Des chercheurs du CNRS et des Universités Paris 5 et Pierre Mendès France de Grenoble (1) viennent de montrer que les bébés âgés de 5 mois sont capables de différencier par la vue et le toucher des petites quantités d'objets. Ces résultats prouvent que chez les nourrissons les représentations mentales des petites quantités sont indépendantes des modalités sensorielles et donc abstraites. Ils sont disponibles en ligne sur le site de la revue Cognitive Development.

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    Les bébés de 5 mois comptent déjà avec leurs doigts

    Les bébés de 5 mois comptent déjà avec leurs doigts

    Ces dix dernières années, de nombreuses recherches ont montré que les bébés possèdent une certaine sensibilité aux petits nombres. Dès la naissance, ils sont par exemple capables de différencier visuellement des scènes présentant 2 et 3 points, mais incapables de différencier 3 points de 6.

    Un des débats actuels consiste à déterminer la nature de cette compétence numériquenumérique : relève-t-elle d'une sensibilité aux caractéristiques perceptives des scènes (taille, forme...) ou d'une représentation abstraite de la numérosité ? Une façon de répondre à cette question consiste à étudier cette compétence à travers les modalités sensorielles (nos 5 sens) et de définir si elle dépend de ces sens ou si elle est amodale (indépendante des modalités sensorielles). Des recherches ont ainsi montré que des bébés de 6 à 8 mois étaient capables d'apparier 2 ou 3 sons avec des images présentant 2 ou 3 objets, mais elles ont fait l'objet de critiques méthodologiques.

    Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé les modalités visuelle et manuelle. Ils ont examiné des bébés de 5 mois pour voir s'ils pouvaient faire la différence lorsqu'on leur donnait à tenir dans leur main droite 2 ou 3 objets différents : cube, sphère et anneau. Dans un premier temps, ils donnaient d'abord aux bébés 2 ou 3 objets différents à tenir dans leur main droite sans qu'ils ne les voient ; puis, dans un second temps, ils leur montraient visuellement des scènes contenant deux ou trois objets, présentées alternativement. Pour être certain qu'il s'agissait bien d'une abstraction de la quantité, les formes des scènes visuelles contenant 2 objets ou 3 objets étaient différentes de celles des objets tenus et leurs surfaces globales étaient similaires. Les bébés qui ont reçu dans leur main droite deux objets étaient surpris : ils regardaient plus longtemps la scène contenant trois objets que celle en contenant deux. Inversement, les bébés qui ont reçu dans leur main droite trois objets regardaient plus longtemps la scène contenant deux objets plutôt que trois. Ces résultats ont été confirmés dans une seconde expérience auprès de 24 autres nourrissons.

    Ces résultats révèlent que les bébés ont bien mémorisé le fait d'avoir reçu 2 ou 3 objets dans la main droite et qu'ils ont reconnu cette quantité dans les scènes visuelles présentées ensuite. Ils suggèrent que les représentations mentales des nourrissons des petites quantités sont amodales et donc abstraites.

    Notes :
    (1) Julie Féron, docteur en psychologie cognitive, Edouard Gentaz, chercheur au CNRS travaillant au Laboratoire de psychologie et neurocognition (Université Pierre Mendès France, Grenoble) et Arlette Streri, Professeur en psychologie du développement de l'enfant (Université René DescartesRené Descartes, Paris V).

    Références :
    Evidence of amodal representation of small numbers across visuo-tactile modalities in 5-month-old infants. Julie Féron, Edouard Gentaz and Arlette Streri. Cognitive Development, février 2006

    Contacts :

    Chercheurs
    Edouard Gentaz
    Laboratoire de psychologie et neurocognition (Université Pierre Mendès France, Grenoble)
    T 04 76 82 56 73
    [email protected]

    Arlette Streri
    Laboratoire Cognition et Développement (Université Renée Descartes Paris V)
    T 01 55 20 59 91
    [email protected]

    Presse
    Muriel Ilous
    T 01 44 96 43 09
    [email protected]