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    À l'heure de la rédaction de ce dossier, il n'existerait qu'un seul patient qui serait guéri du SidaSida. Il s'appelle Timothy Brown, il est américain et on le surnomme « le patient de Berlin », car il a été soigné dans un hôpital de la capitale allemande. Il a bénéficié d'une thérapiethérapie particulière qui, malheureusement, ne peut pas être reproduite à grande échelle. En revanche, bientôt, de nouvelles personnes pourraient le rejoindre...

    Comme évoqué dans les pages précédentes de ce dossier, le VIHVIH peut être sous contrôle grâce aux trithérapies antirétrovirales ou chez les contrôleurs naturels. Les médias relatent (avec raison) ces cas de guérison fonctionnelle, qui interviennent chez des patients ayant bénéficié très rapidement après l'infection des traitements contre le virus du Sida. Ces personnes, comme les contrôleurs naturels, n'ont alors plus besoin de prendre des médicaments à vie et peuvent en théorie mener une existence normale.

    Malgré tout, on ne parle de guérison dans aucun de ces cas, mais l'on emploie le terme de rémissionrémission. Car le VIH est toujours présent, bien qu'à des doses si infimes qu'il ne peut plus infecter. En revanche, il existerait bel et bien un cas de guérisonguérison, bien qu'il faille rester prudent. Il concerne un Américain, Timothy Brown.

    Timothy Brown, s'il a effectivement guéri du Sida, aurait profité d'une greffe de moelle osseuse (dont on voit l'extraction à l'image), région du corps où naissent les cellules immunitaires. En disposant d'une moelle osseuse issue d'un donneur naturellement hautement résistant contre le VIH, son organisme aurait pu exterminer le virus. © Chad McNeeley, <em>US Navy</em>, Wikipédia, DP

    Timothy Brown, s'il a effectivement guéri du Sida, aurait profité d'une greffe de moelle osseuse (dont on voit l'extraction à l'image), région du corps où naissent les cellules immunitaires. En disposant d'une moelle osseuse issue d'un donneur naturellement hautement résistant contre le VIH, son organisme aurait pu exterminer le virus. © Chad McNeeley, US Navy, Wikipédia, DP

    Le cas particulier de Timothy Brown

    C'est en 1995 que Timothy Brown, alors étudiant à Berlin, découvre sa séropositivitéséropositivité au VIH. À l'époque, c'est le signe d'une mort inéluctable dans les années à venir. Pourtant, grâce aux thérapies, son état semble se maintenir. Mais un second drame le frappe en 2006. Amateur de cyclisme, il n'arrive plus à pédaler : sa fatigue chronique est due à une leucémie. Voilà pour l'Américain (toujours exilé en Allemagne) une nouvelle cause possible de mort prématurée. Pourtant, c'est ce cancer du sangcancer du sang qui le sauvera.

    La chimiothérapiechimiothérapie est insuffisante et interfère avec sa trithérapietrithérapie, qu'il est obligé d'arrêter. Sa seule chance de salut passe par une double greffe de moelle osseuse, technique risquée, mais qui fonctionne bien quand l'opération réussit. Il rencontre alors l'hématologue Gero Hütter, de l'université d'Heidelberg. Le médecin a l'idée de lui transplanter de la moelle osseusemoelle osseuse issue d'un donneur naturellement hautement résistant au VIH, porteur de la mutation deltadelta 32. Celle-ci aboutit à l'inefficacité du gènegène codant pour le récepteur CCR5, essentiel à l'infestationinfestation de la cellule hôte par le VIH. Personne n'avait jamais testé cette idée auparavant.

    Les deux opérations, qui peuvent s'avérer mortelles, sont dans ce cas un succès. Timothy Brown ne repend pas sa trithérapie antivirale. Pourtant, 20 mois plus tard, sa virémievirémie est toujours indétectable, signe que l'infection est sous contrôle, comme les patients sous antirétroviraux ou les contrôleurs naturels. Dans ces cas de figure, le virus peut malgré tout être traqué dans le tissu conjonctif de l'intestin : la lamina propria. Là, 159 jours après la greffegreffe, les chercheurs notent que les cellules du donneur sont toujours présentes, et surtout ne repèrent aucune trace du VIH. Leurs résultats sont donc présentés en 2009 dans le New England Journal of Medicine.

    Alors, guéri ? L'homme et le médecin le clament. Une nouvelle étude publiée dans la revue Blood un an plus tard confirme le diagnosticdiagnostic, et ose pour la première fois le mot de guérison. Pourtant, certains membres de la communauté scientifique restent plus mesurés et surtout plus sceptiques. En 2012, des chercheurs californiens travaillant sur un échantillon du patient déclarent avoir trouvé quelques traces minuscules du VIH. Pour Timothy Brown, ces observations n'ont permis de constater que des restes de l'infection, mais ne sont aucunement le signe d'une rechuterechute. Que croire ? L'avenir nous le dira.

    La greffe de moelle osseuse, une thérapie contre le Sida ?

    Malheureusement, si le succès se confirme, cette technique ne peut être appliquée à grande échelle. D'une part, les donneurs potentiels sont numériquement en sous-effectifs par rapport aux personnes séropositives. D'autre part, comme précisé, l'opération est très risquée et n'est pratiquée que pour les personnes en grand danger de mort imminente. Ce traitement ne peut être réservé qu'à quelques patients dans des situations très particulières.

    La technique a d'ailleurs de nouveau été pratiquée, dans des cas de figure assez similaires. Deux patients américains ont bénéficié d'une greffe de moelle osseuse contre leur lymphomelymphome, un autre cancer du sang. Cette fois, pas de donneur naturellement protégé contre le VIH. Pourtant, plusieurs années après les faits, le virus du Sida reste indétectable. Seules des études ultérieures sont susceptibles de confirmer la rémission, voire la guérison.