Deux macaques entraînés ont réussi à contrôler les deux bras d’un avatar par leur seule pensée. Une performance inédite car, jusqu’ici, les interfaces cerveau-machine ne permettaient de mouvoir qu’un seul membre. Une avancée de plus pour aider les personnes souffrant de paralysie à retrouver une mobilité, même partielle.

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    Les lésions de la moelle épinière sont responsables de paralysie chez des millions de personnes dans le monde. Voilà quelques années maintenant, les scientifiques se sont fixé pour défi de redonner du mouvementmouvement à ces patients limités dans leurs gestes, voire complètement immobilisés. Puisque la régénération du tissu nerveux semble difficile à mettre en œuvre, ils se sont orientés vers la création d'interfaces cerveau-machine, pour conférer de la mobilité par la simple pensée, comme nous le faisons naturellement.

    Des progrès conséquents ont été annoncés depuis maintenant une décennie, et Miguel Nicolelis, chercheur à l'université Duke (États-Unis), n'y est pas pour rien. Il a par exemple permis à des singes de contrôler un bras robotiquerobotique grâce à l'activité de leur cerveau. D'autres ont réussi des performances similaires. Mais jusque-là, ces outils se limitaient au contrôle du mouvement d'un seul membre.

    Cette fois, Miguel Nicolelis, habitué des découvertes sensationnelles, fait de nouveau parler de lui car, avec ses collègues, ils sont parvenus à aller au-delà de ce qui avait été fait jusqu'à présent : deux macaques ont contrôlé les deux bras d'un avataravatar, uniquement par la pensée. Les détails sont publiés dans Science Translational Medicine.

    Des singes prennent le contrôle de bras virtuels

    Pour réussir cette performance, il a fallu enregistrer davantage de neurones que dans les études précédentes. Ils ont donc entrepris de prendre en compte l'activité électrique de centaines de cellules nerveuses (374 pour l'un des singes, et 497 chez l'autre) chez deux macaques rhésusmacaques rhésus, alors qu'ils s'entraînaient à déplacer les bras d'un avatar vers des cibles visibles sur un écran, à l'aide d'un joystickjoystick. Les auteurs ont ensuite créé un algorithme à partir des données récoltées.

    Voilà à quoi ressemblaient les avatars. Les macaques devaient bouger les bras vers les cibles, représentées par des boules. © <em>Duke Center for Neuroengineering</em>

    Voilà à quoi ressemblaient les avatars. Les macaques devaient bouger les bras vers les cibles, représentées par des boules. © Duke Center for Neuroengineering

    Ensuite, après que les singes ont été habitués à cet exercice et récompensés par du jus de fruit à chaque réussite, leur tête a été équipée d'un dispositif à base d'électrodesélectrodes visant à contrôler l'activation des neurones suivis. Bras immobilisés, il a fallu environ deux semaines avant qu'ils ne comprennent qu'ils pouvaient toujours contrôler les mouvements de l'avatar, mais cette fois par la pensée. Avec la pratique, les performances se sont améliorées, et les cobayes ont même obtenu une réussite de 75 %.

    Au cours des entraînements, les scientifiques ont remarqué une réorganisation et une plasticitéplasticité au niveau des neurones du cortex. Comme ils l'ont récemment montré dans Pnas, il s'agit d'une preuve que les macaques considèrent ces bras virtuels comme le prolongement de leur propre corps.

    Vers des interfaces cerveau-machine plus complexes

    Au-delà de l'exploit, des informations nouvelles ont pu être obtenues par cette étude. Ainsi, les chercheurs en ont déduit que l'unité neurologique du mouvement n'était pas le neurone, mais les réseaux qu'ils forment ensemble.

    Car, contrairement à ce que l'on pouvait penser, ils ont montré que l'activité neuronale nécessaire au mouvement simultané des deux bras ne correspondait pas à la somme de celle obtenue pour la mobilité de chaque membre séparément. Données précieuses si l'on veut concevoir des prothèses complexes, touchant plusieurs membres à la fois.