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    Position des ONG sur les OGM

    Position des ONG sur les OGM

    Les organisations non gouvernementales (ONG), dans leur ensemble, sont pour une protection de la nature et de l'Homme face aux OGM. Parole à Marjana Dermelj de la Fondation slovène pour le développement durabledéveloppement durable.

     <br />Quelle est la position des ONG face aux risques des OGM pour la planète ? © DR
     
    Quelle est la position des ONG face aux risques des OGM pour la planète ? © DR

    Principe de confiance dans la science et principe de précaution

    Les scientifiques, de même que les hommes politiques, soulignent souvent que les décisions liées à l'utilisation des organismes génétiquement modifiésorganismes génétiquement modifiés (OGM) doivent être fondées sur le principe de confiance dans la science (sound science). Nous savons pourtant que le savoir est limité et que, par conséquent, les surprises dans l'utilisation des nouvelles technologies sont inévitables. Dans l'évaluation des bénéfices et des coûts liés à l'introduction de celles-ci, la science est confrontée à une difficulté fondamentale. En effet, nous savons peu de choses sur cette problématique et la science, quant à elle, n'est pas unanime sur le savoir conquis. En outre, maints problèmes existent dont nous ignorons même l'existence. Ainsi, au début de l'utilisation des nouvelles technologies, la science n'a pu ni prévoir ni signaler par exemple la formation du trou dans la couche d'ozonetrou dans la couche d'ozone, la soudaine apparition de la maladie de la vache folle et d'autres problèmes similaires.

    Dans l'utilisation et le développement des organismes génétiquement modifiés, la question se pose aussi de savoir comment se décider quant à leur usage si, face aux pressions économiques, nous tenons compte à la fois du principe de précautionprincipe de précaution et de l'incertitude. La science ne peut offrir de réponses définitives; pour cela, il est possible que la politique, qui se fonde uniquement sur le principe de confiance dans la science, ne soit elle-même pas digne de confiance. Les questions éthiques sont donc au cœur du problème.

    Le devoir d'empêcher des dégâts environnementaux est basé sur un risque connu, tandis que le concept de précaution, lui, est fondé sur le manque de certitude. L'application du principe de précaution et en cela la reconnaissance de l'incertitude, constitue donc une des possibilités de réduire le risque dans l'utilisation des nouvelles technologies et aussi des organismes génétiquement modifiés. Ce principe n'est pas une opposition aveugle aux innovations, il reconnaît par contre les limites inévitables de nos connaissances, ce qui devrait mener à une plus grande modestie dans l'évaluation du niveau de la science et exiger une vigilance et une réflexion accrues dans les prises de décision. Nombre de scientifiques craignent que les initiatives soutenant l'application du principe de précaution dans les prises de décision signifient de fait la fin des recherches. Mais il semble que cela soit justement le contraire, car suivre ce principe peut entraîner automatiquement de nouvelles recherches susceptibles elles-mêmes de réduire les facteurs d'incertitude quant à l'utilisation des organismes génétiquement modifiés.

    Le problème de la science n'est pas seulement l'incertitude ou le manque de savoir sur le non-savoir ; il est aussi un nombre insuffisant d'approches interdisciplinaires pour l'étude de problèmes particuliers. La plupart des recherches, et par conséquent des décisions politiques, continuent à se fonder sur une approche réductionniste et anthropocentrique. Les organismes génétiquement modifiés en sont précisément un exemple. Dans le génie génétiquele génie génétique, les gènesgènes représentent des cubes Lego avec lesquels il est possible de construire n'importe quelle structure de la vie. Une telle approche ne tient pas compte et ne reconnaît pas les interactions complexes.

