Des chercheurs américains ont protégé des souris et des furets contre des formes mortelles de la grippe grâce à un virus inoffensif enseignant aux cellules respiratoires comment se protéger. Cette thérapie génique pourrait conduire à de nouveaux traitements préventifs contre des maladies émergentes. Mais les détails restent à affiner.

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    La grippe est la septième cause de mortalité aux États-Unis, emportant 500.000 personnes chaque année. Le plus souvent, ce sont les formes saisonnières qui sont les plus meurtrières. Mais parfois, des souches pandémiques, issues de l'animal, peuvent apparaître et se montrer plus dangereuses encore. L'exemple ultime est celui de la grippe espagnole. © Sanofi Pasteur, Flickr, cc by nc nd 2.0

    La grippe est la septième cause de mortalité aux États-Unis, emportant 500.000 personnes chaque année. Le plus souvent, ce sont les formes saisonnières qui sont les plus meurtrières. Mais parfois, des souches pandémiques, issues de l'animal, peuvent apparaître et se montrer plus dangereuses encore. L'exemple ultime est celui de la grippe espagnole. © Sanofi Pasteur, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les récents cas de grippes pandémiques, dues aux virus H5N1, H1N1 et actuellement H7N9, inquiètent les scientifiques. Entre l'apparition de ces souches et la mise au point d'un vaccin, le risque de dispersion du virus dans la population est élevé. Malheureusement, malgré les pistes étudiées, personne n'est encore parvenu à créer un vaccin à large spectre qui protège contre les très nombreuses souches de la grippe.

    Mais James Wilson et son équipe de chercheurs de l'université de Pennsylvanie suivent une piste qui pourrait constituer une protection temporaire contre plusieurs virus mortels de la maladie respiratoire. À l'origine de cette idée, Bill GatesBill Gates. L'ancien patron de MicrosoftMicrosoft a effectivement demandé à James Wilson en avril 2010 s'il était possible d'utiliser la thérapie génique contre les maladies pandémiques. Ce à quoi ce dernier vient de répondre par l'affirmative en publiant son travail dans la revue Science Translational Medicine.

    Le virus de la grippe espagnole, ici à l'image, est responsable de dizaines de millions de morts, suite à l'épidémie qu'il a causé entre 1918 et 1919. © Therence Tumpey, CDC, DP

    Le virus de la grippe espagnole, ici à l'image, est responsable de dizaines de millions de morts, suite à l'épidémie qu'il a causé entre 1918 et 1919. © Therence Tumpey, CDC, DP

    L’anticorps FI6, l’idéal pour la thérapie génique contre la grippe

    S'inspirant des travaux de Philip Johnson, qui en 2002 avait testé la thérapie génique en préventionprévention d'une infection au VIH, les scientifiques avaient en tête d'inoculer un virus modifié inoffensif et porteur d'un gène permettant aux cellules cibles de protéger contre la grippe. Mais quel anticorpsanticorps choisir ? Dans l'idéal, celui-ci doit neutraliser un grand nombre de souches.

    Ils ont trouvé la réponse à leur question dans la revue Science en août 2011. Antonio Lanzavecchia et ses collaborateurs y décrivaient la découverte d'un anticorps, nommé FI6, neutralisant à large spectrespectre contre la grippe A.

    Les chercheurs américains décident alors d'introduire le gène dans un virus adénoassocié de primateprimate. Ces virus sont très utilisés en thérapie génique pour leur faculté à pénétrer les cellules humaines et y insérer leur génomegénome sans causer de dommage. L'objectif des scientifiques était de pousser les cellules épithéliales présentes dans les voies respiratoires (neznez, trachéetrachée, poumonspoumons, principales voies d'entrée de la grippe) à synthétiser FI6, pour neutraliser le virus pathogènepathogène avant même qu'il n'ait eu le temps d'agir.

    Ce schéma reprend le principe de fonctionnement de la thérapie génique. Un vecteur viral (<em>vector</em>) est équipé d'un gène d'intérêt (<em>new gene</em>). Il pénètre la cellule et va insérer son génome dans le noyau. Le gène d'intérêt, ici celui à l'origine de l'anticorps FI6, sera alors transcrit, traduit avant la synthèse de la protéine par la cellule cible. © NIH, DP

    Ce schéma reprend le principe de fonctionnement de la thérapie génique. Un vecteur viral (vector) est équipé d'un gène d'intérêt (new gene). Il pénètre la cellule et va insérer son génome dans le noyau. Le gène d'intérêt, ici celui à l'origine de l'anticorps FI6, sera alors transcrit, traduit avant la synthèse de la protéine par la cellule cible. © NIH, DP

    Souris et furets protégés contre des souches mortelles

    Le traitement de thérapie génique a donc été administré en une dose par voie nasale à des souris et des furets. En quelques jours seulement, ils présentaient les anticorps, alors qu'il faut deux semaines par un vaccin classique pour obtenir des résultats similaires contre les grippes saisonnières. Cinq souches de grippe A(H5N1H5N1) parmi les plus mortelles, et deux souches de grippe A(H1N1)grippe A(H1N1) (dont la terrible grippe espagnole de 1918), ont ensuite été inoculées aux animaux. Ceux qui n'avaient pas été traités sont morts, et ceux ayant bénéficié de la thérapie génique ont survécu.

    A priori, le principe fonctionne. Il pourrait être repris pour lutter contre d'autres maladies infectieuses passant par les voies respiratoires. Il suffit simplement de changer le gène, de manière à coder pour un anticorps différent.

    La thérapie génique, en attendant un vaccin universel

    Mais si la performance a de quoi réjouir, elle n'est pas encore au point. Elle diffère de la vaccination en ce sens où elle n'induit pas de vraie mémoire immunitaire, et a une duréedurée d'action plus limitée. Philip Johnson, pionnier de cette technique contre le VIHVIH, avait montré que la réponse chez des singes était maintenue neuf mois. Dans cette étude, le virus adénoassocié a complètement disparu au bout de trois mois. Des délais bien trop courts que les scientifiques vont tenter de doubler.

    Cette différence dans la durée de protection viendrait des modes d'administration. Contre le VIH, la thérapie était appliquée par injection au niveau musculaire, là où les cellules ont une longue durée de vie. Au contraire de l'épithéliumépithélium des voies respiratoires, en perpétuel renouvellement.

    Des améliorations doivent donc être encore apportées pour que la technique puisse être testée chez l'Homme. De l'aveu même de James Wilson, un tel procédé ne peut remplacer une vaccination universelle contre la grippe. Mais comme celle-ci tarde à venir, cette thérapie génique préventive pourrait offrir une solution temporaire face aux épidémiesépidémies émergentes.