Nouvelle pièce à verser au dossier de la culture des Néandertaliens : ce sont bien eux qui ont façonné les parures et les outils trouvés dans la grotte du Renne, à Arcy-sur-Cure. La controverse, qui durait depuis des décennies, vient d’être close par une étude originale qui a pour la première fois analysé les protéines de restes humains.

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    Durant des millénaires, les 14 grottes d'Arcy-sur-Cure (Yonne) ont servi de refuge à des Hommes. Découvertes au dix-neuvième siècle et surtout explorées à partir de 1946 par André Leroy-Gourhan, elles ont livré des restes humains d'Homo sapiensHomo sapiens (nous) et d'H. neanderthalensis, des objets et aussi des peintures qui ornent deux d'entre elles et qui ont été datées de 28.000 ans. Près d'ossements de Néandertaliens, enfouis plus profondément et semblant donc plus anciens, gisaient des objets façonnés et gravés, des outils mais aussi des éléments de colliers. Leur aspect les situait au Châtelperronien, une époque caractérisée par une technique de fabrication des outils de pierre, définie par l'abbé Henri Breuil.

    Les préhistoriens ont d'abord pensé que l'Homme de Néandertal était l'artisan du Châtelperronien d'Arcy-sur-Cure mais la controverse est née immédiatement. Ce cousin ne semblait alors mentalement pas capable de fabriquer des parures, apanages de l'Homme moderne. Les ossements anciens pouvaient bien avoir été mélangés plus tard avec les objets, à cause de remaniements des sédimentssédiments, par ailleurs mal datés.

    Des outils et des éléments de parure trouvés dans la grotte du Renne, à Arcy-sur-Cure. La technique est celle du Câtelperronien, qui, à cet endroit, vient d'être associé à l'Homme de Néandertal. © Marian Vanhaeren, institut Max Planck

    Des outils et des éléments de parure trouvés dans la grotte du Renne, à Arcy-sur-Cure. La technique est celle du Câtelperronien, qui, à cet endroit, vient d'être associé à l'Homme de Néandertal. © Marian Vanhaeren, institut Max Planck

    La paléoprotéomique entre en scène

    Une équipe de l'institut Max PlanckMax Planck d'anthropologie évolutive, sous la direction de Jean-Jacques Hublin, vient d'aborder le problème avec plusieurs techniques nouvelles. Les méthodes et les résultats sont publiés dans les Pnas. Les chercheurs ont analysé 196 restes osseux et ont extrait de certains d'entre eux des fragments de protéinesprotéines (du collagènecollagène). Les datations ont indiqué des âges autour de 36.000 et 45.000 ans, ce qui met ces humains à l'époque où l'Homme de NéandertalNéandertal commençait à tirer sa révérence tandis qu'Homo sapiens prenait le dessus.

    Mieux, les chercheurs ont pu analyser les suites d'acides aminésacides aminés de ces restes de protéines et y déceler des signatures des Néandertaliens. C'est une utilisation de la « paléoprotéomique », c'est-à-dire l'étude du protéomeprotéome -- la constitution des protéines -- adaptée à la paléontologiepaléontologie. Ils ont aussi analysé l'ADN mitochondrialADN mitochondrial, maintenant assez bien connu chez Néandertal.

    Conclusions : ces restes sont bien ceux d'Hommes de Néandertal et sont contemporains de ces objets de technique châtelperronienne. Les premiers ont donc bien façonné les seconds. Rien ne dit cependant que ces nouvelles techniques de travail de la pierre, qui succèdent à celles du Moustérien (incontestablement néandertaliennes) n'ont pas été acquises après des contacts avec Homo sapiens qui s'est répandu en Europe il y a au moins 50.000 ans.

    Dans le communiqué de l’institut Max Planck, Jean-Jacques Hublin rappelle que « le processus de remplacement des populations archaïques locales par des hommes modernes d'Eurasie est encore très mal compris du fait que les auteurs de nombreux artefacts paléolithiques de cette période demeurent inconnus ». Il explique que des recherches de ce genre, qui donnent de nouveaux moyens pour analyser des restes humains inidentifiables, permettent désormais de revisiter cette période charnière de l'histoire humaine.