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    Bactéries et géologie

    Bactéries et géologie

    1 - De très vieilles bactéries vivantes

    Elles sont capables de toutes les prouesses et détiennent de nombreux records, dont celui de la longévité. La plus vieille bactériebactérie datait de 25 millions d'années : une abeille s'est retrouvée engluée dans un filet de sève transformé en ambre. Si l'abeille a laissé sa vie dans cette fossilisationfossilisation, il n'en a pas été de même pour. Après des millions d'années les microbes qu'elle hébergeait ont été retrouvés vivants. D'innombrables microfossilesmicrofossiles ont été saisis par la résine, parmi lesquels une grande diversité de bactéries, de cyanobactériescyanobactéries, de spores de champignonschampignons, d'alguesalgues, ou encore un lichen et un grain de pollenpollen.

    Morceau d'ambre

    Morceau d'ambre

    Dans un article paru dans Nature, une équipe de chercheurs américains annonce que, dans un cristal de sel collecté à 569 m de profondeur à Carlsbad (Nouveau-Mexique), ils ont déniché des cellules qui ont pu être ranimées. L'âge du cristal : 250 millions d'années ! Les scientifiques n'écartent jamais la possibilité d'une contaminationcontamination. Les chercheurs doivent donc démontrer que les bactéries sont bien des reliques. Pour éviter la contamination, les chercheurs ont employé des méthodes draconiennes, détaillées dans leur article. Après avoir évacué ce problème, les scientifiques ont dû s'assurer que les bactéries ne s'étaient pas mises en place après le sel. Dans le cristal, les bactéries étaient à l'intérieur d'une inclusion fluideinclusion fluide prise dans la masse. Pour atteindre la poche de liquide, les chercheurs ont utilisé un mini-foret, technique de forage relativement douce, mais si des fissures apparaissaient dans le cristal, ce dernier était rejeté, dans le but de prévenir une contamination. Une fois aspirés, les 9 microlitres ont servi à inoculer des milieux de culture salés. Après quelques jours des colonies se sont formées. Les cellules vivantes étaient rares, puisque seuls 2 des 53 cristaux étudiés ont donné des colonies. La souche a été baptisée 2-9-3 , un nom peu poétique pour ce fossile vivantfossile vivant de 250 millions d'années. Lorsque les conditions se dégradent de nombreuses bactéries sont capables de s'enkyster dans une spore qui leur permet de résister aux pires outrages. En sommeilsommeil, les cellules peuvent survivre dans l'attente de jours meilleurs. 2-9-3 a probablement suivi ce scénario. Il y a 250 millions d'années, un cataclysme provoquait une extinction massive, de 90 % des espècesespèces vivantes. A cette même période, un lac salé du Nouveau-Mexique s'asséchait. L'eau s'évaporait, le sel cristallisait en séquestrant des bactéries. Comme tous les travaux scientifiques, cette découverte devra être validée avant que 2-9-3 ne reçoive la médaille du plus vieil organisme terrestre.

    2 - Des bactéries partout…

    • Dans l'espace...

    En ramenant un morceau de la caméra de la sonde Surveyor 3, les astronautes d' ApolloApollo 12 ont découvert que des microorganismes importés de la Terre avaient résisté au climatclimat lunaire.

    Surveyor 3

    Surveyor 3
    • Au fond de lacs bizarres...

    Les procaryotesprocaryotes ne connaissent pas la reproduction sexuée au sens où nous l'entendons: chez eux, il n'y a pas brassage de gènesgènes et recomposition d'un nouveau génome mais échange direct de fragments de matériel génétiquematériel génétique. Ajouté à leur fantastique capacité de prolifération qui accélère encore leur évolution, cet échange génétique leur a permis de s'adapter à strictement tous les milieux que nous avons pu découvrir sur notre planète. Ainsi, 2 chercheurs de la Nasa (R. Hoover et E. Pikuta) ont découvert une nouvelle espèce bactérienne nommée Tindallia californiensis, au niveau du lac Mono (très salé et basique, mais abritant de nombreux organismes), en Californie. Cette bactérie prolifère dans un milieu comprenant 20 % de sel et à pH 10.

    • Au fond des océans...

    Au cours de son ascension et de son refroidissement, le magmamagma se contracte et se fissure. L'eau de mer s'infiltre sur plusieurs centaines de mètres de profondeur et se réchauffe au contact du basaltebasalte chaud jusqu'à atteindre des températures de 350°C. L'eau se charge en gazgaz, hydrogènehydrogène, azoteazote, oxyde de carbonecarbone, dioxide de carbone, méthane, anhydrideanhydride sulfureux, hydrogène sulfuréhydrogène sulfuré, puis s'échappe du fond de l'océan sous forme de véritables geysersgeysers. Les sources hydrothermalessources hydrothermales sous-marines constituent un milieu exceptionnel qui a peu évolué depuis quatre milliards d'années. Les éléments indispensables à la fabrication d'une cellule y sont présents: hydrogène, azote, monoxyde et dioxyde de carbonedioxyde de carbone, hydrogène sulfuré, méthane et, bien sûr eau. Le magma fournit l'énergieénergie nécessaire sous forme de chaleurchaleur. Le milieu est protégé des effets destructeurs des rayons ultravioletsultraviolets par la couche d'eau qui amortit également le bombardement météoritique.

