour sauvegarder les crédits de développement alloués par le Congrès. Il ressemble aussi à une invitation lancée aux Européens et d'autres afin de les inciter à avancer dans la même direction pour repousser les frontières de la technologie", martèle-t-il.

    Gavin ajoute que la première priorité de la NASA devrait être d'exploiter à fond la Station Spatiale InternationaleStation Spatiale Internationale, qui a au moins le mérite d'exister. Mais la seconde priorité, insiste-t-il, devrait être d'entreprendre une exploration robotiquerobotique plus approfondie de Mars afin de déterminer si une exploration humaine y est réellement justifiée. "Mars devient de plus en plus intéressante à mesure que nous recevons des renseignements depuis les sondes automatiques en poste là-bas", déclare Gavin, "et la question primordiale d'une vie actuelle ou passée doit être résolue en priorité", ajoute-t-il.

    D'autres commentaires

    En marge des commentaires de Gavin, les ingénieurs qui avaient permis la construction du module lunaire Apollo émettent de sérieux doutes sur l'opportunité d'un retour immédiat sur la Lune, et se demandent si le politique, ainsi que le citoyen américain, seraient prêts à soutenir à nouveau un tel effort. Ces avis ont été consignés lors d'un symposium réunissant Grumman et la NASA, organisé dans le but de définir quelles leçons le programme actuel pourrait encore tirer d'expériences réalisées voici 40 ans au moyen de matériel aujourd'hui techniquement dépassé.

    Joe Mule, un ingénieur ayant participé au programme du module lunaire, estime quant à lui qu'il faudrait au moins 15 années pour arriver à réunir une équipe d'ingénierie de même niveau et de même motivation que celle qui a envoyé les premiers équipages sur la Lune, tandis que ses anciens collègues, vétérans du programme spatial américain, ont exprimé de vives inquiétudes concernant le faible niveau actuel des élèves des États-Unis en maths et en sciences.