Des milliers d’exoplanètes ont été identifiées par les astronomes depuis octobre 1995 et l’annonce fracassante de la découverte de la première d’entre elles, 51 Pegasi b. Mais les chercheurs ignorent toujours les détails du processus de croissance des planètes géantes. De nouvelles images offertes par le télescope spatial Hubble pourraient changer la donne.


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    « Nous ne savons tout simplement pas grand-chose sur la croissance des planètes géantes », reconnaît Brendan Bowler, chercheur à l'université du Texas à Austin (États-Unis), dans un communiqué de la Nasa. « Ce système planétaire nous donne la première occasion de voir du matériel tomber sur une planète. » Ce système dont parle l'astronomeastronome, c'est celui que vient d'observer le télescope spatial Hubble. Un système dans lequel une planète de la taille de JupiterJupiter est encore en formation. Se nourrissant de la matière qui entoure sa jeune étoile hôte.

    La planète géante PDS 70 b imagée par Hubble. L'étoile-hôte, au centre, a été masquée. © Joseph DePasquale (STScI)
    La planète géante PDS 70 b imagée par Hubble. L'étoile-hôte, au centre, a été masquée. © Joseph DePasquale (STScI)

    Rappelons que parmi les plus de 4.000 exoplanètes découvertes à ce jour par les chercheurs, seulement une quinzaine ont pu être imagées directement. Apparaissant en général comme de simples points lumineux. Mais, plus de 30 ans après son lancement, les chercheurs ont trouvé une nouvelle manière d'utiliser Hubble pour obtenir des images directes des planètes en dehors de notre Système solaire.

    Les astronomes ont visé PDS 70, une étoile naine orange située à quelque 370 années-lumière de la Terre. Parce qu'elle est connue pour cacher deux exoplanètesexoplanètes en formation dans un énorme disque de poussière et de gazgaz qui l'entoure. PDS 70 b, celle observée par Hubble, n'est âgée que de cinq millions d'années. Elle est toujours en train d'accréter de la matière.

    Une image du <em>Very large telescope</em> (VLT) de l’Observatoire austral européen (ESO) prise en 2018 de la planète PDS 70 b en cours de formation. Son étoile hôte est noircie au centre de l’image et à sa droite, un point représentant l’exoplanète géante. © ESO, VLT, André B. Müller
    Une image du Very large telescope (VLT) de l’Observatoire austral européen (ESO) prise en 2018 de la planète PDS 70 b en cours de formation. Son étoile hôte est noircie au centre de l’image et à sa droite, un point représentant l’exoplanète géante. © ESO, VLT, André B. Müller

    Une exoplanète qui grossit moins vite aujourd’hui

    Grâce à des observations dans le domaine des ultravioletsultraviolets et à un soigneux nettoyage de la lumière émise par PDS 70, le télescope spatial Hubble a offert aux chercheurs des images uniques du rayonnement des gaz chauds qui tombent sur la planète géanteplanète géante. De quoi même estimer la vitessevitesse à laquelle cette dernière grossit. Les astronomes affirment que l'exoplanète a déjà accumulé cinq fois la massemasse de Jupiter. Mais son taux d'accrétionaccrétion a diminué. S'il restait ce qu'il est aujourd'hui pendant encore un million d'années, elle ne grossirait plus que d'environ un centième de la masse de Jupiter.

    Même si les données indiquent que la planète géante en est à la fin de son processus de formation, elles n'en restent pas moins des mesures instantanées. Il en faudrait d'autres aux chercheurs pour savoir réellement comment ce taux d'accrétion évolue actuellement dans le temps.

    Selon les astronomes, l'exoplanète PDS 70 b est entourée d'un disque circumplanétaire qui siphonne le disque beaucoup plus grand qui entoure son étoile hôte. Des lignes de champ magnétiquechamp magnétique qui s'étendent de son propre disque de gaz et de poussière jusqu'à son atmosphèreatmosphère acheminent de la matière jusqu'à la surface de la planète. Provoquant des points que les chercheurs semblent avoir observés sur les images de Hubble comme particulièrement brillants.


    Alma débusque des planètes géantes en formation

    Grâce à l'observatoire Alma, au Chili, des astronomes ont trouvé, au sein des disques de gaz et de poussière qui entourent quatre jeunes étoiles, d'indiscutables preuves de la récente formation de planètes dont les masses excèdent plusieurs fois celle de Jupiter. Des mesures effectuées sur le gaz qui les environne ont par ailleurs permis de mieux cerner leurs propriétés.

