Alors qu’il survolait l’Espagne peu après son départ de Madrid à bord de l’avion solaire HB-SIA, Bertrand Piccard a pris le micro pour faire avec Futura-Sciences un bilan de ce premier vol intercontinental entre la Suisse et le Maroc. « Nous avons rencontré des conditions météorologiques plus difficiles que prévu », nous explique-t-il.

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    Ce matin à 5 h 33 (heure française et espagnole), l'avion de Solar Impulse a décollé de l'aéroport de Madrid-Barajas pour le vol de retour vers Payerne, en Suisse. Comme nous l'indiquions hier, Bertrand Piccard se posera ce soir à Toulouse et en repartira dès demain matin. Le vol devrait partir vers le nord, et même s'approcher de Bordeaux, pour aller en haute altitude accrocher des vents assez forts et dirigés vers l'est, emportant vers la Suisse le lent aéronef (qui vole à 70 km/h par rapport à l'air).

    Le périple marocain, commencé le 23 mai dernier, avait pour objectif Ouarzazate où se prépare un projet de centrale thermosolaire de 500 MW (une première mondiale), a fait parcourir jusqu'à présent 6.000 km à l'avion HB-SIA, prototype chargé de valider les choix techniques du modèle suivant, le HB-SIB, actuellement en constructionconstruction à Payerne et qui doit servir au tour du monde toujours prévu en 2014. Après de nombreuses navigations en Suisse, un vol de nuit, un parcours international jusqu'à Bruxelles et Le Bourget, l'avion a largement démontré ses capacités. Ce long voyage en Afrique était une dernière répétition, avec des difficultés particulières : longs trajets et traversées montagneuses des Pyrénées et de l'Atlas. Ce sera le dernier grand vol du HB-SIA.

    Bertrand PiccardBertrand Piccard, quelques heures après le décollage, s'est entretenu avec Futura-Sciences, acceptant de répondre à quelques questions entre deux conversations avec les contrôleurs aériens. Pour ce vol de retour, le cofondateur de Solar ImpulseSolar Impulse, avec André Borschberg, s'est dit « plus relax » qu'à l'aller. Sans le stressstress de l'inconnu et de l'impératif d'arriver à des horaires prévus, le pilote a pu « admirer un magnifique lever de soleil » après son départ très matinal de Barajas.

    Une vue de la salle de contrôle de Solar Impulse, à Payerne, diffusée sur le site Web. En médaillon, Bertrand Piccard, en train de respirer de l'oxygène. L'avion solaire HB-SIA vole, ce mardi 17 juillet au matin, à un peu moins de 4.000 m d'altitude et le pilote s'offre régulièrement un petit quart d'heure d'oxygénation. En attendant l'interview... © Solar Impulse

    Une vue de la salle de contrôle de Solar Impulse, à Payerne, diffusée sur le site Web. En médaillon, Bertrand Piccard, en train de respirer de l'oxygène. L'avion solaire HB-SIA vole, ce mardi 17 juillet au matin, à un peu moins de 4.000 m d'altitude et le pilote s'offre régulièrement un petit quart d'heure d'oxygénation. En attendant l'interview... © Solar Impulse

    « Les technologies permettant de réduire nos dépenses énergétiques existent »

    Futura-Sciences : Quels enseignements tirez-vous de ces vols entre la Suisse et le Maroc ? Avez-vous eu des surprises ?

    Bertrand Piccard : Nous avons rencontré des conditions météorologiques plus difficiles que nous le pensions. Par exemple, avant Ouarzazate, nous avons subi des ventsvents très forts et des thermiques puissants. Vers Madrid, les vents étaient si forts que par moment l'avion reculait par rapport au sol. Malgré ces conditions difficiles, tout s'est bien passé. Nous avons énormément appris sur la stratégie à adopter pour tenir compte des vents et, par exemple, monter suffisamment haut pour les éviter. C'est très positif ! Et l'équipe Solar Impulse a prouvé son efficacité, sa flexibilité, pour toutes les opérations au sol, à l'atterrissage, au décollage...

    Quels seront les prochains vols ?

    Bertrand Piccard : Les vols avec le HB-SIA sont terminés. Nous nous concentrons sur le HB-SIB, qui est en construction. Nous avons eu un problème récent, avec un longeron qui a cassé lors d'un test mais les travaux avancent bien. Et nous avons de nombreuses invitations...

    Que devons-nous retenir de ce grand voyage et des vols de ce prototype ?

    Bertrand Piccard : Qu'avec les énergies renouvelables, on peut réaliser des choses que l'on croyait jusque-là impossibles ! Avec ce vol de 6.000 km, nous voulons créer une « émotion positive ». Les technologies qui visent à réduire les consommations d'énergie sont aujourd'hui perçues comme une limite. Elles donnent au contraire beaucoup de possibilités.

    Pensez-vous qu’une telle expérience puisse contribuer à soutenir des développements techniques ?

    Bertrand Piccard : Les scientifiques n'ont pas besoin de nous ! Les technologies permettant de réduire nos dépenses énergétiques existent mais elles restent trop souvent dans les laboratoires. Il faut encourager le cadre légal pour les développer. Il faut inciter les gouvernements à aller dans ce sens...