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    Clonage thérapeutique : l'éthique s'invite dans le débat

    Clonage thérapeutique : l'éthique s'invite dans le débat

    La conjonction d'un contexte scientifique incertain, du caractère éthiquement sensible de l'embryonembryon humain et des objectifs sans doute prometteurs de la technique, explique l'importance des controverses suscitées par l'idée du « clonageclonage thérapeutique ».

    Du clonage animal au clonage thérapeutique humain, quelle est la limité éthique ? © DR

    Du clonage animal au clonage thérapeutique humain, quelle est la limité éthique ? © DR

    Qu'il s'agisse des difficultés techniques, des doutes quant au réalisme de l'approche, de l'utilisation à des fins non procréatives de quantité d'ovulesovules, du risque de faciliter - et ainsi de hâter - le passage au clonage reproductif, ou bien du principe même d'utiliser l'embryon humain comme source de cellules, les objections ne manquent pas. Pour embrasser le débat, il faut revenir à ses sources.

    La loi anglaise de 1990 autorise la création d'embryons humains pour la recherche, dans le domaine de la stérilité et des maladies génétiquesmaladies génétiques, à condition de les détruire avant le quatorzième jour. En 1998, les perspectives d'une utilisation thérapeutique des cellules souches embryonnairescellules souches embryonnaires humaines conduisent le législateur britannique à étendre le champ d'application de cette loi, en ajoutant aux recherches sur la stérilité et les maladies génétiques, celles consacrées aux cellules souches embryonnaires - notamment dans la perspective de leur usage médical.

    Clonage d'embryon : la question de la méthode

    Cependant, avec la naissance de Dolly, se pose la question de la méthode de production des embryons destinés à cette recherche. Faut-il y inclure la technique du transfert de noyaux utilisée dans les opérations de clonage animal ?

    Afin de différencier la pratique destinée à produire des cellules souches embryonnaires à partir d'un embryon cloné, de la reproduction asexuée des mammifèresmammifères (comme Dolly), les biologistes britanniques opposèrent pour la première fois le clonage reproductif au clonage dit « thérapeutique », faisant ainsi preuve d'une réelle créativité sémantique.

    Au bout du compte, au terme d'un long débat, le législateur anglais choisit en 2002 d'étendre le champ des recherches autorisées par sa loi de 1990, sans référence aux modalités de production de l'embryon. Qui ne dit mot consent. La loi anglaise autorise donc, à condition de les détruire avant quatorze jours, la production d'embryons par transfert de noyau, à des fins de recherche sur les maladies génétiques, la stérilité et, surtout l'isolement et la caractérisation des cellules souches. Les autorisations sont données au cas par cas par l'Autorité britannique de la fécondationfécondation et de l'embryologie humaines (HFEA). Après l'adoption de la loi révisée en 2002, le premier feu vert sera signifié en août 2004, au profit d'une équipe de Newcastle travaillant sur le diabètediabète. Une seconde autorisation a été accordée au début de l'année 2005 au père de Dolly, Ian Willmut, pour travailler sur les maladies neurodégénérativesmaladies neurodégénératives.

    Aux États-Unis, la fameuse annonce du premier clonage d'embryons humains par la firme ACT, Advanced Cell Technology, fit l'effet d'une bombe. Georges W. Bush, dès le 26 novembre 2001, exhorte le Congrès à prohiber toute forme de clonage humain, qu'il soit reproductif ou thérapeutique, en ce qu'ils nécessitaient l'un comme l'autre la fabrication de novo d'embryons.

    Clonage thérapeutique et enjeux politiques

    Outre-Atlantique comme ailleurs, cette perspective heurte la morale religieuse. De nombreux croyants américains, dont les porteporte-parole des évêques catholiques du pays, estiment que les embryons humains doivent être protégés en tant que personnes humaines, et qu'ils ne peuvent par conséquent être utilisés pour la génération de cellules souches ou pour quelque recherche que ce soit.

    Quelques mois avant l'appel du président américain, la Chambre des représentants avait déjà adopté (le 31 juillet 2001), par 263 voix contre 162, un texte de loi interdisant toute forme de clonage humain. Le Human Cloning Prohibition Act of 2001 bannit tout type de recherche sur la question, qu'il soit mené dans le public ou dans le privé. Il interdit aussi toute importation d'embryon humain produit par clonage, ainsi que tout produit issu de tels embryons. Ce projet de loi punit les contrevenants de 10 ans de prison et d'une amende de 1 million de dollars. Cependant, pour être adopté, le texte doit aussi être ratifié par le Sénat !

