De nombreuses bactéries vivent au contact des cellules d'animaux. Certaines, intracellulaires strictes, ne peuvent pas se multiplier en dehors des cellules qu'elles parasitent et sont responsables de maladies humaines, comme Chlamydia trachomatis pour les infections génitales, ou Rickettsia prowazekii qui cause le typhus épidémique. Jusqu'à présent, les mécanismes évolutifs ayant permis leur adaptation à un environnement aussi particulier que le cytoplasme ou les vacuoles d'endocytose restaient inconnus. Une nouvelle étude, réalisée par les équipes de Didier Raoult et de Jean-Michel Claverie (CNRS, Université de la Méditerranée), dévoile le rôle probablement central des amibes, microorganismes unicellulaires eucaryotes, comme « entremetteuses » pour l'acquisition et l'échange des gènes nécessaires.

au sommaire


    Co-localisation de Rickettsia bellii (vert) et Legionella pneumophila (rouge) dans une vacuole d'une amibe. Les noyaux d'amibes en bleu.© 2006 Ogata et al.

    Co-localisation de Rickettsia bellii (vert) et Legionella pneumophila (rouge) dans une vacuole d'une amibe. Les noyaux d'amibes en bleu.© 2006 Ogata et al.

    Avec l'aide du Génoscope, les équipes de Didier RaoultDidier Raoult et de Jean-Michel Claverie ont déterminé et analysé la séquence complète du génome de la bactérie intracellulaire Rickettsia bellii. Ils y ont découvert de nombreux indices de transfert de gène entre cette bactérie et d'autres bactéries intracellulaires, Legionella pneumophilaLegionella pneumophila (l'agent de la dangereuse pneumonie des légionnaires) et Protochlamydia amoebophila (proche de Chlamydia trachomatisChlamydia trachomatis). Ce phénomène a ensuite été mis en évidence expérimentalement par des techniques de microscopie.

    Les niches écologiques connues pour les Rickettsies sont des cellules d'animaux supérieurs, comme celles des mammifèresmammifères, ou celles de différents arthropodesarthropodes comme les tiques, poux et puces. Il est donc peu probable que les Rickettsies contemporaines, isolées au sein de leur cellule hôte, aient souvent l'opportunité de rencontrer les parasitesparasites d'amibes (qui vivent dans l'eau). Les chercheurs proposent donc que les échanges de gènes sont anciens, et se sont produits à l'époque où l'ancêtre des Rickettsies (avant l'apparition des animaux) parasitait lui même un ancêtre des amibes actuelles. À l'appui de cette thèse, ils ont démontré que Rickettsia bellii peut survivre longtemps dans une amibe bactéricide. Ils ont aussi démontré que Legionella pneumophila et Rickettsia bellii peuvent se retrouver au contact l'une de l'autre dans une même vacuolevacuole de cette amibe.

    Ce travail suggère que des amibes ancestrales (des protozoaires ancestraux) ont servi de lieu de rencontre favorisant l'échange de matériel génétiquematériel génétique entre différentes bactéries (en les concentrant), transferts latéraux de gènes qui ont pu accélérer l'adaptation de ces bactéries (en les sélectionnant) au milieu intracellulaire des cellules eucaryoteseucaryotes contemporaines. Ce processus a pu conférer à ces bactéries la capacité d'infecter les cellules des animaux supérieurs, en particulier les phagocytes qui partagent de nombreuses similarités physiologiques avec l'amibe.

    Notes :
    Genome sequence of Rickettsia bellii Illuminates the Role of Amoeba in Gene Exchanges Between Intracellular Pathogens. Hiroyuki Ogata, Bernard La Scola, Stéphane Audic, Patricia Renesto, Guillaume Blanc, Catherine Robert, Pierre-Edouard Fournier, Jean-Michel Claverie, Didier Raoult. (2006). PLoS Genet.

    Contacts :

    Chercheurs
    Jean-Michel Claverie
    T 04 91 82 54 20
    [email protected]

    Didier Raoult
    T 04 91 32 43 75
    [email protected]

    Presse
    Delphine Kaczmarek
    T 01 44 96 51 37
    [email protected]