    Pour cela, certaines disciplines scientifiques dominent totalement les processus de prises de décision au risque de mener à ce qui est appelé l'ignorance institutionnelle, sur laquelle se fondent les décisions politiques. Les expériences montrent que tant dans le cas de l'utilisation de l'amianteamiante que dans celui des radiations, les médecins cliniques s'étant concentrés surtout sur les effets aigus immédiats, on a négligé dans les deux cas de mener des recherches toxicologiques et épidémiologiques pour évaluer les problèmes chroniques, ce qui a influé sur l'élaboration des normes à partir desquelles ces deux domaines ont été régulés. Il en a été de même avec le MTBE, utilisé dans l'essence à la place du plomb. La décision de l'introduire s'est appuyée sur les connaissances liées aux moteurs, sur la combustion et la pollution de l'air, mais elle a négligé l'aspect pollution de l'eau, bien que des données aient été disponibles. En fait, les décisions sont prises à partir d'évaluations de risques basées souvent sur les informations de ceux dont les produits sont objet de l'évaluation du risque. Aussi, des sources d'information indépendantes sont-elles la condition nécessaire pour une évaluation indépendante, exacte et digne de confiance. Les cas d'utilisation du benzènebenzène, du PCBPCB, de l'amiante et des chlorofluorocarboneschlorofluorocarbones montrent que les connaissances étaient disponibles bien avant que les gestionnaires se décident à prendre des mesures. La question est de savoir pourquoi ces connaissances n'ont pas été exprimées avant dans une meilleure législation, dans des normes et des règlements plus stricts.

    Les pays producteurs d'OGM en 2005 (en orange, les 5 pays qui représentent 95 % de la production mondiale d'OGM, en rayé, les pays qui commercialisent les OGM, et un point correspond aux pays qui expérimentent les OGM). © Domaine publique

    Les pays producteurs d'OGM en 2005 (en orange, les 5 pays qui représentent 95 % de la production mondiale d'OGM, en rayé, les pays qui commercialisent les OGM, et un point correspond aux pays qui expérimentent les OGM). © Domaine publique

    Pour ces raisons, dans les débats sur les risques et les bénéfices de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés, nous devons tenir compte des expériences passées. À côté des avis des scientifiques, les décideurs devraient dans une plus large mesure tenir compte des points de vue et des valeurs de l'opinion publique. Ceci élargirait l'évaluation des avantages et des risques de l'utilisation des OGM. Leur usage n'est pas uniquement lié aux aspects environnement et santé mais aussi aux risques sociaux et économiques qui sont exclus des évaluations du risque de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés.

    Risque de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés

    Dans chaque société, le risque résultant de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés est différent ou sa perception est différente. Lorsque nous admettons les limites de notre compréhension et de notre connaissance sur la nature d'un certain problème, la question se pose de savoir quel risque une société donnée est disposée à accepter. L'utilisation des organismes génétiquement modifiés est risquée en raison de la nature de la transformation de l'organisme. Le degré du risque dépend aussi des données naturelles de chaque milieu et système ainsi que de l'efficacité de la protection juridique avec laquelle nous voulons l'écarter ou le réduire et répartir ses conséquences le plus également possible dans la société.

    Vide juridique dans certains pays

    En raison d'un cadre juridique incomplet, le contrôle de l'importation et de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés peut ne pas s'effectuer dans certains pays (comme en Slovénie en 2003). S'il n'y a pas non plus de contrôle sur la présence d'organismes génétiquement modifiés dans le matériel de semences, nous pouvons à juste titre supposer que les OGM se propagent de manière incontrôlée dans les écosystèmesécosystèmes agricoles, menaçant ainsi la pureté du matériel de semences utilisé par les agriculteurs de saisonsaison en saison. En outre, en raison de cette contaminationcontamination, une fois le système de contrôle mis en place, l'existence économique des agriculteurs écologiques et conventionnels qui ne veulent pas cultiver d'organismes génétiquement modifiés pourra être menacée.

    L'application et la mise en œuvre de la législation environnementale peuvent s'avérer problématiques. Dans le cas du contrôle de la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés, les difficultés pour assurer le travail de surveillance des inspecteurs peuvent être d'autant plus grandes qu'il faut aussi départager et harmoniser le fonctionnement d'inspections, de douaniers, qui peuvent être du ressort de plusieurs ministères différents.

