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    Aide au sevragesevrage tabagique, thérapiesthérapies et différentes méthodes : le professeur Jean-Pol Tassin répond aux questions sur l'arrêt du tabac. Il est physicochimiste, neurobiologiste, neuropharmacologiste, directeur de recherches à l'Inserm. Propos recueillis par Michel Spengler, Agence Tech&Co.

    Arrêt du tabac. © Seanika, Shutterstock
    Arrêt du tabac. © Seanika, Shutterstock

    Futura-Sciences : Dans l'aide médicale au sevrage tabagique, des substituts nicotiniques sont le plus souvent prescrits. Qu'en pensez-vous ? Quels conseils donneriez-vous aux patients désirant arrêter le tabac sans l'aide d'un médecin ?

    Jean-Pol Tassin : Il y a une vingtaine d'années on affirmait que la nicotinenicotine était la seule responsable de l'addictionaddiction liée au tabac. Ce que l'on sait maintenant c'est que la fumée du tabac contient 3.000 à 4.000 composés, dont la nicotine, et que parmi eux, beaucoup sont susceptibles d'intervenir sur l'addiction. La nicotine seule ne rendrait pas dépendant. 

    On s'en est rendu compte à la suite de multiples observations. En effet, la prise de substituts nicotiniques n'empêche pas la rechuterechute dans 84 % des cas (donc 16 % des patients s'arrêtent). Et si l'on donne un faux substitut (un placéboplacébo) ce sont 90 % des patients qui rechutent (donc 10 % qui s'arrêtent). La différence est très faible et cette faible différence s'explique parce que, seule, la nicotine n'est pas impliquée dans les processus d'addiction. 

    Oui, on peut s'arrêter sans aide médicale, c'est certain, c'est d'ailleurs le cas de la plupart des fumeurs qui se sont vraiment arrêtés. 

    Jean-Pol Tassin répond aux questions sur l'arrêt du tabac. © DR
    Jean-Pol Tassin répond aux questions sur l'arrêt du tabac. © DR

    Est-ce qu’il y a un « truc » à part la volonté ?

    Jean-Pol Tassin : Ce n'est pas la volonté qui va vraiment vous aider à arrêter. Le « truc » comme vous dites, c'est d'abord de repérer les raisons qui vous poussent à fumer. C'est cette prise de conscience qui est sans doute la meilleure aide à l'arrêt.

    Il n'empêche qu'il peut exister des « trucs » : par exemple, vous pouvez changer de marque de cigarette tous les jours. Si vous changez de marque de cigarette tous les jours, vous ressentez le fait de fumer différemment et prenez conscience de ce que vous êtes en train de faire. Ce changement peut vous permettre de mieux vous défendre contre le tabac.

    Si vous fumez toujours la même marque de cigarette, votre organisme s'y habitue et se désensibilise aux effets irritants de la fumée sur votre organisme. 

    Les thérapies comportementales sont-elles validées par des études ? Sur quels critères et comment choisir son thérapeute comportemental pour l'aide au sevrage tabagique ? À part les thérapies comportementales, quelles autres aides fiables et efficaces peuvent accompagner le sevrage tabagique et son maintien dans le temps ?

    Jean-Pol Tassin : Le sujet est très vaste. Il y a une multitude de thérapeutes et de thérapies comportementales. Parmi les études qui ont été validées, je ne crois pas qu'il y en ait qui ont donné des résultats significatifs. 

    En revanche, on a observé des effets significatifs positifs lorsque l'on associe de la psychothérapie avec des substituts nicotiniques. Mais, encore une fois, il ne s'agit pas de « thérapie comportementale » mais d'un suivi psychologique associé à la prise de substituts. La conjonction des deux traitements thérapeutiques semble avoir des effets alors que chacun des traitements pris isolément n'en aurait pas. 

    Arrêter les méfaits du tabac, c'est aussi éviter le tabagisme passiftabagisme passif pour soi et pour les autres si l'on est fumeur. Quels conseils donnez-vous à une future maman ? Quelles peuvent être les conséquences sur le fœtusfœtus ?

