Le fipronil, un pesticide toxique pour les abeilles, se retrouve au cœur d'un scandale agroalimentaire européen. Des millions d’œufs de poules auraient été contaminés. Mais qu’est-ce donc que ce produit ? Est-il dangereux pour l’Homme ?


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    Courant à la maison, le fipronil est un insecticide qui agit en perturbant la transmission de l'influx nerveuxinflux nerveux dans les cellules nerveuses. Les insectesinsectes touchés meurent d'hyperexcitation. Mis au point par Rhône-Poulenc à la fin des années 1980, il est commercialisé depuis 1993 et aujourd'hui détenu par le géant allemand de la chimiechimie BASF.

    Le fipronil est présent dans de nombreux produits antiparasitaires pour les animaux de compagnie (sprays, pipettespipettes et colliers anti-puces et anti-tiques pour chienschiens et chats) ainsi que dans des produits à usage domestique contre les infestations (anti-termites, anti-fourmisfourmis, anti-blattes...).

    En agricultureagriculture, le fipronil est utilisé, principalement sous la marque Régent, contre les insectes ravageurs des récoltes de maïs, de tournesols ou encore de pommes de terrepommes de terrevia notamment l'enrobage de semences. Accusé de provoquer une surmortalité des abeilles, son usage est interdit en France depuis 2004, ainsi que dans la plupart des pays européens. Il reste toutefois autorisé à cette fin en Belgique et aux Pays-Bas, ainsi que dans de nombreux autres pays du monde, dont les États-Unis. Son utilisation est en revanche interdite dans l'Union européenne pour l'élevage destiné à la consommation humaine, tel que les poules et leurs œufs.

    Le fipronil (ou Régent) a été accusé de provoquer une surmortalité chez les abeilles. © ComputerHotline, Flickr, CC by 2.0
    Le fipronil (ou Régent) a été accusé de provoquer une surmortalité chez les abeilles. © ComputerHotline, Flickr, CC by 2.0

    Une toxicité modérée chez l'Homme

    L'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) classe le fipronil parmi les pesticidespesticides ayant une « dangerosité modérée » chez l'Homme, à partir de tests chez l'animal. Il n'a pas d'effet cancérogène prouvé mais peut, à haute dose, provoquer des troubles neurologiques et des vomissements, notamment en cas d'ingestion volontaire (tentative de suicide).

    Une exposition accidentelle à une dose très basse ne devrait pas être nocive.

    En dehors de ces cas, « les effets que l'on observe ne se produisent qu'en cas d'exposition répétée [...] et [ils] sont généralement réversiblesréversibles. Une exposition accidentelle à une dose très basse ne devrait pas être nocive », a estimé Alan Boobis, professeur de toxicologietoxicologie à l'Imperial College de Londres, interrogé par l'AFP. Le fipronil « semble être éliminé assez rapidement par l'organisme. Il est peu probable qu'il s'accumule de façon importante au fil du temps », a-t-il ajouté.

    Dans un rapport publié en 2005, les agences sanitaires françaises AFSSAAFSSA et AFSSE (devenues depuis l'AnsesAnses) estimaient : « [il n'y a] pas actuellement d'élément indiquant que l'exposition au fipronil constitue un risque pour la santé de l'Homme, dans les conditions préconisées d'emploi ». Elles recommandaient toutefois « des travaux complémentaires » concernant des « possibles effets » à long terme sur le taux d'hormoneshormones thyroïdiennes, en particulier pour les personnes exposées dans le cadre professionnel.

    Dans le cas de la crise actuelle, le risque d'empoisonnement est très faible, voire nul, au vu des concentrations retrouvées dans les œufs contaminés (inférieures à 1,2 mg/kgkg). « Le retrait des œufs du marché [...] est plus important pour rassurer la population sur la sûreté de leur alimentation que pour protéger leur santé », selon Alan Boobis. L'Union européenne estime qu'il n'y a aucun risque pour le consommateur s'il ingère moins de 0,009 mg/kg au cours d'un repas ou d'une journée. Pour une personne pesant 60 kg, cela représente 0,54 mg, soit environ huit des œufs présentant la plus forte concentration de fipronil.

    L'agence sanitaire allemande BfR a toutefois averti que les plus fortes concentrations retrouvées pourraient entraîner un dépassement des seuils recommandés chez les enfants. Mais, même dans ce cas, « un dépassement à court terme ne signifie pas automatiquement que la consommation de l'aliment en question implique un risque pour la santé », a-t-elle rassuré.


    En bref : le fipronil, quatrième insecticide épinglé par l’Efsa

    Article de Quentin Mauguit paru le 30 mai 2013

    L'Autorité européenne de sécurité des alimentsAutorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) vient de publier un avis particulièrement sévère sur le fipronil, un insecticideinsecticide commercialisé sous le nom de Régent. En effet, son utilisation pour l'enrobage des semences de maïs présenterait des risques aigus pour les abeilles, dans certaines conditions.

    Le 24 mai dernier, Bruxelles a définitivement confirmé le moratoiremoratoire partiel de deux ans à l'encontre de trois pesticides de la famille des néonicotinoïdes, à savoir : le thiaméthoxame, la clothianidine et l'imidaclopride. Cette décision s'appuyait notamment sur un avis rendu par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) en janvier, et qui soulignait l'existence de risques non négligeables pour les abeilles exposées à ces produits.

    L'Efsa vient de publier, ce lundi 27 mai 2013, un nouveau document pointant cette fois, « le risque aigu sévère » que fait peser le fipronil sur les abeilles, précisément lorsqu'il est employé pour le traitement des semences de maïs. En effet, les informations disponibles n'ont pas permis de tirer des conclusions pour d'autres cultures, comme celle du tournesol. En réalité, ces données sont tellement morcelées que seuls les risques associés à une seule voie de contaminationcontamination ont été quantifiés. Ainsi, les abeilles domestiques Apis mellifera seraient touchées lorsqu'elles sont exposées à la poussière générée par la mise en terre des graines enrobées.

    Le communiqué de l’Efsa précise : « Les experts se sont basés sur les données ayant été soumises dans le cadre de la procédure d'autorisation du fipronil au niveau de l'UE, et des produits phytopharmaceutiquesproduits phytopharmaceutiques contenant du fipronil au niveau des États membres [...] ». Face à la quantité d'informations manquantes, la pertinence des tests réglementaires d'évaluation de risque, demandés avant la commercialisation d'un produit phytosanitaire, pose question. Désormais, il reste à savoir quelle suite la Commission européenne va donner à cet avis, mais cela devrait avoir peu d'impact en France. En effet, le fipronil, qui est commercialisé par BASF sous le nom Régent, est interdit en enrobage sur notre territoire depuis 2005.