    L'assimilation du clonage thérapeutique au clonage reproductif ne peut, bien entendu, convenir à la firme ACT, pas plus qu'au reste de l'industrie des biotechnologiesbiotechnologies, et même à l'immense majorité de la communauté scientifique américaine. Aussi, un intense lobbying s'est fait jour aux États-Unis pour tenter d'infléchir l'intransigeante position de la Présidence et de la Chambre des représentants, et permettre de laisser la porte ouverte au « transfert de noyau somatiquesomatique à des fins thérapeutiques ». ACT exhorte les visiteurs de son site InternetInternet à « écrire, vous, votre famille et vous amis, aux députés et sénateurs, mais aussi au Président des Etats-Unis, pour leur faire part de votre soutien aux cellules souches embryonnaires et à la technique qui permet de les obtenir par clonage ».

    Il faut dire que, depuis 2002, la bataille fait ragerage dans les rangs du Sénat américain : deux fronts s'opposent, l'un hostile à toute ouverture en faveur du « clonage thérapeutique » ; l'autre, au contraire, s'échinant à éviter toute mesure négative trop contraignante en la matière.

    L'élue californienne Dianne Feinstein mène l'offensive en faveur du clonage thérapeutique, contre les partisans du sénateur Sam Brownback. Ces derniers ont présenté un projet qui prohiberait toute technologie de clonage impliquant des embryons humains, dans la continuité du texte voté en 2001 par la Chambre des représentants.

    Le débat est devenu, l'espace de quelques mois, l'un des enjeux de la campagne présidentielle opposant John Kerry à Georges W. Bush. Le personnel politique dans son ensemble s'oppose au clonage reproductif.

    Les républicains de G.W. Bush, du moins dans leur majorité, s'érigent en porte-parole des Églises afin de s'opposer à toute recherche sur les embryons, qu'ils soient surnuméraires, produits par fécondation ou par transfert de noyau. Cependant, cette position n'est pas unanime et, autour de Nancy Reagan et de Christopher Reeves, certains républicains directement concernés militent en faveur du maintien de la liberté de la recherche en ce domaine. C'est aussi la position d'Arnold Schwarzenegger, le gouverneur de Californie.

    Au contraire, l'immense majorité du camp démocrate comme John Kerry, son ancien candidat à la présidence, se prononce en faveur de la levée des obstacles à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. La question spécifique de la création d'embryons par clonage est plus ambiguë et d'évidence non consensuelle. Quoiqu'il en soit, aucune loi définitive n'a encore été votée aux États-Unis (voir la mise à jour en dernière page).

    Le clonage thérapeutique et la Communauté européenne

    Dans la communauté scientifique européenne existent aussi de nombreuses interrogations, et parfois oppositions. Une évaluation sérieuse du concept même de clonage thérapeutique est menée depuis quatre ou cinq ans, afin d'estimer les perspectives médicales réelles de cette technique.

    La Commission européenne a tout d'abord demandé son avis au Groupe européen d'éthique, alors présidé par Noëlle Lenoir. Le rapporteur de cette saisine n'est autre que la célèbre embryologiste Anne McLaren, membre de l'Autorité britannique de la fertilité et de l'embryologie humaines, chargée de contrôler la recherche sur l'embryon outre-Manche. Or le Groupe européen pour l'éthique conclut que les perspectives du clonage thérapeutique semblaient tellement incertaines quelles ne justifient pas que l'Union européenne soutienne de telles recherches.

    L'opinion d'Anne McLaren est résumée dans la conclusion d'un récent ouvrage consacré au clonage : « Le clonage thérapeutique pourrait contribuer au traitement par cellules souches des maladies dégénératives, car l'utilisation des propres noyaux cellulaires somatiques du patient pour faire les cellules souches éviterait quasi certainement le rejet de la grefferejet de la greffe. Cependant, les problèmes éthiques liés à l'obtention des ovocytesovocytes humains et le coût en main d'œuvre de ce type de traitement adapté au patient, rendraient assurément cette perspective chimériquechimérique. D'autres méthodes permettant d'éviter ou de minimiser des rejets de greffe font l'objet de recherches approfondies ».

