L’avion solaire Solar Impulse vient d’entamer, ce vendredi 3 mai, sa série de vols qui lui feront traverser les États-Unis d’ouest en est. L’équipe de Bertrand Piccard travaille toujours sur son projet de tour du monde aérien, à réaliser sans aucune autre source d’énergie que le soleil.

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    Bertrand Piccard dans le HB-SIA, le 6 juillet 2012, juste avant le décollage de Rabat pour le voyage de retour vers Madrid. © Jean Revillard, Solar Impulse

    Bertrand Piccard dans le HB-SIA, le 6 juillet 2012, juste avant le décollage de Rabat pour le voyage de retour vers Madrid. © Jean Revillard, Solar Impulse

    À 6 h 12 ce matin en heure locale, soit 14 h 12 en heure française, l'avion solaire géant de Solar Impulse a décollé de San Francisco, en Californie, sur la côte Pacifique, pour rejoindre PhoenixPhoenix, en Arizona. Bertrand Piccard était aux commandes pour ce décollage de la base aérienne Moffett à Mountain View. La distance à parcourir est d'environ un millier de kilomètres. Mais ce n'est que la première étape.

    L'équipe suisse de Solar ImpulseSolar Impulse, menée par Bertrand PiccardBertrand Piccard et André Borschberg, entend effectuer la traversée complète des États-Unis, d'est en ouest. Après Phoenix, les escales prévues sont Dallas (Texas), Saint-Louis (Missouri), Washington DC et enfin New York. Il faudra donc cinq vols pour traverser le continent nord-américain, ce qui nous ramène de nombreuses décennies en arrière. En septembre 1922, le lieutenant James Harold Doolittle (dit Jimmy Doolittle) effectuait la première traversée des États-Unis sur un De Havilland DH-4, un biplan monomoteur, en 21 heures et 19 minutes, depuis Jacksonville Beach en Floride, jusqu'à San Diego à l'ouest du pays.

    Le HB-SIA, l'avion solaire de Solar Impulse, ce 3 mai 2013, alors qu'il vient de décoller de San Francisco. Il était un peu plus 6 h 15 en heure locale. L'appareil mesure 63,4 m d'envergure et ses ailes, ainsi que la partie horizontale de l'empennage arrière, sont recouvertes de 11.628 cellules photovoltaïques. L'engin est autonome : durant le vol au soleil, il recharge ses batteries et peut donc continuer à voler de nuit. Pendant la saison d'été, il pourrait ainsi voler sans jamais se poser. © Solar Impulse

    Le HB-SIA, l'avion solaire de Solar Impulse, ce 3 mai 2013, alors qu'il vient de décoller de San Francisco. Il était un peu plus 6 h 15 en heure locale. L'appareil mesure 63,4 m d'envergure et ses ailes, ainsi que la partie horizontale de l'empennage arrière, sont recouvertes de 11.628 cellules photovoltaïques. L'engin est autonome : durant le vol au soleil, il recharge ses batteries et peut donc continuer à voler de nuit. Pendant la saison d'été, il pourrait ainsi voler sans jamais se poser. © Solar Impulse

    Quarante chevaux pour un avion aussi large qu'un Airbus A340

    Mais le HB-SIA, un avion à quatre moteurs électriques et à énergie solaire, est d'une conception radicalement nouvelle. « Il a fallu à peu près tout réinventer », nous expliquait en substance André Borschberg. L'avion, malgré ses 63,4 m d'envergure, ne pèse que 1.600 kgkg et ne dispose que d'une puissance très faible. Ses moteurs n'atteignent que 10 ch (chevaux) chacun, alors qu'en comparaison, le DH-4 de Jimmy Doolittle a bénéficié de différents moteurs dont le plus puissant apportait 375 ch... 

    « Nous avons fait ce qu'il ne faut jamais faire en aviation : concevoir en même temps un nouvel avion et un nouveau mode de propulsion. », précisait André Borschberg. Pourtant, l'équipe suisse a réussi ce pari avec son premier appareil, le HB-SIA. Les 11.628 cellules photovoltaïques, occupant 200 m2 répartis sur les ailes et le plan horizontal arrière, suffisent pour faire décoller l'avion à 35 km/h et le maintenir à une vitesse moyenne de 70 km/h.

    Sa mise au point, progressive, fut méticuleuse. Alors que le projet a été initié en 2003, l'avion a volé pour la première fois en avril 2010. Il a effectué son premier vol de nuit en juillet 2010 avec l'assistance de ses batteries, alors qu'elles avaient été chargées en vol, de jour, avant le coucher du soleil. Par beau temps, la recharge est en effet plus élevée que la consommation des moteurs en régime de croisière. « Sur cet avion, on peut dire "Je vais voler pour faire le plein". », aime à dire André Borschberg.

    Bertrand Piccard aux commandes du HB-SIA, ce 3 mai 2013, un peu plus de deux heures après le décollage de l’aérodrome Moffett Airfield à Mountain View, non loin de San Francisco. L'avion a commencé par s'éloigner vers l'ouest pour cercler et prendre de l'altitude, afin d'atteindre les 5.000 pieds (environ 1.500 m) demandés par les contrôleurs. Il est à ce moment à 4.300 pieds par rapport au niveau de la mer (cadran de droite) et vole à 25 nœuds par rapport à l'air (soit 46 km/h, cadran de gauche). La vitesse par rapport au sol est de 33 nœuds (61 km/h), et le vent d'ouest va l'aider pour la suite. On voit que les moteurs sont à 59 % de leur puissance maximale et les batteries chargées à 79 %. © Solar Impulse

    Bertrand Piccard aux commandes du HB-SIA, ce 3 mai 2013, un peu plus de deux heures après le décollage de l’aérodrome Moffett Airfield à Mountain View, non loin de San Francisco. L'avion a commencé par s'éloigner vers l'ouest pour cercler et prendre de l'altitude, afin d'atteindre les 5.000 pieds (environ 1.500 m) demandés par les contrôleurs. Il est à ce moment à 4.300 pieds par rapport au niveau de la mer (cadran de droite) et vole à 25 nœuds par rapport à l'air (soit 46 km/h, cadran de gauche). La vitesse par rapport au sol est de 33 nœuds (61 km/h), et le vent d'ouest va l'aider pour la suite. On voit que les moteurs sont à 59 % de leur puissance maximale et les batteries chargées à 79 %. © Solar Impulse

    Du tour de Suisse au tour de la planète

    Les premiers vols de Solar Impulse ont été concluants et, la même année, il s'offrait un tour de Suisse. En 2011, il a volé jusqu'à Bruxelles en revenant par Le Bourget, près de Paris, pour le salon aéronautique. En 2012, l'avion solaire HB-SIA a atteint Ouarzazate, au Maroc.

    En Suisse, l'équipe de Solar Impulse travaille toujours sur l'appareil définitif, le HB-SIB, plus grand et qui, un jour, s'élancera pour un tour du monde. Après la casse d'un longeron d'aile pendant un essai de résistancerésistance en juillet 2012, de nombreux calculs sont à refaire. Ce qui prouve au passage que l'engin flirte vraiment avec les limites des composants, auxquels il est demandé d'être à la fois légers et solides. Cette traversée des États-Unis est là aussi pour rappeler que le projet est toujours vivant et que l'énergie solaire peut suffire à propulser un avion, certes particulier, mais fonctionnel.

    Comme le confiait Bertrand Piccard à Futura-Sciences, il ne s'agit pas d'imaginer l'avion de l'avenir mais « de démontrer que l'énergie solaire peut servir à de multiples applicationsapplications auxquelles on n'a pas encore l'habitude de penser ».