Inutile de chercher les poux dans la tête : ceux-là nous viennent de l'ancêtre du chimpanzé et ont évolué avec nous. Le mystère se situe plus bas, là où sévit Phtirius pubis. Car lui nous vient du gorille. Et, preuve par l'ADN, il nous est arrivé… directement. En sautant.

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    Un jour, une étrange et mystérieuse histoire est survenue quelque part dans la jungle. Les gorilles et les hommes l'ont oubliée. Les poux, eux, s'en souviennent… Crédit : Unesco

    Un jour, une étrange et mystérieuse histoire est survenue quelque part dans la jungle. Les gorilles et les hommes l'ont oubliée. Les poux, eux, s'en souviennent… Crédit : Unesco

    Parmi les primatesprimates, l'Homme est un privilégié : il a deux poux. L'un aime la tête et surtout les cheveux. Bien connu des écoliers, il se nomme Pediculus capitis. Sa femelle pond des œufs appelés lentes. Nettement plus bas sur notre corps vit - chez certains - une autre espèceespèce, Phtirius pubis, un pou trapu, si large qu'on le surnomme crabe en anglais, un mot auquel les Français ont préféré « morpion ».

    Image du site Futura Sciences

    Le pou est un costaud. Accroché, il y reste, et même des millions d'années. Celui-ci, vu au microscope électronique à balayage, est le pou du bas, Phtirius pubis.
    Crédit : Vincent Smith

    Ces compagnons nous suivent depuis des millions d'années et sont strictement inféodés à notre espèce. On ne verra jamais un pou sauter d'un humain à un chat ou un chienchien. Chacun chez soi. Ce réel isolement du pou humain se lit dans ses gènes. Pediculus capitis ressemble au pou du chimpanzéchimpanzé mais en diffère génétiquement, autant que l'homme de notre plus proche cousin. L'analyse de l'ADN indique que ces deux poux ont divergé d'un ancêtre communancêtre commun il y a environ six millions d'années. C'est justement l'époque communément admise de la séparationséparation de la lignée humaine et de celle des chimpanzés. Accrochés aux pelages respectifs de leurs hôtes, les deux poux ont alors évolué chacun de leur côté en s'ignorant totalement.

    Gare au gorille

    Phtirius pubis, lui, ressemble au pou du gorillegorille plus qu'à aucun autre. En effectuant la même analyse génétique sur ces deux cousins, David Reed, du Muséum d'histoire naturelle de Floride, à Gainesville, a eu une surprise de taille : la divergence n'aurait eu lieu qu'il y a 3,5 millions d'années. Or, notre ancêtre commun avec le gorille, les scientifiques en sont sûrs, vivait il y a plus de 7 millions d'années.

    Qu'est-ce à dire ? Le biologiste est formel. Il n'est pas question de remettre en cause la divergence entre la lignée qui a conduit aux gorilles actuels et celle qui a engendré les chimpanzés et les hommes. Sa méthode lui semble bonne. Donc il y a bien un jour, quelque part, des poux qui ont sauté depuis des gorilles vers des humains. Mais, hors de leur hôte, les pauvres insectesinsectes sans ailes ne survivent que quelques heures. Pour que la transmission soit possible, il fallait que les animaux soient physiquement très proches les uns des autres. « Cela pose d'intéressantes questions sur les raisons qui ont amené des gorilles et des ancêtres des hominidéshominidés à vivre si proches les uns des autres qu'ils ont pu échanger leurs poux... » s'interroge David Reed.