    Article de l'ESOESO paru le 06/01/2016

    Illustration d’une planète géante autour d’une jeune étoile. Pour les chercheurs, dans les quatre cas observés, elles ont nettoyé le gaz à mesure qu’elles décrivaient leurs orbites autour de l’étoile centrale et piégé les particules de poussière en périphérie. © Alma, Eso, NAOJ, NRAO, M. Kornmesser
    Illustration d’une planète géante autour d’une jeune étoile. Pour les chercheurs, dans les quatre cas observés, elles ont nettoyé le gaz à mesure qu’elles décrivaient leurs orbites autour de l’étoile centrale et piégé les particules de poussière en périphérie. © Alma, Eso, NAOJ, NRAO, M. Kornmesser

    Autour de chaque étoile ou presque gravitent plusieurs planètes. Toutefois, les conditions de leur formation demeurent aujourd'hui encore partiellement incomprises. Afin de lever ce voile de mystère, les astronomes étudient les disques de gaz et de poussière en rotation autour de jeunes étoiles où des planètes se forment. Ainsi, la puissance d'Alma, le grand réseau (sub-)millimétrique de l'Atacama, au Chili, leur a permis de s'affranchir de la petitesse de ces disques ainsi que de leur distance avec la Terre.

    Les disques transitoires sont un type particulier caractérisé par une absence de poussière en leur centre, là où se situe l'étoile hôte. Ce vide résulterait de l'un des scénarios suivants : soit de puissants ventsvents stellaires ainsi qu'un intense rayonnement ont balayé ou détruit cette matière (un processus nommé photo-évaporation), soit cette matière a été expulsée par de jeunes planètes massives en formation alors qu'elles gravitaient autour de leur étoile.

    L'incomparable sensibilité d'Alma et la netteté des images obtenues ont tout récemment permis à une équipe conduite par Nienke van der Marel, de l'observatoire de Leiden, aux Pays-Bas, de cartographier, avec un degré de précision inédit, la distribution de gaz et de poussière au sein des quatre disques transitoires SR 21, HD 135344B (ou SAO 206462), DoAr 44 et Oph IRS 48. Les résultats obtenus, publiés dans Astronomy & Astrophysics, leur ont permis de privilégier une des deux pistes envisagées.

    Trous de poussières et cavités de gaz

    Les images nouvellement acquises montrent l'existence de quantités significatives de gaz (principalement de l'hydrogènehydrogène) au sein des trous de poussière. À la surprise des chercheurs, il est apparu que le gaz présentait lui aussi une cavité centrale, de dimension jusqu'à trois fois inférieure à celle du trou de poussière.

    Pour eux, cette observation trouve une seule et unique explication : les planètes massives nouvellement formées ont nettoyé le gaz à mesure qu'elles ont décrit leurs orbitesorbites autour de l'étoile centrale et piégé les particules de poussière en périphérie (voir aussi à ce sujet « Oph-IRS 48 et son vortex générateur de planètes, selon Pierre Barge »).


    Grâce à Alma, des astronomes ont découvert de notables différences entre les cavités du gaz et les trous de poussière au sein des disques environnant quatre jeunes étoiles. Ces nouvelles observations constituent d’indéniables preuves de la formation récente de planètes dotées de plusieurs masses joviennes au sein de ces disques. © Alma, Eso, NAOJ, NRAO, M. Kornmesser

    « De précédentes observations suggéraient déjà la présence de gaz au sein des trous de poussière, indique Nienke van der Marel. Alma étant capable de cartographier la matière sur la totalité du disque avec une résolutionrésolution nettement supérieure à celle de tout autre instrument, nous avons été en mesure d'exclure l'autre scénario envisagé jusqu'à présent. Une cavité aussi profonde plaide nettement en faveur de l'existence de planètes dotées de masses de l'ordre de plusieurs fois celle de Jupiter et résulte de leur balayage du disque. »

    Il est intéressant de noter que ces observations ont été effectuées alors que le réseau d'antennes était encore en constructionconstruction sur le plateau Chajnantor au Chili. Il n'était doté alors que de 10 % de son pouvoir de résolution actuel.

    Un mécanisme universel ?

    De nouvelles études, appliquées à d'autres disques transitoires, permettront peut-être d'établir l'universalité de ce scénario de défrichage planétaire. D'ici là, les observations d'Alma auront fourni aux astronomes de précieux renseignements concernant le processus complexe de formation planétaire.

    « L'ensemble des disques transitoires étudiés à ce jour et qui présentent de vastes trous de poussière sont également caractérisés par des cavités de gaz. Grâce à Alma, nous pouvons à présent déterminer le lieu ainsi que l'époque de formation de ces planètes géantes au sein de ces disques, puis comparer les résultats obtenus aux modèles de formation planétaire, déclare Ewine van Dishoek, de l'université de Leiden, aux Pays-Bas, et de l'institut Max PlanckMax Planck dédié à la PhysiquePhysique extraterrestre, à Garching, en Allemagne. La détection directe de planètes est à la portée des instruments actuels et la prochaine génération de télescopes actuellement en cours de construction, tel l'E-ELT, le télescope géanttélescope géant européen, nous permettra de repousser ces limites. Alma permet de cibler les observations à venir. »