    Jean-Pol Tassin : C'est clair que si la maman fume, le tabac fait diminuer le poids du bébé à la naissance. Entre 300 et 400 grammes en moyenne, selon les études. C'est connu. On ne peut que lui recommander d'arrêter de fumer, pour elle et pour l'enfant qu'elle porteporte et dont elle a déjà la responsabilité.

    Le tabagisme passif, lui, peut avoir des conséquences sur les très jeunes enfants qui vivent dans un environnement familial enfumé. Je n'ai pas de chiffres précis mais on sait que cela déclenche des rhinopharyngitesrhinopharyngites et provoque une fragilité des voies aériennes.

    Pour les adultes de sérieux problèmes existaient surtout pour les personnes comme les serveursserveurs de restaurants ou de bars qui étaient soumis à une atmosphèreatmosphère fortement enfumée pendant leurs heures de travail. Ce qui explique l'interdiction de fumer dans ces endroits pour protéger les personnes qui y travaillent. Mais il ne faut pas exagérer non plus, si vous êtes le temps d'un voyage assis près d'un fumeur, cela peut vous importuner mais pas menacer votre santé.

    Pour arrêter de fumer, la démarche est souvent solitaire. L'automédication des TNS peut-elle dangereuse et dans quels cas ?

    Jean-Pol Tassin : En ce qui concerne les substituts nicotiniques, il n'y a pas vraiment de limites parce que la nicotine n'est toxique qu'à fortes doses. Vous pouvez donc mâcher des chewing-gums très fréquemment sans danger.

    Mais il y a certains produits qui ne sont pas exactement des substituts nicotiniques, comme la varénicline (Champix) ou le bupropionbupropion (Zyban) par exemple, qui peuvent avoir des effets secondaires ennuyeux. Ils peuvent agir sur le sommeilsommeil, donner des cauchemars, des angoisses ou avoir des effets sur le système cardiovasculaire. Donc à éviter absolument en automédication.

    Quand a-t-on recours aux antidépresseursantidépresseurs pour le sevrage tabagique ? La varénicline en est-elle un ?

    Jean-Pol Tassin : La varénicline, c'est le Champix dont je vous ai parlé mais ce n'est pas un antidépresseur. C'est une molécule qui a pour action de stimuler partiellement le même récepteur que la nicotine. En fait, il cherche à la remplacer mais il semble avoir des effets secondaires assez sérieux. Donc, je le répète, il vaut mieux éviter ou consulter son médecin.

    Les antidépresseurs peuvent dans certains cas faciliter l'arrêt du tabac parce que 20 à 30 % des grands fumeurs sont des anxiodépressifs. Bref des gens inquiets, à la limite de la dépression. Donc l'antidépresseur peut les aider mais cela ne fonctionne que dans 25 % des cas. Ce qui veut dire que 75 % des fumeurs qui veulent arrêter n'ont pas besoin d'antidépresseur.

    Je rappelle néanmoins que, dans toutes ces observations, il faut éviter de généraliser. Et la connaissance d'un pourcentage précis issu d'observations sérieuses est importante. Un résultat à 2 % n'a pas la même importance qu'un résultat à 80 %.

    Que pensez-vous de l'usage d'hypnose, d'acupunctureacupuncture, auriculothérapies, naturologie et autres moyens pour accompagner l'arrêt du tabac ?

    Jean-Pol Tassin : Toutes ces méthodes ont été testées scientifiquement mais aucune n'a donné de résultats statistiquement significatifs. Certaines méthodes peuvent parfois avoir un effet sur une personne mais en aucun cas cela signifie que cette même méthode aurait ce même effet sur une autre.

    En conclusion, il faut peut-être rappeler qu'un très grand nombre de fumeurs s'arrête sans aide, donc il est très difficile de trouver une méthode qui fait mieux... que rien.

    Propos recueillis par Michel Spengler