    Composition des comités scientifiques et problème du respect de l'exclusion d'intérêts

    La loi adoptée sur le traitement des organismes génétiquement modifiés a nommé deux comités scientifiques qui remettent à l'organe compétent un avis sur les demandes pour travailler avec des organismes génétiquement modifiés dans des systèmes fermés, pour leur dissémination volontaire dans l'environnement et leur mise sur le marché. En Slovénie, les organisations non gouvernementales n'ont pas obtenu que leurs représentants soient aussi nommés dans ces comités scientifiques, bien qu'il s'agisse d'une pratique courante dans de nombreux pays de l'Union européenne et dans les pays candidats à l'entrée dans l'Europe. La participation de représentants des organisations non gouvernementales à de tels comités augmente la transparencetransparence dans l'adoption des avis et la préparation des évaluations du risque de chaque demande. En outre, dans la pratique, on tient compte plus souvent aussi du principe de précaution, ce qui apparaît dans des critères plus stricts de délivrance des autorisations. La loi stipule, il est vrai, que la coopération du public au processus de prise de décision est possible, mais ceci seulement une fois que l'avis du comité scientifique a été rendu.

    Les profils des spécialistes qui, en Slovénie, présentent leurs avis sur les demandes et l'évaluation du risque ne reflètent malheureusement pas la complexité du problème de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés. En effet, parmi les personnes mentionnées, on ne trouve pas de représentants de ces branches de la science qui considèrent la dissémination des organismes génétiquement modifiés surtout du point de vue de systèmes (écologistes, entomologistesentomologistes, etc.). Certes, la loi admet que le comité scientifique invite aussi des spécialistes d'autres branches à participer aux travaux, mais la question se pose de savoir avec quelle fréquencefréquence les membres des comités scientifiques remplissent ce droit et ce devoir.

    Le respect de l'exclusion d'intérêts est aussi l'autre problème du fonctionnement de tels comités. Ce problème, sans doute présent partout, est encore plus perceptible en Slovénie en raison de sa petitesse spécifique. Comment, en raison du nombre modeste de spécialistes nationaux et des liaisons de travail existant entre les institutions compétentes, peut-on garantir l'activité des membres des comités scientifiques conformément à ce principe ?

    La question du niveau de démocratie et de la prise en compte des coûts externes

    L'utilisation des organismes génétiquement modifiés et surtout leur dissémination volontaire dans l'environnement est liée aussi à la question du niveau de démocratie. Le droit du paysan qui veut cultiver des organismes génétiquement modifiés est-il supérieur au droit de celui qui ne veut pas et vice versa ? Si le paysan qui décide de cultiver des organismes génétiquement modifiés menace potentiellement les décisions d'une autre personne qui s'oppose à leur usage, il est du devoir du paysan qui cultive des organismes génétiquement modifiés de prendre les mesures appropriées qui réduiront de façon maximale l'éventualité d'une contamination des produits génétiquement non modifiés. En conséquence, les agriculteurs qui décideraient de cultiver des organismes génétiquement modifiés devraient garantir sur leur terre la distance de séparationséparation minimale.

    De la même façon, dans le calcul de la justification économique de la culture des OGM, on devrait tenir compte aussi des autres coûts (ségrégationségrégation, conservation séparée et procédés de production séparés, étiquetage et traçabilitétraçabilité) car il s'agit au fond ici de couvrir la part des coûts externes auxquels nous sommes confrontés aussi dans les autres types de pollution.

    Moratoire sur la dissémination volontaire des OGM

    En raison des arguments mentionnés relatifs au problème de la définition scientifique du risque, de l'incertitude et du (non) respect du principe de précaution, il faut assurer un moratoiremoratoire de quelques années quant à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés. Par cette décision, le principe de précaution serait respecté de manière conséquente, et pendant que le moratoire serait en vigueur, les scientifiques et les décideurs pourraient concentrer leurs travaux dans les domaines suivants :

    • recherche sur l'influence de la dissémination des produits agricoles génétiquement modifiés sur les aspects sociaux, économiques, éthiques et environnementaux du développement de la société ;
    • recherche sur les possibilités de coexistence des formes d'agricultureagriculture suivantes culture des produits agricoles génétiquement modifiés, culture conventionnelle et culture écologique ;
    • étude sur la question de la responsabilité environnementale et sur la protection des droits des agriculteurs ;
    • travail général sur l'influence économique de la dissémination volontaire d'un produit agricole génétiquement modifié quel qu'il soit et sur la possibilité de coexistence et de conservation des opportunités pour les autres modes d'agriculture.