Des pierres trouvées à dix mètres de profondeur dans une couche vieille de 4300 ans ont servi de percuteurs pour casser des noix. Très vraisemblablement, elles ont servi à des chimpanzés.

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    « Nous avons maintenant l'évidence qu'il y a un âge de pierre des chimpanzéschimpanzés » conclut dans Science l'éthologue britannique William McGrew devant la découverte d'une équipe internationale menée par l'archéologue canadien Julio Mercader. Elle vient d'être publiée dans les PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), inaugurant une nouvelle discipline : l'archéologie des primatesprimates non humains.

    Image du site Futura Sciences

    Julio Mercader nous montre une des pierres que lui et son équipe ont trouvées. C'est un casse-noixnoix façon chimpanzé, dont le mode d'emploi se transmet de génération en génération. © Ken Bendiksten

    En Côte d'Ivoire, dans la forêt de Taï, l'équipe a trouvé en trois endroits, à une dizaine de mètres sous la surface des groupes de pierres qui ont manifestement été utilisées comme percuteurs. Les scientifiques ont repéré en surface des traces d'amidon provenant des grosses noix locales qu'ils ont servi à casser. Selon eux, il ne fait aucun doute que les utilisateurs de ces outils n'étaient pas des hommes mais des chimpanzés. Ils avancent plusieurs arguments :
    - Les pierres sont beaucoup plus grosses que celles utilisées ou façonnées par les hommes ;
    - Les hommes de cette époque et de cette région ne mangeaient pas de noix ;
    - Ces pierres sont faites de granit, un matériaumatériau que les hommes n'utilisaient pas pour leurs outils ;
    - On ne connaît pas d'occupation humaine dans cette région antérieure à 2000 ans.

    De génération en génération…

    Cette découverte ne doit rien au hasard. On sait déjà que les actuels chimpanzés de la forêt Taï utilisent des grosses pierres pour casser des noix sur des morceaux de boisbois. Julio Mercader et Christophe Boesch, du département d'Anthropologie évolutive de l'Institut Max PlanckMax Planck (Allemagne), avaient étudié la manière dont les chimpanzés de Taï transportent certains types de pierres réservées à cet usage. Les chercheurs se sont demandés si leurs ancêtres utilisaient déjà cette technique. Si oui, il devait exister des gisementsgisements dans les couches archéologiques. Ils ont creusé de vastes tranchées là où l'on sait que des chimpanzés vivent depuis longtemps. Mission réussie...

    Les chimpanzés de Taï utilisent une technique transmise depuis au moins 200 générations. Cette connaissance technique et transmise a donc les caractéristiques d'une culture. L'idée n'est pas nouvelle. On sait que les chimpanzés fabriquent plusieurs types d'outils (tiges effeuillées pour attraper les termites et les fourmisfourmis, faisceau de brindilles pour recueillir du miel...) et il existe des différences de méthodes d'une population à une autre. Reste à espérer que ce savoir-faire pourra se transmettre aux générations futures de chimpanzés car la forêt de Taï, comme beaucoup d'habitats de ces animaux, se réduit d'année en année devant les activités humaines...