Des chercheurs français viennent d’annoncer tout le potentiel thérapeutique qui se cache derrière un composé pour l’instant nommé α5IA. Des souris atteintes de trisomie 21 ont montré des facultés d’apprentissage et de mémoire supérieures à celles constatées d’ordinaire, le tout sans les effets secondaires des traitements testés jusque-là.

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    Bien que le génome humain ait été entièrement décrypté, nous ne mesurons pas encore toute l'étendue de ses fonctions, et de ses problèmes. Alors que tout se passe très bien quand nous possédons deux copies de chaque gène, et que parfois une seule suffit, un exemplaire excédentaire s'accompagne de problèmes profonds. C'est le cas typique de la trisomie, dans laquelle tout un chromosome est de trop.

    La plus célèbre, et la plus courante, est la trisomie 21, non létale à la différence d'autres formes. Les patients manifestent des particularités physiquesphysiques et un retard mental, en plus d'autres troubles les rendant plus sensibles à des maladies graves, comme les leucémies. Or, il n'existe pour l'heure aucun traitement efficace pour conférer à ces personnes des facultés intellectuelles normales.

    Récemment, une équipe de chercheurs états-uniens publiait dans Science Translational Medicine une étude dans laquelle ils avaient réussi à faire reculer ces symptômes chez des souris. Ils viennent d'être imités par des chercheurs français, qui ont annoncé leurs résultats au cours du 26e congrès du Collège européen de neuropsychopharmacologie (ECPN), qui se tenait à Barcelone jusqu'au 9 octobre. Mais à résultats identiques, méthode différente !

    Le Gaba, neurotransmetteur clé

    Benoît Delatour, du Centre de recherche de l'institut du cerveau et de la moelle épinière, à l'UPMC, a expliqué qu'ils ont découvert l'efficacité d'une moléculemolécule agoniste inverse au GabaGaba-A α5 pour restaurer les fonctions cognitives chez des souris souffrant de trisomie 21trisomie 21.

    Traduisons cela en termes plus simples. On suspecte l'un des principaux neurotransmetteursneurotransmetteurs, le Gaba, d'être responsable d'un déséquilibre de la balance entre l'excitation et l'inhibitioninhibition des neurones chez les personnes trisomiques. On a donc imaginé bloquer l'effet de cette molécule par des composés antagonistes, c'est-à-dire qui prennent la place occupée par le Gaba sur ses récepteurs, et inhibant ainsi son action. Mais aussi bien chez la souris que chez l'Homme, ces traitements ont débouché sur des crises épileptiques, rendant l'utilisation de tels traitements inenvisageable.

    Les déficiences intellectuelles pourraient, du moins en partie, provenir d'un déséquilibre de la balance d'activation et d'inhibition des neurones. Le nouveau médicament, α5IA, pourrait corriger ces défaillances. © Emily Evans, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les déficiences intellectuelles pourraient, du moins en partie, provenir d'un déséquilibre de la balance d'activation et d'inhibition des neurones. Le nouveau médicament, α5IA, pourrait corriger ces défaillances. © Emily Evans, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les scientifiques ont voulu viser plus précisément. Cette fois, ils ciblent donc la sous-unitésous-unité α5 des récepteurs au Gaba-A, avec une molécule qui, une fois liée, entraîne l'effet opposé : c'est un agoniste inverse, nommé α5IA.

    L’α5IA redonne la mémoire aux souris

    Les auteurs ont donc utilisé une souche de souris Ts65Dn, le modèle murinmodèle murin de la trisomie 21. L'injection n'a entraîné chez elle ni convulsionsconvulsions ni aucun autre effet secondaire, comme des perturbations des comportements sensorimoteurs. D'autre part, les analyses tissulaires portent à croire que les organes périphériques n'ont pas souffert de l'injection.

    Au-delà de l'absence d'événements indésirables, les souris ont été soumises à un test d'apprentissage et de mémoire, à travers la piscine de Morris. Déposées dans une eau trouble, elles cherchent à la nage un abri pour se reposer, tout juste immergé sous l'eau. Avec l'expérience, elles finissent par le trouver aussitôt. Sauf les souris Ts65Dn, qui éprouvent des difficultés à se souvenir de la localisation d'une fois sur l'autre.

    Mais pas dans cette expérience. Une injection chronique leur confère les mêmes aptitudes mnésiques que leurs congénères sauvages. Mieux : une administration juste avant l'expérience les aide à mémoriser plus efficacement la position de la plateforme.

    La trisomie 21 en plein tournant

    Les scientifiques pensent qu'α5IA normalise l'expression géniquegénique au niveau de régions spécifiques du cerveau, facilitant l'activation idoine des neuronesneurones, et évitant alors les crises d'épilepsiecrises d'épilepsie tout en renforçant les processus de mémorisation des souris.

    Désormais, bien qu'on en soit pour l'heure à l'expérimentation animale, la science commence à disposer de plusieurs armes pour améliorer les capacités intellectuelles des personnes trisomiques. Preuve que la recherche avance à grands pas.