Une nouvelle méthode développée par une équipe internationale d'ingénieurs biomédicaux a prouvé pour la première fois qu'il est possible de cultiver du tissu osseux nouveau et sain à un endroit de l'organisme et de l'utiliser ensuite pour réparer un os endommagé situé dans une autre partie du corps. Cette méthode pourrait bouleverser les approches de l'ingénierie des tissus à l'avenir et devrait trouver d'importantes applications dans l'ingénierie d'autres types de tissus.

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    Crédits : CORDIS

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    Cette découverte est rapportée dans un article publié récemment dans les actes de l'Académie nationale des sciences.

    Le tissu osseux vivant se développe et se reforme continuellement, mais les tentatives de culture de tissu osseux en dehors de l'organisme - in vitroin vitro - ont toutes échoué. Des essais récents visant à stimuler la croissance de l'os à l'intérieur de l'organisme - in vivoin vivo - ont abouti à un succès limité et se sont avérés jusqu'ici extrêmement complexes, coûteux et peu fiables.

    L'approche actuellement utilisée par les chirurgiens orthopédistes pour réduire les fractures osseuses graves consiste à prélever de petits morceaux d'os d'une côte ou d'une hanche du patient et de les souder à l'os brisé. Cette même méthode est utilisée pour souder des vertèbres et traiter les traumatismes médullaires graves et les douleurs dorsales. Si la méthode est efficace pour réparer le site du traumatisme, l'opération de prélèvement est extrêmement douloureuse et peut entraîner des complications sérieuses. La nouvelle approche est basée sur la réaction naturelle de l'organisme lors d'une blessure: les scientifiques créent une zone spéciale à la surface d'un os sain en espérant que l'organisme réagira en remplissant l'espace avec du nouveau tissu osseux.

    Les os longs sont recouverts par une fine membrane extérieure appelée le périoste. Cette membrane peut être comparée à un ruban de "scotch": l'extérieur est rugueux et fibreuxfibreux, mais l'intérieur est recouvert d'une couche de cellules multipotentes spéciales, capables de se transformer en différents types de tissu squelettique.

    L'équipe a décidé de créer l'espace bioréacteur juste au-dessous de cette membrane extérieure en perçant un trou minuscule dans le périoste et en y injectant de l'eau salée. Ceci écarte la membrane de l'os sous-jacent, créant ainsi un léger renflement. Après avoir créé une cavité de la taille et de la forme souhaitées, les scientifiques retirent l'eau salée et la remplacent par un gelgel disponible dans le commerce et utilisé pour la diffusiondiffusion de cellules dans le corps humain. Ce gel contient du calciumcalcium, connu pour favoriser la croissance des os. La principale préoccupation des scientifiques était que le bioréacteur se remplisse avec du tissu cicatriciel au lieu de tissu osseux, mais cela ne s'est pas produit. L'approche s'est avérée correcte, et la cavité s'est remplie de nouveau tissu osseux parfaitement identique à l'original.

    En travaillant sur des lapins adultes, une espèceespèce dont les os sont très similaires aux os humains, les chercheurs ont eu la satisfaction de constater que cette zone, qu'ils ont surnommée le "bioréacteur in vivo", se remplissait d'os sain en six semaines environ. De plus, il n'a pas été nécessaire de stimuler la croissance de l'os au moyen des facteurs de croissance indispensables lors des précédentes tentatives in vivo. Ils ont également constaté que le nouveau tissu osseux pouvait être détaché facilement avant d'être soudé au tissu ancien, celui-ci gardant une cicatrice mais restant intact.

    Si l'efficacité de cette nouvelle méthode est confirmée, explique V. Prasad Shastri, professeur assistant d'ingénierie biomédicale à l'université Vanderbilt, qui a coordonné l'équipe, il sera possible de cultiver de nouveaux tissus osseux pour tous les types de réparations au lieu d'en prélever sur le tissu osseux existant. Pour les personnes souffrant de maladies osseuses graves, il pourrait même être possible de cultiver du tissu osseux de remplacement à un stade précoce, puis de le congeler pour pouvoir l'utiliser au moment voulu.

    Molly Stevens, actuellement maître de conférencemaître de conférence à l'Imperial College (Royaume-Uni) et co-auteur de l'article, explique que "le nouveau tissu osseux possède réellement la même résistancerésistance et les mêmes propriétés mécaniques que l'os d'origine et, comme l'os recueilli est "frais", il s'incorpore parfaitement bien au site récepteur".

    La prochaine étape pour l'équipe consistera à effectuer les grandes études animales et les essais cliniques nécessaires pour déterminer si la procédure fonctionne bien chez l'homme, puis de la faire approuver en tant que traitement applicable à l'homme. Par ailleurs, comme le foiefoie et le pancréaspancréas possèdent des membranes extérieures similaires au périoste, les membres de l'équipe ont l'intention de tester la méthode sur ces tissus.