S’il demeure encore impossible avec les connaissances actuelles d’éradiquer à grande échelle le VIH chez les personnes contaminées, des chercheurs viennent de faire un progrès conséquent en développant une technique de thérapie génique capable de ralentir la progression du virus. Certains patients qui en ont bénéficié ont même pu interrompre leurs traitements antirétroviraux pendant trois mois. Il y a donc là une piste à creuser.

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    En inhibant le gène Ccr5 par des enzymes particulières, nommées nucléases à doigt de zinc, des chercheurs sont parvenus à ralentir temporairement la progression du VIH chez des patients séropositifs ayant arrêté momentanément leurs traitements. L’une des plus belles avancées de ces dernières années. © Adrian Cousins, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    En inhibant le gène Ccr5 par des enzymes particulières, nommées nucléases à doigt de zinc, des chercheurs sont parvenus à ralentir temporairement la progression du VIH chez des patients séropositifs ayant arrêté momentanément leurs traitements. L’une des plus belles avancées de ces dernières années. © Adrian Cousins, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Le Sida est désormais connu depuis plus de 30 ans, et continue à faire des millions de victimes chaque année dans le monde, principalement en Afrique, où de nombreuses personnes séropositives ne bénéficient pas des traitements. Pourtant, les antirétroviraux parviennent à contrôler l'infection, à tel point que certains patients, les mieux soignés, ne meurent plus du Sida mais des mêmes causes que le reste de la population.

    Dans l'histoire, seul un homme, Timothy Brown, aurait été définitivement guéri du Sida. Cette prouesse scientifique qui l'a sauvé n'en demeure pas moins impossible à reproduire à grande échelle. Car avant ce bonheur, cet États-Unien venu faire sa vie à Berlin avait appris qu'en plus de sa séropositivitéséropositivité contre laquelle il luttait depuis une décennie, il souffrait d'une leucémie. Une seule solution pour le sauver : une greffe de moelle osseuse, opération lourde et risquée, mais qui s'imposait dans ce cas.

    Son salut vint du donneur choisi pour l'occasion. Il s'agissait d'une personne dotée d'une mutation au niveau d'un gène nommé Ccr5, codant pour une protéine faisant office de récepteur à la surface des lymphocytes T4, principales cibles du VIHVIH. Cette particularité géniquegénique est bien connue, et les porteurs disposent naturellement d'une résistancerésistance à l'infection par le virus du Sida, car le pathogènepathogène a besoin de se fixer au récepteur CCR5 pour infester sa cible. Ainsi équipé, Timothy Brown s'est débarrassé des derniers foyers de virusvirus restants, à en croire les analyses. Depuis, l'homme n'a pas repris un seul antirétroviral, et se porteporte toujours très bien.

    Des lymphocytes T modifiés avec succès

    La greffe de moelle osseuse se révélant trop risquée pour la population séropositive, les chercheurs rêvent donc de modifier directement le gène incriminé pour ralentir la progression du VIH. Pour la première fois, une technique de thérapie génique ciblant Ccr5 et décrite depuis quelques années vient d'être testée chez 12 patients. Les premiers résultats publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM), encore préliminaires, semblent très positifs.

    Le VIH a beaucoup d’affinités pour les lymphocytes T4, des cellules immunitaires chargées d’encadrer l’organisation des défenses de l’organisme. Pour y pénétrer, il recourt notamment au récepteur CCR5 présent à leur surface. En le supprimant, on lui complique la tâche. © R. Dourmashkin, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Le VIH a beaucoup d’affinités pour les lymphocytes T4, des cellules immunitaires chargées d’encadrer l’organisation des défenses de l’organisme. Pour y pénétrer, il recourt notamment au récepteur CCR5 présent à leur surface. En le supprimant, on lui complique la tâche. © R. Dourmashkin, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Carl June et Pablo Tebas, de l'université de Pennsylvanie (Philadelphie, États-Unis), ont eu recours à l'édition des gènes à l'aide d'enzymesenzymes particulières, appelées nucléasesnucléases à doigt de zinc (NDZ). Il a d'abord fallu prélever du sang à tous les participants, chez qui la virémievirémie est sous contrôle grâce aux traitements antirétroviraux administrés. Puis les lymphocytes T4lymphocytes T4 ont été filtrés, mis en culture et mélangés avec les NDZ afin qu'elles désactivent le gène Ccr5. En moyenne, pour chaque patient, la méthode s'est révélée efficace dans 25 % des cellules.

    Par la suite, ces cellules ont été réinjectées dans le sang du patient. Dans les semaines suivantes, les analyses ont révélé davantage de lymphocytes T dans le sérumsérum, prouvant la meilleure tolérance au virus. La moitié des participants a stoppé ses traitements antirétroviraux durant 12 semaines. Globalement, les auteurs ont certes noté une résurgence progressive du VIH parallèle à une baisse des niveaux de lymphocytes, mais à des vitessesvitesses plus faibles qu'en temps normal.

    Peut-on croire à la thérapie génique contre le VIH ?

    Cette première approche révèle plusieurs points positifs. D'une part, la présence du VIH semble favoriser la prolifération de cellules immunitaires modifiées, et donc conçues pour lui compliquer la vie. Si la technique de thérapie géniquethérapie génique n'éradique pas le virus, elle pourrait bien faciliter la vie de certaines personnes séropositives, et plus spécialement celles bénéficiant déjà naturellement d'une copie mutée du gène Ccr5.

    Pourquoi ? Parce qu'un des participants à l'expérience s'est montré plus résistant que les autres dans le contrôle du VIH. Le virus n'est réapparu qu'après la 12e semaine, plus tardivement que chez les autres sujets de l'étude. L'analyse a révélé qu'il portait un allèleallèle muté du gène ciblé. Ainsi, en améliorant encore le protocoleprotocole, les auteurs espèrent fournir chez cette population au moins la possibilité d'arrêter les antirétroviraux de manière temporaire afin de leur donner un meilleur confort de vie.

    Les tests vont se poursuivre. Ces premiers essais permettaient surtout de s'assurer de l'innocuité de la technique. Les patients n'ont pas présenté d'effet indésirable grave, et le seul symptômesymptôme a été une mauvaise odeur corporelle l'espace de quelques jours. La technique semble donc fiable, et devrait être facilement applicable, ce qui en fait un traitement plausible à grande échelle si la suite des tests se montre aussi positive.