Depuis 1990, l'Inserm surveille la santé de près de 100 000 femmes appartenant à la cohorte E3N de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN). L'équipe de Françoise Clavel-Chapelon (Inserm, IGR) s'est intéressée à l'influence du traitement hormonal substitutif (THS) sur le risque de cancer du sein.

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    Image couleur d'un cancer du sein (perso.wanadoo.fr/association.afrha/icono.htm)

    Image couleur d'un cancer du sein (perso.wanadoo.fr/association.afrha/icono.htm)

    Les résultats de cette étude a fait l'objet d'une publication dans « International Journal of Cancer » le 18 Novembre. Ils révèlent que l'utilisation d'une combinaison contenant des oestrogènes et un progestatif de synthèse augmente le risque de cancer du sein. Ce « sur-risque » existe même lorsque la duréedurée de prescription ne dépasse pas deux ans. Toutefois, lorsque les œstrogènes sont combinés avec de la progestérone micronisée, le risque ne semble pas être augmenté.

    Cette étude prospective est la plus fiable et la plus précise entreprise à ce jour en France pour évaluer le risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées sous Traitement Hormonal Substitutif. Elle confirme les données antérieures (augmentation du risque parmi les femmes utilisatrices de THS) et précise l'impact que peut avoir un traitement à court terme ainsi que l'influence des différentes combinaisons hormonales et de leur mode d'administration.

    Jusqu'à présent, on savait que certaines combinaisons œstroprogestatives, notamment celles utilisées aux Etats-Unis et en Europe du Nord, augmentaient le risque de cancer du sein. Ce sur-risque existe-t-il avec les THS utilisés en France ? Les THS mis en œuvre en France combinent des œstrogènes, généralement administrés sous forme de patchs ou de gelsgels, à de la progestérone micronisée* ou à des progestatifs de synthèse (ceux-ci étant souvent différents des progestatifs évalués dans les précédentes études).

    Par ailleurs, les autorités sanitaires recommandent désormais un THS de courte durée. Quel est le risque associé à ces traitements courts ?

    Données méthodologiques

    Pour répondre à ces questions, les épidémiologistes de l'Inserm ont analysé les données concernant 54 548 femmes ménopausées, sur les 99 897 participantes de l'étude E3N (voir paragraphe ci-dessous). Suivies depuis 1990, ces femmes livrent régulièrement, par auto-questionnaires, des informations extrêmement précises sur leur état de santé, leur statut hormonal et leur consommation de traitements hormonaux. C'est ainsi que l'on connaît en particulier, la survenue d'une pathologiepathologie cancéreuse.

    L'analyse des chercheurs de l'Inserm porteporte tout d'abord sur les risques de cancer du sein en fonction de la durée du THS (inférieur à 2 ans, compris entre 2 et 4 ans, et supérieur à 4 ans). Les résultats prennent également en compte la composition du THS ainsi que la voie d'administration des œstrogènes. Afin d'évaluer avec un minimum de biais les effets de la prise de THS dès l'initiation du traitement, seules les femmes n'ayant jamais utilisé de THS au début du suivi ont été intégrées dans cette analyse. De fait, les durées de traitement étudiées sont encore courtes et le suivi devra nécessairement être prolongé pour estimer le Risque Relatif (RR) sur de plus longues durées.

    1. Un risque accru même sur une courte durée

    L'analyse globale des résultats révèle une augmentation sensible du risque de cancer du sein chez les utilisatrices de THS (la durée moyenne de traitement étant de 2,8 ans dans cette étude). Tous traitements confondus, le RR est de 1,2 (intervalle de confiance à 95 % : 1,1-1,4). Cela signifie que les femmes sous THS ont 1,2 fois plus de risque de développer un cancer du sein que les femmes qui ne suivent pas ce type de traitement (chez lesquelles le RR = 1,0 par définition **). Par ailleurs, il apparaît aussi qu'un usage de courte durée (inférieur à deux ans) peut favoriser l'évolution d'une tumeurtumeur latente.

    2. L'impact des différentes hormones

    - L'examen des taux de cancer selon le type d'hormoneshormones suggère qu'avec l'œstrogène utilisé seul (traitement réservé aux femmes hystérectomisées), le sur-risque de développer un cancer du sein est minime voire inexistant. En revanche, lorsqu'il est associé à un progestatif de synthèse, le risque de cancer du sein est augmenté de 40 % et ce, indépendamment de la voie d'administration de l'œstrogène.

    - La combinaison (œstrogène) + (progestérone micronisée) semble dépourvue d'effet cancérigène, tout du moins à court terme. Le RR est estimé à 0,9 (intervalle de confiance à 95 % : 0,7-1,2), et est significativement inférieur à celui de la combinaison (œstrogène) + (progestatif de synthèse). Ce résultat inédit reste à confirmer pour des durées de traitement supérieures à 4 ans.

    Ces données, essentielles pour l'évaluation du bénéfice/risque associé aux différents THS utilisés en France, pourront être complétées prochainement par de nouveaux résultats issus de l'étude E3N. Un prolongement du suivi des participantes permettra d'évaluer l'impact à plus long terme de la prise de THS sur le risque de cancer du sein, mais également sur d'autres pathologies.

    L'ETUDE E3N

    E3N, Etude Epidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l'Education Nationale) menée par le docteur Françoise Clavel-Chapelon (Inserm-Institut Gustave Roussy), est une enquête de cohortecohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990.

    Les informations concernant d'une part leur mode de vie (alimentation, prise de traitements hormonaux ...) et d'autre part l'évolution de leur état de santé, sont recueillies par auto-questionnaires tous les 2 ans depuis 1990. Elles sont complétées par des données biologiques, obtenues sur 25 000 volontaires, à partir d'un prélèvement sanguin stocké à des fins de dosagesdosages ultérieurs (études cas-témoins dans la cohorte). Les données sur les facteurs de risquefacteurs de risque ont fait l'objet de plusieurs études de validation. Le taux de « perdues de vue » est très faible (moins de 6 ‰) du fait de la possibilité qu'offre la MGEN de suivre les non-répondantes. Mais c'est avant tout grâce à la fidélité et la constance des participantes, ainsi qu'à la collaboration de médecins traitants, de laboratoires d'anatomo-pathologie et d'établissements d'hospitalisation que l'étude E3N peut fournir tous ces résultats. E3N est la partie française de EPIC, vaste étude européenne coordonnée par le Centre International de Recherches sur le Cancer portant sur 500 000 européens dans 10 pays. Deux localisations cancéreuses sont étudiées en priorité du fait de leur forte incidenceincidence : le sein et le |7047488875c1366eadec26bbc3c00f40|-rectumrectum.

    Depuis 1990, la MGEN, La Ligue nationale contre le Cancer, la société 3M, ainsi que l'IGR apportent leur soutien à l'étude E3N.

    * de structure chimique identique à celle de la progestérone naturellement secrétée par l'ovaireovaire

    ** Cela signifie que le risque est augmenté de 20 % (intervalle de confiance à 95 % : 10 %, 40%) par rapport au risque des femmes non utilisatrices d'un THS.