D’ordinaire, un vaccin cible une région d’un élément pathogène pour que le système immunitaire le reconnaisse et l'élimine. Mais un nouveau traitement permet de protéger des singes contre le Sida non pas en ciblant le VIH, mais en poussant les défenses à inactiver les lymphocytes CD4 afin d’empêcher le virus d’infecter son hôte habituel. Un succès chez les singes.

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    Le Sida tue toujours aujourd'hui, très majoritairement dans les pays en développement. Un vaccin qui empêcherait le VIH (à l'image) d'infecter son hôte est un rêve depuis les années 1990 que personne n'a encore réussi à atteindre. S'en rapproche-t-on enfin ? © A. Harrison, P Feorino, CDC, DP

    Le Sida tue toujours aujourd'hui, très majoritairement dans les pays en développement. Un vaccin qui empêcherait le VIH (à l'image) d'infecter son hôte est un rêve depuis les années 1990 que personne n'a encore réussi à atteindre. S'en rapproche-t-on enfin ? © A. Harrison, P Feorino, CDC, DP

    L'équipe de chercheurs dirigée par Jean-Marie Andrieu, professeur à l'université Paris Descartes, et Louis Wei Lu de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), à Montpellier, ont montré que la suppression de l'activation des lymphocytes CD4 infectés par le virus de l'immunodéficience simienne (VIS) chez le macaque empêche la réplication du virus, protégeant ainsi le primateprimate de l'infection. Ces résultats étonnants pourraient conduire au développement d'un vaccin contre le Sida. Ils viennent d'être publiés dans Cell Reports le 20 décembre 2012. 

    L'approche des chercheurs est fondée sur l'observation que l'activation du lymphocyte CD4, cible du VIH chez l'Homme et du VIS chez le macaque, est nécessaire à la réplication initiale du rétrovirus, puis à sa dissémination dans l'organisme. Pour aboutir à ce résultat, les chercheurs ont développé un vaccin oral constitué du VIS inactivé qu'ils ont associé à une bactérie commensale du tube digestiftube digestif, Lactobacillus plantarum, connue pour favoriser l'absence de réponse immune, aussi appelée tolérance immunitaire.

    Les lymphocytes CD4 (en marron) constituent la cible du VIH (en bleu ciel). Ces cellules de l'immunité supervisent en temps normal la réponse immunitaire. Peu à peu, le virus les détruit, affaiblissant l'organisme et le rendant vulnérable à la moindre infection. © R. Dourmashkin, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les lymphocytes CD4 (en marron) constituent la cible du VIH (en bleu ciel). Ces cellules de l'immunité supervisent en temps normal la réponse immunitaire. Peu à peu, le virus les détruit, affaiblissant l'organisme et le rendant vulnérable à la moindre infection. © R. Dourmashkin, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Des lymphocytes qui bloquent l’activation de la cible du VIH

    Contre toute logique de vaccinologie classique, et à l'inverse de tous les traitements antiviraux existant à ce jour chez l'Homme ou l'animal, ce vaccin tolérogénique (qui induit une tolérance spécifique) oral et sans toxicitétoxicité n'a généré ni anticorpsanticorps ni lymphocytes cytotoxiquescytotoxiques

    En revanche, il a induit l'apparition d'une population jusqu'alors inconnue de lymphocytes CD8 régulateurs non cytotoxiques, à l'origine d'une suppression spécifique de l'activation des lymphocytes CD4 infectés par le VIS. Cette suppression a interrompu le cycle réplicatif du virus dans sa cible habituelle, protégeant ainsi les macaques de l'infection. Sur 16 singes vaccinés ayant reçu de fortes doses de deux souches différentes de VIS 3 à 14 mois plus tard par voie intrarectale, 15 ont été totalement protégés.

    Comme le VIS, le VIHVIH requiert l'activation du lymphocyte CD4 pour s'y multiplier. Les scientifiques espèrent que ce prototype de vaccin oral, une fois ces résultats contrôlés par des chercheurs indépendants, sera transférable à l'Homme, chez lequel il devrait être essayé à titre prophylactique aussi bien que thérapeutique. Ce nouveau concept de vaccin tolérogénique pourrait aussi s'appliquer à de nombreux désordres immunologiques.