    Fumeur noir © CNRS

    Fumeur noir © CNRS

    Le record pour les bactéries hyperthermophiles qui vivent à des températures supérieures à 80°C au voisinage des sources hydrothermales est actuellement de 113°C. Il semble bien que ces bactéries hyperthermophiles proviennent de bactéries vivant à des températures plus agréables, inférieures à 80°C, qui se seraient adaptées aux températures extrêmes relativement récemment. Il est donc peu probable que les sources hydrothermales aient été le berceau des de la vie mais elles ont très bien pu produire certaines des « pièces » nécessaires à son émergenceémergence.

    A lire : Deux nouvelles bactéries isolées de puits de pétrole

    Les gisementsgisements pétroliers hébergent de nombreuses populations bactériennes. Des microbiologistes de l'IRDIRD étudient ces écosystèmesécosystèmes, et ont identifié deux nouvelles bactéries appartenant aux espèces consommatrices de nitrates. Les puits de pétrole constituent des environnements extrêmes, dont les conditions physico-chimiques se révèlent peu favorables à la vie. Pourtant, ces milieux abritent des bactéries réductrices de sulfates, méthanogènes et fermentaires, mais aussi nitrato-réductrices. On sait que les produits de l'activité des bactéries sulfato-réductrices, s'avèrent dangereux pour l'environnement et corrosifs pour le matériel. C'est pour limiter les sulfuressulfures produits que l'injection de nitrates est pratiquée dans certains puits. Grâce aux nitrates, des bactéries nitrato-réductrices présentes en faible proportion peuvent se multiplier et inhiber le développement des bactéries sulfato-réductrices.

    En Australie et au Mexique, les chercheurs ont pu identifier deux nouveaux genres consommateurs de nitrates, Petrobacter succinatimandens et Garciella nitratireductens. Petrobacter succinatimandens, extraite d'un puits dans le Queensland est capable d'oxyder les acidesacides organiques et est aérobieaérobie. Garciella nitratireductens, isolée de plusieurs puits du Golfe du Mexique, présente un métabolismemétabolisme anaérobie, comme la plupart des microorganismes qui vivent dans ces milieux.

    • Dans le deltadelta du Nil...

    Jean Mascle, chercheur au laboratoire « Géosciences Azur » de l'Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer mène cette recherche.

    Delta du Nil

    Delta du Nil

    À l'aide du navire océanographique l'Atalante et du submersible, le Nautile de l'Ifremer, les chercheurs ont exploré une région de volcansvolcans, située à 3 000 mètres de profondeur à l'ouest du delta. Lors de ces plongées, des images de volcans de boue ont été obtenues : des monticules, d'un diamètre variant de quelques centaines de mètres à un kilomètre, formés par les fluides qui remontent vers la surface à travers une faille et qui ramènent de la vase. On peut y observer des lacs de saumuressaumures où se développent, par dégradation des hydrocarbureshydrocarbures légers présents, des bactéries qui forment de grands voiles blanchâtres.

    L'Atalante s'est ensuite dirigé vers des cheminéescheminées gazeuses, édifices circulaires qui s'étendent sur des kilomètres. Ici, la pressionpression au niveau du plancherplancher océanique est importante, le système, plus actif, voire explosif, ne favorise pas la prolifération des voiles blanchâtres mais les bactéries sont abondantes. Enfin, sur la pente continentale du delta à 2 000 mètres, les remontées de fluides participent à la constructionconstruction d'encroûtements sédimentaires ; ils forment des plaques qui se disposent sur le fond en une sorte de mosaïque et dont les amas constituent les pock-marks. Là, les fluides - du méthane semble-t-il - sortent de manière diffuse. Au sein de ces plaques carbonatées, prolifèrent outre des bactéries, d'autres espèces comme des vers, des lamellibrancheslamellibranches ou des oursinsoursins. Les scientifiques vont tenter d'éclaircir les liens entre ces émissionsémissions, le dépôt sédimentaire et la tectonique....

    3 - Biostabilisation microbienne des sédiments

    Comme les cyanobactéries et les diatoméesdiatomées beaucoup de bactéries produisent du mucilagemucilage sous forme de gangue de polysaccharidespolysaccharides (les EPS, extra cellular polymeric substances). Leur rôle est de protéger la colonie de la dessicationdessication, mais cela limite aussi les échanges avec l'extérieur. Ce processus ajouté à la multiplication extraordinaire des bactéries peut entraîner la formation de grands voiles bactériens adhérant très bien au support et si ce sont des formes filamenteuses on obtient ainsi des grands « filets » qui forment un feutrage cohérent. Si ce processus continue dans de bonnes conditions on aura une matte microbienne qui peut engendrer (avec quelques minérauxminéraux) des constructions solidessolides.