    En décembre 2001, une conférence internationale est organisée à Bruxelles par le Groupe des experts en sciences de la vie auprès de la Direction de la recherche de la Commission européenne. Près de 600 personnes, pour la plupart de grands spécialistes internationaux du domaine, discutent de cette question pendant deux jours. Au terme de cette réunion, une déclaration est publiée reprenant, en d'autres termes, les conclusions d'Anne McLaren : « Le clonage thérapeutique n'est pas encore devenu réalité et semble présenter des difficultés considérables d'ordre scientifique autant qu'éthique. C'est pourquoi des stratégies supplémentaires visant à vaincre les rejets immunitaires doivent être encouragées avec énergieénergie ».

    Le clonage thérapeutique dans la presse

    Cette analyse selon laquelle la méthode semble bien irréaliste, est depuis largement admise dans les colloques internationaux au cours desquels médecins et scientifiques confrontent leur point de vue. La plupart des éditoriaux consacrés à ce problème, dans la presse internationale, relaient cette position.

    Par exemple, dans l'éditorial daté du 16 mars 2002 de la revue britannique New Scientist, on peut lire que « la thérapiethérapie par cellules souches ne sera jamais une position pratique si elle requiert de cloner des embryons chaque fois qu'un malade a besoin d'être soigné ».

    En outre, dans la revue Nature Biotechnology l'Australien Alan Trounson, biologiste du développement et ancien directeur du Centre national australien sur les cellules souches, indique que « le transfert nucléaire de noyaux somatiques dans des ovocytes est extrêmement dispendieux en terme de nombre d'ovocytes humains requis pour produire des lignées de cellules souches embryonnaires humaines et, dans l'état actuel des connaissances, ne pourra probablement pas être mis en œuvre ».

    La recherche sur les cellules souches embryonnaires pose des questions délicates, entre possibilités thérapeutiques et éthique de l'humain. © DR

    La recherche sur les cellules souches embryonnaires pose des questions délicates, entre possibilités thérapeutiques et éthique de l'humain. © DR

    Par ailleurs, la grande embryologiste canadienne Janet Rossant enfonce le clou : « À moins d'une révolution technologique dans les méthodes utilisées pour reprogrammer des noyaux adultes, toutes les discussions concernant le clonage thérapeutique se ramènent à peu de chose. Dans la plus importante analyse portant sur la souris à cette date, le rendement d'obtention de lignées de cellules souches embryonnaires à partir d'embryons clonés atteints tout juste 3,4 %. Cela ne serait pas acceptable chez les êtres humains où les œufs ne sont pas aisément disponibles. La reprogrammation de cellules adultes directement, sans passer par des ovocytes, est une alternative autrement plus viable ».

    L'analyse que nous avons faite des résultats publiés en février 2004 par l'équipe coréenne confirme éloquemment les discours et prévisions dont nous venons de nous faire l'écho , et qui sont repris en des termes très proches des nôtres dans un éditorial de la revue Nature en août 20043.

    Ces citations, que nous aurions pu multiplier, rappellent l'évidence. Une méthode thérapeutique qui exigerait, pour chaque malade, de disposer de dizaines, peut-être de centaines d'ovocytes humains afin d'obtenir quelques embryons clonés, puis d'en prélever des cellules, de les multiplier, de leur commander de se transformer en la population cellulaire dont on attend un effet thérapeutique, de vérifier que ces cellules peuvent assurer une fonction thérapeutique sans être cancérigènes, apparaît être une entreprise tellement démesurée, si dispendieuse en ovocytes, si longue et si coûteuse, qu'elle ne constituera sans doute jamais une méthode thérapeutique crédible pour un nombre significatif de malades.

    Des cellules embryonnaires clonées pour soigner

    Pour autant, des essais en petit nombre, à visée plus expérimentale que médicale, pourraient s'avérer riches en enseignements. De plus, et peut-être surtout, la mise en culture de cellules souches embryonnaires dérivées de tissus pathologiquespathologiques divers se révélerait sans doute d'un grand intérêt scientifique pour étudier de nombreuses maladies.

    À partir de prélèvements biologiques, de biopsiesbiopsies, de cellules en culture obtenues de patients souffrant, par exemple, de diabète, de syndromessyndromes neurodégénératifs à bases génétiques, ou bien d'autres affections, il serait en effet envisageable par transfert nucléaire d'obtenir des cellules embryonnaires porteuses des déterminants génétiques de ces désordres.

