Intégralement débarrassé de ses cellules, un cœur de rat a été recolonisé par des cellules prélevées sur un animal nouveau-né et s'est remis à battre. Ce résultat étonnant pourrait aboutir à de nouvelles options thérapeutiques après un infarctus grave du myocarde, par exemple implanter un cœur prélevé sur un cadavre, d'homme ou même de cochon.

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    Le cœur a d'abord été débarrassé de ses cellules (images du haut) puis colonisé avec de nouvelles cellules (en bas). © Thomas Matthiesen/University of Minnesota

    Le cœur a d'abord été débarrassé de ses cellules (images du haut) puis colonisé avec de nouvelles cellules (en bas). © Thomas Matthiesen/University of Minnesota

    Cette expérience originale commence par la fabrication d'une sorte de cœur fantôme. Prélevé sur un rat, cet organe est débarrassé de toutes ses cellules par l'action d'un produit détergent. Il ne reste alors que des tissus sans vie, la matrice extracellulaire, surtout composée de collagène mais l'ensemble conserve la forme et la structure interne d'un cœur vivant. C'est ce que voulait obtenir Doris Taylor, une bio-ingénieur de l'université du Minnesota (Minneapolis), dont l'équipe cherche une alternative à la greffe cardiaque, pour laquelle il est si difficile de trouver des donneurs. Leurs travaux viennent d'être publiés dans Nature Medicine.

    Dans ce cœur vidé de sa substance vivante, les chercheurs ont injecté des cellules prélevées sur le cœur d'un rat nouveau-né. Il ne s'agit pas de cellules souches (dont on a déjà testé il y a plusieurs années l'utilisation pour reconstituer le tissu cardiaque) mais elles ont tout de même la capacité de se différencier en plusieurs types cellulaires. En colonisant cette structure vide, ces cellules ont en quelques jours reconstitué - un peu - des tissus de muscle cardiaquemuscle cardiaque.

    Au bout d'une semaine, sous l'action d'un faible courant électriquecourant électrique, le cœur s'est mis à battre avec un faible mouvementmouvement, représentant 2 % de l'activité d'un cœur de rat en pleine forme. Ce résultat peut sembler très modeste mais il n'est pas nul et c'est là une surprise... D'autre part, comme le souligne dans la revue en ligne de Nature Joseph Vacanti, un spécialiste de ce domaine du Massachusetts General Hospital (Boston), une augmentation de 10 % de l'activité cardiaque serait déjà une belle amélioration pour certains patients.

    Applicable à d'autres organes ?

    L'idée peut paraître quelque peu étrange mais Doris Taylor elle-même rappelle que des tissus ainsi débarrassés de leurs cellules sont déjà utilisés en chirurgie cardiaque. On traite en effet de cette manière des valves cardiaques de porc avant de les transplanter chez un patient. L'expérience autorise donc à imaginer des solutions thérapeutiques permettant de se passer de donneurs. Un cœur prélevé sur une personne récemment décédée deviendrait ainsi réutilisable, une fois colonisé par les cellules du patient. On peut imaginer aussi transplanter un cœur de porc (animal dont les tissus sont bien acceptés par ceux des êtres humains).

    L'équipe a tenté - avec succès - de retirer les cellules d'autres organes, muscles, reinsreins, foiefoie, poumonspoumons. La technique pourrait ainsi, peut-être, devenir généralisable.

    Les réactions sont actuellement très positives. Les commentaires insistent cependant sur son caractère expérimental. On est encore très loin d'une applicationapplication chirurgicale. Aucune transplantationtransplantation n'a pour l'instant été réalisée et on ne sait rien de la manière dont ce cœur fantôme rendu à la vie pourrait retrouver sa fonction. L'équipe compte bientôt tenter l'expérience. Mais la réussite de cette première a été saluée par la communauté scientifique. La piste ouverte mérite manifestement d'être explorée...