    Lire à ce sujet :

    Les algues, première lignée végétale, et notamment "les stomatholites"

    4 - Laminations microbiennes

    On peut obtenir ainsi des structures complexes formées de couches superposées qui peuvent avoir des couleurscouleurs différentes suivant les bactéries en présence comme dans la mer du Nordmer du Nord. Dans des environnements où la sédimentationsédimentation est importante, des couches fines, appelées lamines, sombres si elles contiennent de la matièrematière organique et plus claires si elles ne contiennent que du sédimentsédiment se succèdent formant des dépôts caractéristiques qui se rapprochent des varvesvarves sauf que dans notre cas il y a des bactéries dans le dépôt.

    Schéma d'une expérience simple permettant la formation d'un voile bactérien

    Schéma d'une expérience simple permettant la formation d'un voile bactérien

    5 - Fossilisation et voile microbien

    Mais aussi, ces voiles mucilagineux ou ces mattes peuvent emprisonner un objet ou mouler une forme sur une plage en immobilisant les particules de sablesable. Pour déplacer une particule de sable emprisonnée dans son voile mucilagineux il faut un courant d'eau 10-15 fois plus important que pour déplacer la même particule sans le voile ! On peut ainsi expliquer facilement la formation de fossiles de formes comme les gouttes de pluie, les rippleripple-marks, les traces d'animaux, les turicules de vers etc. mais aussi de petits organismes plus ou moins mous : vers, insectesinsectes, araignéesaraignées, puces d'eau, médusesméduses etc. Plusieurs schistesschistes bitumeux ou non contiennent ce genre de fossiles : Wurtemberg, Hunsrück, Messel, Burgess...

    6 - Bioaltération des minéraux et biominéralisation microbiennes.

    On sait que les bactéries sont responsables de la dégradation de la matière organique mais on sait moins qu'elles sont aussi, pas les mêmes bien sûr, capables de dégrader des fractions minérales de sédiments. Les particules peuvent être fragmentées en particules plus petites, les pierres altérées : calcairescalcaires, grèsgrès et granitesgranites sont tous touchés par le processus, même le verre des vitraux !

    Mais inversément les bactéries, d'autres encore, sont capables de fabriquer des minéraux et la liste commence à être longue de ceux dont on a pu montrer la formation en présence de micro-organismesmicro-organismes : calcitecalcite, aragonitearagonite, dolomite, apatite, sidéritesidérite, magnétique, sulfures de ferfer, oxyde de manganèsemanganèse, mais aussi des calcrètes, des travertinstravertins... mais les processus ne sont pas encore éclaircis : il semble que la première étape soit une précipitation au niveau des membranes puis une formation d'inclusions cytoplasmiques autour des microcristaux qui vont croître à mesure des apports...

    7 - Métallogenèse

    Leptothrix ( découverte à la fin du XIXème par Winogradsky) est une bactérie qui ne peut vivre que dans un milieu contenant du fer ferreux dissous qu'elle transforme en fer ferrique et fixe dans sa membrane sous forme d'hydroxyde de fer.

    Les Banded Iron Formation BIF du protérozoïqueprotérozoïque inférieur sont caractéristiques des cratonscratons anciens : Hammersley en Australie de l'ouest, la Mauritanie, le Brésil. Ces formations dont on a dit qu'elles étaient dues à des bactéries ou des microorganismes semblent plus probablement dues à des oxydationsoxydations chimiques hydrothermales, peut être enrichies par des bactéries ? Ce sont des gisements très riches 30-40% et très abondants qui constituent actuellement les principaux gisements de fer. Néanmoins les gisements de Pilbara (Australie) ou Baberton (Afrique du Sud) contiennet des bactéries fossiles.

    A lire : Le fer tombe le masque 

    Solnhofen

    Solnhofen
    Dendrites de manganèse sur calcaire

    Dendrites de manganèse sur calcaire

    Le problème est le même pour le manganèse et on a pu montrer que les belles dendritesdendrites de manganèse des calcaires de Solnhofen, par exemple, sont formées par Bacillus cereus... Et l'or ?

    Le nourrissage des pépites : Il y a quelques années un chercheur de USGS, Watterson (1992) a trouvé des formes de cellules allongées sur des particules d'or attaquées à l'acide. Ce phénomène semble assez courant et pourrait expliquer le fameux nourrissage des pépites d'or et le renouvellement de certains placers...On a pu montrer en laboratoire que des bactéries sont capables d'intégrer de l'or et de le précipiter.

    Pépites d'or

    Pépites d'or

    A lire : L'or, la magie des alchimistes 
    Voir aussi à ce sujet l'utilisation des bactéries dans la métallurgie : chapitre suivant.