    Leur commander - si on apprend à le faire - de se différencier en cellules secrétrices d'insulineinsuline, ou bien en neuronesneurones de types variés, donnerait aux biologistes le moyen d'analyser les bases cellulaires du diabète et de la dégénérescence neuronale, dans les cas évoqués. Un tel matériel cellulaire pourrait même se révéler précieux pour tester la potentielle efficacité thérapeutique de candidats médicaments.

    La consistance de ces indications du transfert de noyaux somatiques chez l'Homme et l'inconsistance, au moins à terme, des allégations thérapeutiques poussent aujourd'hui un nombre croissant de spécialiste à se référer au « clonage scientifique », et non plus à l'incertain clonage thérapeutique.

    Les objections et inquiétudes

    Cependant, cette recherche-là réclame, pour être menée, d'utiliser des ovocytes humains, et de créer en laboratoire des embryons que d'autres pourraient un jour utiliser à des fins de clonage reproductif, considéré comme un crime par la loi de nombreux pays. Nous ne pouvons, de ce fait, nous offusquer de ce que la représentation nationale se saisisse de cette question, soupesant d'une part les avantages allégués ou réels d'une mise en œuvre de la technique et d'autre part les objections qui peuvent encore être soulevées.

    Ces objections, nous le savons, sont de plusieurs ordres. Pour certains, les catholiques et les orthodoxes en particulier, la fabrication d'embryons humains en tant que matériel de recherche est immorale. Beaucoup de résultats pourraient être obtenus à l'aide des embryons de singe.

    Tous s'inquiètent d'une technique dont la mise en œuvre exigerait de disposer d'un si grand nombre d'ovocytes, cellules rares qui seraient dévoyées de leur rôle procréatif naturel. Il est même à craindre qu'une telle demande favorise l'établissement d'un trafic commercial d'ovules vendus par des jeunes femmes nécessiteuses.

    Enfin, et surtout, la recette conduisant à l'obtention d'embryons humains clonés, lorsqu'elle sera mise au point par des chercheurs impliqués dans le « clonage thérapeutique », sera publiée dans les revues spécialisées et, dès lors, disponible partout dans le monde entier.

    C'est précisément ce qu'espèrent avec anxiété tous ceux qui se sont déjà lancés dans l'entreprise du clonage reproductif, Antinori et comparses ou Brigitte Boisselier de la secte Raël. À ce stade, il se trouvera alors toujours des nations pour accueillir leur projet. Ici surgit donc un problème de responsabilité scientifique.

    Certaines de ces objections ont trouvé un début de réponse dans des travaux très récents. Des cellules comparables à des ovocytes ont en effet été obtenues ex vivoex vivo par différenciation de cellules souches embryonnaires de souris. Si des résultats semblables étaient reproduits à partir de cellules ES humaines, cela pourrait faire naître une source illimitée de ce matériel si précieux.

    Cependant, nous ne possédons encore aucune indication concernant la qualité de tels ovules dérivés de cellules ES, pas plus que sur leur capacité à promouvoir la reprogrammation de noyaux somatiques transférés en leur sein. Par ailleurs, ces gamètesgamètes artificiels s'engagent spontanément dans un début de développement embryonnaire en absence de fécondation, mimant une parthénogenèseparthénogenèse spontanée. Le risque qu'un tel comportement laisse présager un pouvoir tumorigène (la survenue de cancerscancers) accru des cellules ES qui en seraient dérivées, ne peut donc être sous-estimé.

    Des embryons chimériques par transfert d'ovocytes

    Nous avons précédemment évoqué les recherches tendant à créer des embryons chimériques par transfert nucléaire dans des ovocytes de vachesvaches ou de lapines. Même s'il est réellement possible d'isoler des lignées de cellules ES d'un tel matériel, ce qui n'est pas établi de façon formelle à cette date, nous ignorons encore tout des propriétés de telles cellules, de leur innocuité et de la manière dont elles seraient tolérées par un receveur greffé.

