La famille des corps errants dans le Système solaire vient de s'agrandir en cet automne 2017 avec la découverte du premier astéroïde interstellaire, c'est-à-dire venant d'une autre étoile. Les plus dangereux viennent de chez nous, par exemple de la Ceinture principale, entre Mars et Jupiter. Les études se sont multipliées pour trouver le moyen d'éviter une collision avec la Terre. Un choc avec un impacteur massif est une solution. Mais comment réaliser le bon impact ? En 2016, des simulations numériques 3D ont commencé à résoudre cette énigme.

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    Article publié le 23 février 2016

    Il y a deux ans, la fondation B612 faisait savoir que 26 corps célestes ayant explosé dans l'atmosphèreatmosphère avaient frappé la Terre entre 2000 et 2013, libérant à chaque fois une énergie comparable à celle de la bombe d'Hiroshima. Des corps célestes de plus grandes tailles et plus dangereux existent. En effet, selon la Nasa, il y aurait dans le Système solaire environ 4.700 géocroiseurs d'un diamètre supérieur à 140 m potentiellement capables d'entrer en collision avec la Terre et, surtout, d'atteindre sa surface sans exploser en vol.

    Plusieurs programmes de recherche concernant la possibilité de dévier ces géocroiseurs, dans l'hypothèse où ils seraient détectés à temps, ont donc été lancés par des organismes comme la Nasa ou l'Esa. On peut citer notamment la mission Aida (Asteroid Impact & Deflection Assessment), développée en commun par les deux agences spatiales. Elle prévoit le lancement à destination de l'astéroïde binairebinaire (65803) Didymos de deux engins spatiaux. L'impacteurimpacteur DartDart, développé par la Nasa, s'écrasera à grande vitessevitesse sur le plus petit des deux astéroïdes (le plus grand des deux mesure environ 800 m et le plus petit 150 m) à l'horizon 2022. Quant à l'orbiteur AIM, développé par l'Esa, il doit mesurer les effets de l'impact (voir les explications complémentaires de la vidéo ci-dessus).

    Ce type de mission est réaliste car il a déjà été réalisé en partie avec la mission Deep Impact sur la comète 9P/Tempel-1. C'est une illustration de la technique dite de l'impact cinétique non nucléaire. Il ne s'agit pas de faire exploser un astéroïde avec des têtes nucléaires, ce qui n'est pas plausible et même franchement dangereux puisque des débris importants frapperaient la Terre de toute façon. Il est ici question de dévier un astéroïde de sa trajectoire savamment, avec le simple impact d'une massemasse dotée de la bonne vitesse.

    Dans ce modèle simulé sur ordinateur, l'astéroïde Golevka (environ 500 mètres de diamètre) est frappé par une masse de 10.000 kg se déplaçant à 10 kilomètres par seconde le long d'un axe principal de l'astéroïde. Les couleurs indiquent l'accumulation des dommages. Le changement de célérité de l'astéroïde dans cet exemple est d'environ 1 millimètre par seconde. © LLNL

    Dans ce modèle simulé sur ordinateur, l'astéroïde Golevka (environ 500 mètres de diamètre) est frappé par une masse de 10.000 kg se déplaçant à 10 kilomètres par seconde le long d'un axe principal de l'astéroïde. Les couleurs indiquent l'accumulation des dommages. Le changement de célérité de l'astéroïde dans cet exemple est d'environ 1 millimètre par seconde. © LLNL

    Des simulations numériques en préparation de la mission Aida

    Bien que largement plébiscité, cette technique n'est pas sans risque. L'effet d'un impacteur cinétique dépend de la structure d'un astéroïde, de sa forme et de sa rotation sur lui-même. Il ne sera pas le même selon sa composition, sa densité, s'il est poreux ou constitué d'un assemblage de cailloux faiblement liés ensemble avec du régolitherégolithe. Il faut donc prévoir ce qui peut se produire selon les différents modèles utilisés pour décrire tous les cas possibles qui puissent être rencontrés dans la nature.

    C'est ce que font des chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL), un laboratoire national du Département de l'Énergie des États-Unis, qui viennent de publier à ce sujet des résultats de leurs simulations numériquessimulations numériques dans le célèbre journal Icarus.

    Ces simulations ont été conduites en trois dimensions avec des méthodes analogues à celles dites « des éléments finis » utilisées par exemple dans l'industrie automobileautomobile pour prévoir ce qui peut se passer lors de collisions de véhicules (comment la carrosserie va se déformer et absorber les chocs notamment).

    Dans le cas d'un astéroïde, il faut pouvoir prédire comment sa constitution et sa forme vont affecter l'efficacité du transfert d'impulsion, donc le changement d'orbiteorbite précis. C'est aussi l'occasion d'évaluer le risque de fragmentation de l'astéroïde. Cette dernière accentuerait en effet la menace pesant sur la Terre.

    Les conclusions tirées de telles études devraient pouvoir être mises à l'épreuve avec la mission Aida qui tentera de dévier un astéroïde. Rappelons que, selon Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet, c'est la méthode du remorquage gravitationnel qui serait la plus sûre.