    Outre l'utilisation d'ovocytes animaux, cette méthode présenterait un autre intérêt « éthique » présomptif. Les embryons hybrideshybrides reconstitués par transfert de noyaux humains dans des ovocytes de lapines ne possèdent selon toute évidence pas la capacité de se développer en nouveau-nés viables. À ce titre, nous pouvons leur contester la qualité d'embryons humains. Cet aspect positif serait cependant contrebalancé par l'image symbolique négative du matériel biologique hybride, Homme-lapin, qu'il faudrait d'abord créer.

    En tout état de cause, ces différentes approches ne sont pas même encore établies sur le plan expérimental et ne méritent pas le qualificatif de « thérapeutiques ». Rien qui puisse justifier les discours triomphalistes entendus çà et là : grâce à cette technique les paralytiques remarcheront, les vieillards atteints par la maladie d'Alzheimer recouvreront la mémoire, les cardiaques auront du cœur à l'ouvrage et les parkinsoniens récupéreront toute la souplesse de leurs mouvementsmouvements.....

    En France, l'Académie des sciences, l'Académie de médecine, le Collège de France en appellent solennellement aux parlementaires français afin qu'ils maintiennent ouverte la porte de l'espoir que représente le clonage thérapeutique.

    Le clonage humain n'est pas accueilli de la même façon dans tous les pays. © DR

    Le clonage humain n'est pas accueilli de la même façon dans tous les pays. © DR

    Un tel engagement de la communauté scientifique en faveur de la liberté d'entreprendre une recherche d'intérêt, sans doute passionnante sur le plan fondamental et dont certaines retombées pourraient se révéler importantes en médecine, est légitime. La stratégie de lobbying à laquelle s'apparente cet engagement nous apparaît en revanche plus contestable.

    Nous avons vu comment, aux États-Unis, le combat déterminé et courageux de grandes personnalités comme Nancy Reagan et Christopher Reeves, inconscients de leur instrumentalisation, était utilisé par les milieux des biotechnologies militant en faveur du « clonage thérapeutique ». En Californie, ces milieux bénéficièrent pleinement de l'engagement de Robert Klein, le père d'un jeune homme atteint de diabète juvénile, pour faire adopter, en novembre 2004 lors des élections américaines, la proposition 71 grâce à l'obtention de 50 % des suffrages.

    Cette initiative citoyenne en faveur de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le « clonage thérapeutique », fut lancée par le professeur Weissman, l'un des meilleurs spécialistes du domaine. Elle prévoit d'investir en dix ans trois milliards de dollars afin de créer un Institut californien pour la médecine régénératrice dans lequel seront utilisés des embryons humains obtenus par procréation ou par transfert de noyaux (c'est-à-dire des embryons clonés), et cela en principe quelles que soient les lois fédérales, au moins durant les trois premières années.

    Partout dans le monde les associations de paralysés, de patients atteints d'affections génétiques ou de maladies dégénératives diverses sont sollicitées pour s'engager dans la croisade. Il est aisé de les mobiliser, et leur influence sur les représentants du peuple est considérable. Heureusement, nous l'avons vu, d'autres stratégies moins illusoires que le « clonage thérapeutique » sont actuellement à l'étude.

    Reste l'intrigante question de l'abîme séparant la nature des problèmes abordés, incertaine et discutable, et l'extraordinaire passion caractérisant dans le monde entier le débat sur la légitimité et l'urgence de la mise en œuvre du clonage humain à visées scientifique et thérapeutique.

    Y aurait-il d'autres objectifs à cette grande campagne menée au nom de la solidarité scientifique envers des malades atteints d'affections sévères ?

    À ce stade, nous devons refuser tout procès d'intention. Rappelons néanmoins que l'illusion d'une unanimité contre la légitimité morale du clonage reproductif se dissipe de plus en plus. Dans le monde entier, nombre de scientifiques, de philosophes, de médecins ont développé leurs arguments en faveur d'un clonage reproductif humain maîtrisé. Il s'agit par conséquent d'en maîtriser la technique. La première étape consiste à mettre au point le clonage des embryons, qui s'est révélé jusque-là plus difficile que prévu chez les primatesprimates et, en particulier chez l'Homme.

    Dans le débat sur la légitimité d'innovations techniques, il n'existe pas de position « interdite » ; il est bon que s'affrontent les analyses et leurs arguments. Encore faudrait-il que ce fut en toute clarté, en se gardant de l'utilisation de la souffrance d'autrui comme moyen de pressionpression.